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Novembre 1991FESTIVAL D'AUTOMNE A PARISThéâtre des Bouffes du Nord

Maison de la Culture de ChambéryAssociation Théâtre, Musique, Danse, Nîmes

Le Cargo, GrenobleCAC Jean-Renoir, Dieppe

Avec le concours de l'Association Françaised'Action Artistique

Document de communication du Festival d'Automne à Paris - tous droits réservés

ROYAUME DU BHOUTAN

CHAMMusique et danses religieuses

Le Bhoutan se trouve être l'un des très rares pays au monde avec lequel nousn'entretenons jusqu'ici pas de relations diplomatiques; et pourtant, c'est en ambas-sadeur de France que je m'y suis rendu deux fois, à titre officiel, pour y mettre enoeuvre les prémisses d'un rapprochement.

Les deux gouvernements voulaient amorcer une politique de coopération culturelle,scientifique et technique, qui permettrait aux deux peuples de se découvrir mutuel-lement et d'entreprendre quelques actions concrètes; celles-ci ont commencé voicitrois ans, dans l'agriculture et l'élevage, également par des stages de cadres adminis-tratifs, et par la formation aux techniques de restauration des monuments historiques,illustrée par celle d'un des plus anciens «dzongs», prise en charge par la France.

Michel Guy s'était engagé à mes côtés, et avait pris l'heureuse initiative de faire venirau Festival d'Automne la Troupe Royale de Chants et de Danses, qui sera une totaledécouverte pour le public français. L'intensification progressive de nos rapports estégalement souhaitée par tous ceux (peu nombreux encore, et pour la plupart regrou-pés au sein de l'association française « Les Amis du Bhoutan ») qui connaissent cetextraordinaire pays perché dans l'Himalaya aux confins de la Chine et de l'Inde,estiment son peuple courageux, admirent sa civilisation et trouvent fort intéressantela politique de développement contrôlé menée par son jeune souverain, dans lerespect des traditions.

Je souhaite au public du Festival d'Automne à Paris d'apprécier l'atmosphère recueillie,le charme singulier et la signification profonde de ces danses et de ces chants qui, pournos amis bhoutanais, font partie depuis des millénaires de leur culture ancestrale etde leur vie quotidienne. Son accueil montrera au peuple du Bhoutan le respect etl'amitié de la France.

ANDRÉ LEWIN

Ambassadeur de Franceen Inde (1987-1991)

Le Festival d'Automne à Paris remercie

Sa Majesté jignne Singye Wangchuck, Roi du Bhoutan, pour avoir donné à la TroupeRoyale de Danse l'autorisation exceptionnelle de se produire au Festival d'Automne àParis.

Dasho Rigzin Dorji, Secrétaire d'Etat à la Commission des Affaires culturelles et M.Sonam Tobgye, Sous-Directeur à la Commission, pour l'aide apportée à la préparationet à la réalisation de ce programme.

Le Directeur de la Troupe Royale, Dasho Sithey ainsi que tous les danseurs et musiciensde la Troupe Royale.

André Lewin, Ambassadeur de France en Inde, et Catherine Clément pour le soutienapporté dès l'origine du projet.Yoshiro lmaeda, directeur de recherche au CNRS.

Françoise Pommaret, ethno-historienne, allocataire de l'Institut Français de Pondichéry,pour la coordination générale.

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LA TROUPE ROYALE DEDANSE DU BHOUTAN

La Troupe Royale est financée par le gouverne-ment du Bhoutan. Tous ses membres sont desfonctionnaires et dépendent de la Commissiondes Affaires Culturelles. La Troupe se produitdans toutes les occasions officielles ainsi quedans certains festivals religieux.

Directeur de la troupe : Dasho Sithey sontitre officiel de Champoen Chichab signifie «leMaître des Danses» est né dans la valléeoccidentale de Paro en 1939. Il sert d'abord letroisième Roi du Bhoutan en qualité d'écuyer,puis entre chez les Gardes du Corps Royaux en1961. En 1967, il est transféré à la Troupe Royalede Danses et devient l'adjoint du grand maîtreDasho Nagphel, dont il reprend la fonction en1971. Basé à Thimphu, il supervise tous les dan-seurs et veille à ce que la chorégraphie cente-naire soit scrupuleusement respectée.

Danseurs : Aucun des danseurs n'a fait d'étudesau-delà de l'école primaire. Ils se sont doncengagés dans la Troupe Royale très jeunes.Soumis à une formation initiale de six mois puis,s'ils réussissent leur examen, à un entraînementquotidien rigoureux, ils ont reçu des enseigne-ments religieux appropriés qui leur permettentd'exécuter les danses sans les départir de leurspiritualité. Ils ont parfaitement conscienced'incarner, pour quelques instants, les différentspersonnages du panthéon bouddhique. Ils sontvéritablement le lien entre notre monde et lasphère de la spiritualité. De par leur éducationreligieuse, les danseurs savent jouer des instru-ments qui accompagnent les danses.

M. Changlo, né à Punakha en 1951.Professeur de danse.

M. Tshering, né à Paro en 1959. Professeurde danse.M. Goembo, né à Paro en 1964. Danseur.M. Sonam, né à Paro en 1956. Danseur.M. Popthey, né à Paro en 1955. Danseur.M. Khamtoo Gyeltshen, né à Paro en 1961.Danseur.

M. Nima Gyeltshen, né à Paro en 1969. Danseur.

M. Doley, né à Paro en 1970. Danseur.M. Nedup Tshering, né à Paro Dopchari en1957. Danseur.M. Chhochong VVangdi, né à Pemagatshel en1970. Danseur.

M. Dago Chencho, né à Paro en 1967. Danseur.

M. Phub Dorji, né à Paro en 1966. Danseur.M. Lam Penjor, né à Paro en 1966. Danseur.M. Tshering, né à Paro en 1971. Danseur.M. Phub Tshering, né à Paro en 1957. Danseur.

M. Wangchu, né à Jala. Spécialiste de ladanse Nubi Zhey.M. Pasang Dorji, né en 1945 à Chirang.Spécialiste de la danse Nubi Zhey.

Joueurs de hautbois : Ce sont deux moines dumonastère de Nyimalung (Bumthang) auBhoutan central. Ils sont réputés pour la qualitéde leur jeu musical.M. Rinzin Wangchuk est né à Chumey(Bumthang) en 1952; il est entré au monastèredès l'âge de sept ans.M. Pema Wangchuk est né à Zugney (Bumthang)en 1962; il est entré au monastère à l'âge dehuit ans.

Accompagnateurs

M. Sonam Tobgye est né à Talo, près de l'an-cienne capitale de Punakha, en 1949. Il fait sesétudes au Bhoutan et à Darjeeling. En 1974, ilentre au Département de l'Information. Il esttransféré en 1987 à la Commission pour lesAffaires Culturelles en qualité de sous-directeur.

M. Namgay Rinchen, né à Yadi, près de Mongar,au Bhoutan de l'est, en 1958. Il fait ses étudesau Bhoutan. Il travaille au Département de l'In-formation avant d'être transféré à la Commis-sion des Affaires Culturelles en 1989.

Calendrier de tournée en France

Festival d'Automne à ParisThéâtre des Bouffes du Nord8 - 17 novembre 1991

Maison de la Culture de Chambérymercredi 20 novembre

Association Théâtre, Musique, Danse, Nîmesvendredi 22 novembre

Le Cargo, Grenoblemercredi 26 novembre

CAC Jean-Renoir, Dieppejeudi 28 novembre

LES DANSESRELIGIEUSES

Les danses religieuses les «chams» sontexécutées dans tout le Bhoutan à l'occasion desfêtes religieuses importantes. Certaines le sontuniquement par des moines, tandis que d'autrespeuvent être réalisées par des laïcs spécialementformés. Elles ne peuvent être dansées que pardes personnes spirituellement et mentalementpréparées à incarner les différentes divinités etles personnages religieux qu'elles dépeignent.Elles ne sont donc pas simplement des repré-sentations gestuelles symboliques : elles sontégalement imprégnées d'une dimension mys-tique. Ce sont de véritables rituels. L'aire dedanse devient une aire sacrée où agissent lesdivinités qui s'incarnent dans les danseurs. Lecaractère humain de ces derniers est alorstranscendé; ils deviennent véritablement desémanations divines.La chorégraphie de chaque danse est fixée etdécrite dans un livre appelé «Chamyig», c'est-à-dire «livre de danse»; la dernière édition fut ré-digée par Dasho Nagphel dans les années 60.Chaque pas et chaque geste a sa propre symbo-lique, et rien n'est laissé au hasard. Pour avoirvaleur de rituel, la danse doit être exécutée avecune extrême précision et une grande concen-tration.Les danses peuvent se diviser en trois grandescatégories

Dans les danses de subjugation et de protec-tion, les personnages et les divinités incarnéssubjuguent les esprits mauvais ou protègent lesendroits sacrés contre leurs attaques. Les exem-ples présentés ici sont les danses des Durdag, desShana, des Ging Tsholing et Shatsam.

Les danses à fonction didactique contribuentà l'éducation religieuse de l'assistance. Souventtrès longues, elles ne peuvent être présentéesdans le cadre du Festival d'Automne.

Les danses vouées à la glorification dubouddhisme, de ses saints et de l'école reli-gieuse des Drukpa Kagyupas: Nubi Zhey, DranyenChoezhey, Pacham et Dramitse Ngacham.

LES COSTUMES ET LESMASQUES

Les costumes ont été faits à partir de costumesanciens en 1954. Ils ont été fabriqués avec desbrocarts importés de Hong-Kong par des moi-nes tailleurs qui ont suivi fidèlement les modè-les.

Les masques ont également tous été fabriquésen 1954 à partir de modèles anciens. Ils sont enbois de pin, sauf ceux utilisés pour la danse desGing et Tsholing qui sont en papier mâché. Lesdanseurs regardent à travers la bouche des mas-ques; ils ont la tête enveloppée de tissus, afin dene pas être blessés pendant les danses par lesangles des masques.Les costumes et les masques sont gardés dansune pièce spéciale du dzong de Thimphu; Lescostumes sont pliés dans des malles, les mas-ques suspendus au plafond.Etant donné le respect des traditions au Bhoutan,on peut supposer que les masques et les costu-mes n'ont connu que peu de changements de-puis les XVIe et XVIle siècles, dates auxquellesremonteraient les premières danses.Les masques ont une signification symboliqueet représentent le personnage ou la divinité quis'incarnent dans le danseur. Le masque peutêtre assimilé à un code que le public bhoutanaissait déchiffrer. En particulier, les masques ef-frayants ne représentent en fait qu'un des aspectsd'une divinité, qui peut être paisible ou terribleselon le type d'actions à accomplir. Lors de lasubjugation d'esprits mauvais, les divinitésprennent cet aspect terrifiant que le masquetraduit parfaitement.L'origine des masques à tête d'animaux est en-core mal élucidée; ils ne semblent pas corres-pondre, comme on aurait pu le croire, aux ani-maux du zodiaque bhoutanais.

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Durdag Danse des Seigneurs des char-niers et des aires de crémation.

Costume : squelette blanc et masque de tête demortLes quatre seigneurs des charniers et des airesde crémation protègent ces lieux contre touteattaque des esprits mauvais ou des êtres ayantviolé leur serment de ne pas nuire à la doctrinebouddhique.Par leur exemple, ils montrent à tous les êtresayant foi dans le bouddhisme qu'il ne faut ja-mais cesser d'être vigilant et que l'on doit tou-jours être prêt à défendre la doctrine bouddhiquecontre les attaques des esprits mauvais.

Shana Danse des Chapeaux noirs.

Costume : Longue robe de brocart chatoyant,chapeau noir.C'est une des danses les plus importantes auBhoutan. Les danseurs incarnent des prêtrestantriques qui, ayant atteint un haut niveaud'accomplissement spirituel, peuvent accomplirce rituel ésotérique.Les esprits mauvais ne peuvent être subjuguéspar des moyens paisibles : les tantristes, tout enétant intérieurement remplis de compassion,prennent cette apparence pour enfermer cesesprits à l'intérieur de leur cercle. Puis ils les

suppriment, les libérant ainsi de leur enveloppedémoniaque. Ils prennent alors possession dusol et le bénissent par le pas de «foudre-dia-mant» symbole du bouddhisme tantrique.Une autre interprétation de cette danse rejointla première au niveau symbolique : elle repré-sente l'assassinat de Langdarma roi tibétaindu XIXe siècle qui persécuta le bouddhismepar un moine qui avait caché son arc et sesflèches dans les larges manches de sa robe.Cette danse purifie l'atmosphère et dissipe tou-tes les mauvaises influences qui peuvent s'ytrouver; c'est pourquoi elle est toujours repré-sentée au début des fêtes religieuses.

Ging Tsholing Danse des Ging etTsholing.Costume : Les Ging sont habillés de jupes orangecourtes et tiennent un tambour. Les Tsholing

PROGRAMME

Les explications données ici sont simplifiées pour la compréhension du public occidental;elles ne peuvent donc tenir compte de tous les niveaux ésotériques de ces danses.

2 heures environ, sans entracte.

sont vêtus de longues robes de brocart. Tousdeux portent des masques terrifiants, ceux desGing étant surmontés d'un drapeau.Cette danse, aux mouvements très rapides, aété créée d'après une vision du grand saintPemalingpa (1450-1521) : le paradis de GuruRinpoche (Padmasambhava) saint tantriquequi convertit le Bhoutan au bouddhisme au Villesiècle et qui est considéré comme l'égal d'unSecond Bouddha serait peuplé de deux caté-gories d'êtres vivant dans son entourage les

Ging et les Tsholing.Les Ging représentent les héros et êtres célestestandis que les Tsholing sont des protecteurs dela religion bouddhique. Les Tsholing détruisentles esprits mauvais avant d'être chassés par lesGing qui accomplissent alors seuls une danse devictoire; ils battent le tambour dont le son sym-bolise la doctrine bouddhique se propageant àtravers le monde.Au Bhoutan, cette danse est une danse depurification qui précède l'arrivée de GuruRinpoche et de ses Huit Manifestations. Le pu-blic siffle afin de chasser les esprits mauvais, etles Ging frappent les gens sur la tête avec leurbaguette de tambour pour expulser les impuretésaccumulées pendant l'année.

Shatsam Danse des Cerfs.

Costume : Jupe courte, épée, masque de cerf.Lorsque Guru Rinpoche vivait dans ce monde, ildompta le Roi du Vent qui engendrait des catas-trophes. Comme preuve de sa victoire, ilchevaucha le cerf qui était la monture du Roi duVent, apportant ainsi la tranquillité à ce monde.

Nubi Zhey Chant dansé de Nubi.

Costume : Jupe courte rouge, veste bleue, bottes.Cette danse de la région de Tongsa, au Bhoutancentral, glorifie le bouddhisme, comme le mon-trent les paroles du chant qui l'accompagneProsternons-nous devant nos Lamas qui sontcomme nos pèresPrions nos Lamas qui sont comme nos mèresFaisons des offrandes à la Parole des Trois Joyaux(le Bouddha, la doctrine bouddhique et la commu-nauté des croyants)

Faisons en sorte que l'Esprit de nos divinités pro-tectrices se réjouisseFaisons en sorte que le Corps du Bouddha entendenos prièresProsternons-nous devant le Corps, la Parole etl'Esprit du Bouddha...

Gyaling (Hautbois), musique religieuse.

Dramitse Ngacham Danse desTambourinaires du Monastère de Dramitsé.

Costume : Jupe jaune courte, masques à têted'animaux, tambour.Cette danse a été créée au XVIe siècle par KungaGyeltsen, un descendant du saint Pemalingpa.Les danseurs figurent une catégorie d'êtres cé-lestes qui vivent dans le paradis de GuruRinpoche; en jouant du tambour, ils célèbrent lavictoire du bouddhisme et éloignent les espritsmauvais.

Pacham Danse des Héros.

Costume : Jupe jaune courte, couronne à cinqcrêtes représentant les cinq sagesses, petit tam-bour à boules fouettantes et clochette.Cette danse fut également créée d'après unevision du grand saint Pemalingpa. Les héros« pawo» font aussi partie de l'entouragecéleste de Guru Rinpoche; ils guident les êtreshumains jusqu'à son paradis. Ils célèbrent ici lajoie d'être près de lui.

Dranyen Choezhey Chant religieux avecluth.

Costume : Longue jupe noire, manteau marron,bottes, épée, petite couronne. Un danseur tientle luth «dranyen».Cette danse célèbre la victoire du ZhabdrungNgawang Namgyel (1594-1651), l'unificateurdu Bhoutan, ainsi que celle de l'école des DrukpaKagyu pas.

Fêtes religieuses au monastère de Nyimalung Photo Philippe Gras

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LES INSTRUMENTS DEMUSIQUEComme dans toutes les régions de culturetibétaine, les danses religieuses exécutées dansle cadre des monastères bouddhiques requièrentla présence de quelques instruments caractéris-tiques, joués en général par des moines.Chaque danse est annoncée par une sonneriede trompes; dans le cas qui nous occupe, il

s'agit de longues trompes télescopiques en métalappelées dunchen (tibétain dung-chen), utiliséespar paires d'instruments identiques, capablesd'émettre chacun trois sons diversement en-chaînés les uns aux autres.

Les danses elles-mêmes sont accompagnées parun grand tambour sur cadre à deux peaux, lenga (tib. mga) et par une paire de cymbales àvolumineuse bosse centrale, les rom (tib. rol-mo).Ce sont les joueurs de nga et rom qui assurentle cadre rythmique de référence sur lequel lesdanseurs vont régler leurs pas et la chorégraphied'ensemble; les formules rythmiques soigneu-sement mémorisées ne font l'objet d'aucuneimprovisation.

A côté de ces instruments régulateurs du spec-tacle, il faut noter la participation des instru-ments portés et joués par les danseurs et quivarient selon la divinité ou le personnage in-carnés par le danseur

- petit tambour nga, muni d'un manche en boiset frappé avec une baguette courbe, joué parles musiciens du paradis de Padmasannbhavales ging ou par les participants à une dansespectaculaire qui a pris naissance au monastèrede Dramitsé.

- couple formé par le petit tambour en forme desablier damaru tenu dans la main droite et parla cloche tilbu (tib. dril-bu) tenue dans la maingauche, pour les « héros» pawo (tib. dpa-bo) qui,comme les ging, font partie de l'entourage cé-leste de Padnnasambhava.luth dran yen (tib. sgra-snyan) servant habituel-lement à accompagner chants et danses pro-fanes, mais exceptionnellement associé à unedanse religieuse. Le luth bhoutanais dont la tailleavoisine un mètre de long est caractérisé parune caisse en bois sculpté, recouverte de peauà sa partie inférieure, et tendue de sept cordes,grattées avec un petit plectre; le cheviller estfréquemment sculpté en forme de tête demonstre marin ou de dragon.

A ces instruments qui apparaissent comme at-tributs spécifiques de personnages déterminés

peuvent éventuellement s'ajouter les inter-ventions ponctuelles de petites trompes courtesen fémur humain ou en métal les kanglingembouché par l'un ou l'autre des danseurs.

Une place à part revient aux hautbois gyaling(tib. rgya-gling), joués par paires d'instrumentsidentiques, en utilisant la technique dite de la«respiration circulaire» qui évite aux musiciensde devoir s'arrêter pour reprendre leur souffle,ce qui aurait pour effet de couper la continuitédu son. Les hautbois utilisés dans les monastèresse distinguent de ceux qui sont employés dansla vie civile : le corps de l'instrument se com-pose d'un tuyau en bois, percé de sept trousantérieurs et d'un trou postérieur; il est pourvud'un pavillon en cuivre, en argent ou même enor, qui peut être richement décoré de pierreries.

D'une façon générale, le son des hautbois estassocié à toute manifestation à caractère festifdes sonneries de hautbois, alternant parfois avecles trompes dunchen, accompagnent le début etla fin de toute cérémonie importante, aussi bienque les déplacements d'un maître religieux oud'une personnalité civile. Le répertoire des piè-ces pour hautbois est hautement valorisé, no-tamment dans les monastères relevant de latradition nyingmapa à laquelle appartiennent lesdeux moines joueurs de gyaling invités par leFestival d'Automne à Paris.

MIREILLE HELFFER

Joueur de Hautbois à Nyimalung Photo Philippe Gras Photo Philippe GrasMasque de Ging

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GÉOGRAPHIE, POPULATIONS ET LANGAGES

Comme le Ladakh, le Lahul, le Spiti, situés aunord de l'Inde et une partie du Népal, le Bhoutanfait partie de l'aire culturelle tibétaine. Depuis leVile siècle, le Bhoutan a entretenu des rapportsétroits avec le Tibet où, paradoxalement, il étaitplus facile de se rendre qu'en Inde. L'Himalayan'était pas la barrière formidable que les Occi-dentaux imaginent et il était possible de fran-chir les cols une grande partie de l'année. Lescontacts étaient permanents, les religieuxtibétains et bhoutanais faisaient des visites fré-quentes dans les monastères de leur obédienceet le commerce était florissant entre les deuxpays.L'influence tibétaine se fait particulièrementsentir dans le domaine de l'art, de la religion et,bien sûr, de la musique et des danses rituellesqui sont partie intégrante de la religion.L'isolement séculaire du Bhoutan ne s'expliquequ'en grande partie par ses conditions géogra-phiques. Situé entre l'Inde et la Chine (régionautonome du Tibet), ce pays de 700.000 habi-tants s'étend sur 47.000 km2 : un gigantesqueescalier entre l'étroite bande des terres du sud(300 m d'altitude) et les hauts sommetshimalayens du nord (plus de 7.000 m d'alti-tude). La frange méridionale, les premiers flancsde l'Himalaya (300 à 1.600 m d'altitude) et lesvallées centrales (1.100 à 2.600m d'altitude)sont les régions les plus peuplées et les plusfertiles. Les vallées centrales étaient très diffici-lement accessibles depuis le sud jusque dans les

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années 60. Au-delà de la plaine, une barrièremontagneuse insalubre s'élevait jusqu'à 2.000mètres, entrecoupée de gorges couvertes dejungle; il fallait cinq jours pour couvrir les centkilomètres de pistes qui séparaient la capitaleThimphu de Buxa Duar, à la frontière indienne.Dans la première moitié du XXe siècle, certainesrégions un peu moins escarpées furent défri-chées; deux routes carrossables nord-sud furentégalement construites au début des années 60.jusqu'à la fermeture de la frontière avec le Tibeten 1959, le Grand Himalaya offrait en plusieursendroits des cols aisément franchissables cer-tains également en hiver; les échanges culturelset économiques, remontant au Vile siècle, étaientnombreux entre les deux pays.

L'étroite bande de plaine méridionale ap-pelée autrefois Duars : « les Portes» et lepiémont himalayen ont été mis en valeur jus-qu'à une altitude de 1 700 m. La proximité desmarchés du nord de l'Inde et du Bangladesh acontribué au développement de ces régions. Depetites villes commerçantes et des mini-com-plexes industriels sont apparus. Ces régions sontpeuplées en majorité par des paysans d'originenépalaise hautes castes et populations tri-bales; leurs migrations commencèrent à la findu XIXe siècle et se poursuivirent jusqu'en 1950.Ils sont maintenant citoyens bhoutanais à partentière : des « Bhoutanais du Sud » selon l'ap-pellation officielle.

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Dans l'Himalaya central, les vallées de Paro,Thimphu, Punakha, Wangdiphodrang, Lhuntseet une partie de celle de Tashigang sont par-tagées entre la culture du riz en été et celle dublé en hiver; Ha et Bunnthang, situées à plus de2.600 m, sont consacrées à la culture de l'orge,du sarrasin et du blé. Depuis le début des an-nées 80, la pomme de terre a fait une remarqua-ble percée dans des régions défavorisées, no-tamment par l'altitude. Outre le riz qui poussesur les meilleures terres, l'est du pays cultiveégalement le maïs, sur des sols plus pauvres. Lemillet est récolté partout pour être transforméen alcool. Les régions de Thimphu et Paro sontaussi productrices de pêches, de prunes et sur-tout de pommes et d'asperges. Une grande partiede ces deux dernières récoltes est exportée. Lesoranges et les bananes de Punakha, Wang-diphodrang, Mongar, Lhuntse et Tashigang sonten revanche destinées à la consommation lo-cale.

Dans les vallées centrales comme dans le Sud,l'élevage de porcs, de bovins et de poulets esttrès répandu; il répond aux besoins personnelsplutôt qu'à ceux d'une production de masse. ABumthang, on élève le mouton pour sa lainec'est une viande qui ne connaît guère les faveursdes Bhoutanais.L'Himalaya central est le domaine des Dru kpas,population de paysans et d'éleveurs apparte-nant au groupe des mongoloïdes et à la famillelinguistique dite tibéto-birmane; leur habitat estgénéralement dispersé. Autour des dzongs cesforteresses-monastères qui défendaient autre-fois chaque vallée se développent cependantdes bourgs; leur apparition est directement liéeà l'amélioration du réseau de communications,à la croissance de l'infra-structure administrativeet à la naissance d'une bourgeoisie composéede fonctionnaires et de petits commerçants.Mis à part le Grand Himalaya, orienté est-ouest,les chaînes de montagnes traversent le pays dunord au sud, formant de véritables barrières quiatteignent 4.000 à 5.000 m. Chaque vallée cen-trale est donc un microcosme séparé de la valléesuivante par un col élevé, ce qui ne facilite pasles communications à l'intérieur du pays. Uneroute dite latérale a été récemment achevée; ellerelie toutes les vallées centrales, mais il fautencore trois jours pour se rendre de Ha àTashigang, dans des conditions climatiques fa-vorables.Toutes ces vallées sont riches en vestiges dupassé : monastères, temples et forteresses. Lacapitale permanente du pays est située depuisles années cinquante dans la vallée de Thimphu.

Au nord, au-delà de 3.500 m, commencent lesrégions du Grand Himalaya. Lingshi, Laya etLunana sont consacrées à l'élevage extensif duyak. L'altitude élevée des vallées de Merak etSakteng à l'est du pays, ou de Gantey (Phobjika)dans les Montagnes Noires n'est pas favorable àla culture : seuls l'orge et les raves poussentdans ces régions. Le régime alimentaire estcomposé essentiellement de lait, de beurre, defromage et de viande de yak. Les habitantsappelés bjops : «pasteurs» (ou brogpas selonles prononciations locales) sont des éleveurssemi-nomades de yaks.

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Les trois zones de relief le Piémont himalayenau sud, l'Himalaya central avec ses vallées et leGrand Himalaya correspondent à trois zonesclimatiques qui peuvent se définir respectivementcomme tropicale, tempérée avec mousson etalpine avec mousson. Ces variations climatiquesainsi que la large échelle des altitudes expli-quent la richesse extraordinaire de la flore duBhoutan : en quelque soixante-dix kilomètres,on peut voir se succéder une région de rizières,de bananiers et d'orangers située à 1.300 m(Punakha), une forêt de feuillus, puis une forêtalpine (Gasa) et enfin une région d'élevage deyaks où seuls poussent l'orge et le blé d'hiver(Laya). Rhododendrons, genévriers et magno-lias de plusieurs mètres de hauteur, fleurs carni-vores, orchidées rares et pavot bleu, edelweiss,gentianes, et plantes médicinales, daphné, rhu-barbe géante et plantes de haute altitude, ar-bres tropicaux, sapins et chênes : le Bhoutan estun tel paradis botanique que l'un des ses nomsanciens était «Vallées du sud aux herbes médi-cinales».

La faune diffère aussi selon les étages de lavégétation. Et elle reste abondante, car l'im-mense majorité des Bhoutanais ne chasse pas etne pêche pas pour des raisons religieuses. Elé-phants, tigres, buffles, serpents, et singesdont le fameux «Langur doré» peuplent lesjungles épaisses du sud; dans les rivières vit le« masheer», un poisson quelquefois comparé àun saumon tropical. L'Himalaya central est ledomaine des faisans, des pandas rouges, dessinges, des sangliers, des daims et surtout desredoutables ours noirs à col blanc. Les grues àcol noir migrent du Tibet pour hiverner dans lesvallées isolées de Gantey et de Bumdeling. Leshauts espaces désolés sont le domaine des yaks,des chèvres appelée «tahr» (Hemitragus jemla-hicus), du timide mouton bleu, du daim musquéet des rarissimes léopards des neiges et takins(Budorcas taxicorlor).

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Aucune recherche archéologique n'a encore étéentreprise au Bhoutan, mais les outils de pierretaillée découverts à la surface du sol laissentpenser que le pays fut peuplé assez tôt pro-bablement autour de 2.000 av. J.C. En l'absencede données plus complètes, il est toutefois dif-ficile de tirer des conclusions sur les populationsqui peuplaient le Bhoutan préhistorique.

Le bouddhisme

Quant à l'histoire proprement dite, elle se con-fond pendant des siècles avec l'histoire religieusedu pays, à tel point que l'école religieuseprédominante à partir du XVIle siècle l'écoledes Drukpas donna son nom au pays et à seshabitants. C'est ainsi qu'en dzongkha, la languenationale, Bhoutan se dit Druk yul, et bhoutanais,Drukpa. La traduction poétique de Druk yul par« Pays du Dragon » s'explique par l'anecdotesuivante. A la fin du Xlle siècle, alors que TsangpaGyare Yeshe Dorje (1161-1211) consacrait unmonastère du Tibet central, il entendit le ton-nerre, que la croyance populaire identifie à lavoix du dragon, druk. Il décida donc de nom-mer ce monastère « Druk», et l'école religieusequi y fut fondée fut appelée « Drukpa ». Au XVIlesiècle, les Drukpas unifièrent le pays et lui don-nèrent leur nom.

Selon la tradition bhoutanaise, l'histoire duBhoutan débute au Vile siècle ap. J.C. Le Bhoutanétait alors appelé «Vallées du sud ». Le roi tibétainSongtsen Gannpo y construisit les deux premierstemples bouddhiques : Kyichu dans la vallée deParo et Jampey dans la vallée de Choekor àBumthang. Au Ville siècle, Padnnasambhava, untantriste d'origine indienne appelé au Tibetet au Bhoutan Guru Rinpoche : « le PrécieuxMaître» arriva au Bhoutan et y introduisit lebouddhisme sous sa forme tantrique. Il estconsidéré par l'école religieuse des Nyingnnapascomme son fondateur et comme le SecondBouddha. Tous les endroits où il a médité etqu'il a visités sont devenus des lieux saints pourles Bhoutanais, qui vénèrent également ses HuitManifestations dans presque tous les templesdu pays.

La haute-époque

La fin du Xle siècle et le début du Xlle sièclefurent une période de foisonnement religieux

HISTOIRE ET RELIGION

au Tibet : plusieurs écoles religieuses virent lejour, dont celles des Kadampas, des Kagyupas etSakyapas. L'activité missionnaire de ces nou-velles écoles se dirigea également vers les «Val-lées du Sud ». A la fin du Xlle siècle, GyelwaLhanangpa s'installa au Bhoutan de l'ouest etfonda l'école des Lhapas, une branche desKagyupas.

Dans la première moitié du XIlle siècle, le reli-gieux Phajo Drugonn Shigpo arriva au Bhoutande l'ouest. Il appartenait à une autre branchedes Kagyupas, celle des Drukpas, qui avait étéfondée au Tibet central par Tsangpa Gyare YesheDorje. Dès son arrivée, Phajo Drugom Shigpo seheurta aux Lhapas, déjà fermement implantésau Bhoutan de l'ouest. Il l'emporta finalement;toutefois, l'école des Lhapas continua à existerjusqu'au XVIle siècle, époque à laquelle elle futdéfinitivement vaincue par le ShabdrungNgawang Namgyel qui unifia le Bhoutan sousl'hégémonie drukpa.

Malgré l'influence politique et religieuse crois-sante des Drukpas, de nombreux religieux con-tinuèrent à venir au Bhoutan de l'ouest entrele Xlle et le XVIle siècle. Parmi eux, Drukpa Kunley(1455- 1529), dit «le fou divin » et d'obédienceDrukpa Kagyupa, est sans conteste le person-nage le plus populaire de l'histoire du Bhoutan.Ses aventures sont connues de tous.

Dans le centre et l'est du pays, l'influence drukpane se fit vraiment sentir qu'à partir du XVIesiècle. Avant cette époque, les religieux nying-mapas y furent les plus actifs. Le plus célèbredes saints nyingmapas, Pemalingpa, naquit àBumthang en 1450 et y mourut en 1521. Sesactivités religieuses lui valurent une renomméedans le monde tibétain bien au-delà des fron-tières du Bhoutan. Il fonda plusieurs monastèresà Bumthang et fut à l'origine de danses reli-gieuses dont il avait eu les visions. Ses nom-breux descendants émigrèrent dans tout leBhoutan de l'est, où ils renforcèrent la positiondes Nyingmapas.

Unification du Bhoutan

C'est au XVIle siècle que le Bhoutan allait de-venir un état unifié grâce au charisme politiqueet religieux de Ngawang Namgyel (1594-1651),de l'école des Drukpas. Ngawang Namgyel por-

tera le titre honorifique de Zhabdrung, «aux piedsduquel on se soumet».

Arrivé au Bhoutan en 1616 après avoir fui leTibet, il réussira à subjuguer en quarante anstoutes les oppositions, et à unifier « les Valléesdu Sud » désormais appelées Druk yul, « pays desDrukpas».

Né dans la famille princière des Gya, il étaitdevenu le dix-huitième abbé du grand monas-tère drukpa de Ralung, près de la frontière norddu Bhoutan. Craignant pour sa vie à la suited'une complexe histoire de réincarnation,Ngawang Namgyel fut obligé de s'enfuir. Il seréfugia au Bhoutan de l'ouest, invité par desdisciples de l'école drukpa, déjà bien implantéedans cette région depuis le XIlle siècle. En 1629,il construisit son premier dzong à Simtokha, dansla vallée de la rivière Wang. Les dzongs bâtis parla suite dans chaque vallée symbolisaient nonseulement la puissance de l'école des Drukpaspar le monastère qu'ils comprenaient, mais for-maient également un incomparable outil degouvernement et d'unification du pays, puis-qu'ils étaient le siège de l'administration desprovinces.

Pour l'unification du Bhoutan, le ZhabdrungNgawang Namgyel dut se battre à la fois contreles Tibétains venus de l'extérieur, et contre les«Cinq Groupes de lamas» à l'intérieur du pays.Ces derniers représentaient des écoles religieusesinstallées depuis longtemps au Bhoutan del'Ouest. Ils étaient dirigés par les ennemis sécu-laire des Drukpas : les Lhapas. Le Zhabdrunglutta victorieusement contre cette coalition etétablit fermement la prédominance politique etreligieuse des Drukpas au Bhoutan de l'ouest.Son ambition d'unifier le Bhoutan central etoriental ne se réalisa que quelques temps aprèssa mort. En 1656, après une campagne militaireéprouvante, le Bhoutan central et oriental en-traient dans l'orbite politique des Drukpas, et leBhoutan prenait sa forme définitive.

Le Zhabdrung dota le Bhoutan d'un système ad-ministratif et législatif remarquable. Il établit unclergé d'Etat dirigé par un chef religieux, le JeKhenpo, et une théocratie de fonctionnaires-moines, à la tête desquels il plaça un chef tem-porel, le Desi.

Dans la première moitié du XVIlle siècle, la

théorie de la triple réincarnation Corps, Pa-role et Pensée du Zhabdrung fut établie. Maisseule la lignée des incarnations de la Pensée futreconnue comme celle des successeurs officielsdu Zhabdrung, en tant que chefs d'état.

Dissensions internes et contacts avec l'Indebritannique

Du milieu du XVIlle siècle à la fin du XIXe siècle,les gouverneurs régionaux, les Penlops, accru-rent leur puissance au détriment du gouverne-ment central et des Zhabdrungs successifs. Ceciallait entraîner une instabilité et des querellesintestines de plus en plus fréquentes, débou-chant sur d'incessantes guerres civiles.

Hors des frontières et jusqu'au milieu du XVIllesiècle, le gouvernement bhoutanais n'avait eude relations suivies qu'avec le royaume de CoochBihar sur sa frontière sud, ou avec des régionsde culture tibétaine Tibet, Ladakh, Sikkim. Ilse trouvait désormais confronté à un nouvelélément : l'hégémonie des Britanniques en Assamet leur désir d'expansion coloniale en Himalaya.Les missions britanniques de la seconde moitiédu XVIlle siècle, cherchant à établir des lienscommerciaux privilégiés avec le Tibet et le

Bhoutan, réussirent à créer de bonnes relations,sans toutefois apporter les résultats concretsespérés. Mais la divergence d'intérêts entre lesdeux pays concernant la question des Duarsla bande de terre fertile du sud du pays allaitrapidement ternir ces bonnes relations : les

missions du XIXe siècle furent empreintesd'hostilités. A partir des années 1830, les escar-mouches incessantes sur la frontière sud duBhoutan atteignirent une telle ampleur qu'ellesdébouchèrent en 1 864 sur la «guerre des Duars».En novembre 1865, le traité de Sinchula mettaitfin à cette guerre et marquait l'avènement derelations amicales entre le Bhoutan et l'Empirebritannique. Le Bhoutan perdait la bande deterre fertile des Duars, mais recevait une com-pensation monétaire annuelle des Britanniques.

Jigme Namgyel et l'avènement de la DynastieWangchuck

L'affaiblissement progressif du gouvernementcentral s'était encore accentué. Dans la secondemoitié du XIXe siècle, il favorisa l'émergence dupouvoir de deux principaux gouverneurs, ceuxde Paro et de Tongsa, qui contrôlaient de fait leBhoutan de l'ouest et le Bhoutan central etoriental. En s'appuyant sur un réseau d'allian-ces, le Tongsa Penlop Jigme Namgyel réussit àdevenir l'homme fort du Bhoutan dès 1865,position dont son fils Ugyen Wangchuck héritaen 1881. Ce dernier renforça les alliances for-gées par son père et remporta une victoire dé-cisive sur ses plus farouches opposants en 1885à Thimphu.

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A partir de cette date, la vie politique au Bhoutanconnut une stabilité nouvelle. Le Tongsa PenlopUgyen Wangchuck, conseillé par Kazi UgyenDorje, penchait pour une coopération accrueavec les Britanniques. Il joua le rôle d'intermé-diaire dans les délicates négociations entre lesTibétains et les Britanniques en 1904-1905.

Ugyen Wangchuck fut choisi le 17 décembre1907 par une assemblée de représentants de lacommunauté monastique, des fonctionnaires etdu peuple pour devenir le premier Roi duBhoutan. Ce jour marqua la fin du double sys-tème de gouvernement instauré par le Zhab-drung Ngawang Namgyel et l'avènement d'unemonarchie héréditaire. Le Roi Ugyen Wangchuckmourut en 1926. Son fils Jigme Wangchuck luisuccéda jusqu'en 1952. Les règnes de ces deuxpremiers Rois furent marqués par la stabilitépolitique et par le retour à une certaine prospé-rité. Un désir d'ouverture sur l'étranger, l'in-fluence d'hommes éclairés ainsi que l'aide de laGrande-Bretagne permirent de fonder les pre-mières écoles de type occidental et d'envoyerles premiers Bhoutanais étudier en Inde. Le troi-sième Roi, Jigme Dorje Wangchuck, régna de1952 à 1971; il est considéré comme le père duBhoutan moderne. Héritant d'un pays en paix,il comprit que le Bhoutan, s'il voulait survivre,ne pouvait pas continuer sa politique isola-tionniste.

En 1961, avec l'aide de l'Inde, le Roi lança lepremier plan quinquennal de développement etun effort particulier fut consacré à la construc-tion de routes. En 1962, le Bhoutan rejoignaitune première organisation internationale, le Plande Colombo, et en 1971, le pays entrait auxNations Unies. Après la mort du souverain en1972, son fils S.M. le Roi Jigme SingyeWangchuck montait sur le trône à l'âge de dix-sept ans. Il n'eut aucune peine à prendre lescommandes du pays et se consacra à poursuivrela politique de développement socio-écono-mique, tout en veillant à conserver les traditionsancestrales et le patrimoine culturel. Aujourd'huien 1991, le Bhoutan est membre de presquetoutes les organisations affiliées à l'ONU. LeBhoutan fait partie du Mouvement des paysnon-alignés depuis 1973 et du SAARC (Associa-tion de Coopération Régionale de l'Asie du Sud)depuis 1985; il a des relations diplomatiquesavec vingt et un pays dont le Japon, la Suisse, laCommunauté Européenne et l'Inde.

FRANÇOISE POMMARET

Textes extraits et résumés du guide Bhoutan

Les Editions Olizane, Genève, ont publiéen 1991 le premier guide du Bhoutan.Textes de Françoise Pommaret.

Photos de Françoise Pommaret et Yoshirolmaeda.

270 pages

GLOSSAIRE

Cham, Danse religieuse

Dasho, Titre de noblesse conféré par le Roi

Dran yen, Luth

Drukpa Kagyupa, Ecole religieuse officielle

Druk Yul, Nom du Bhoutan en languebhoutanaise

Dzong, Forteresse et monastère

Ging, Etre céleste de l'entourage de GuruRinpoche

Guru Rinpoche (Padmasambhava), Saint quiconvertit le Bhoutan au bouddhisme tantriqueau Ville siècle. Déifié comme le Second Bouddha.

Nyingmapa, Ecole religieuse dont la fondationremonte à Guru RinpochePemalingpa (1450-1521), Saint nyingmapa quieut une très grande influence religieuse. Sesnombreuses visions sont à la source de plusieursdanses

Penlop, gouverneur

Pawo, Héros, être céleste de l'entourage de GuruRinpoche

Zhabdrung Ngawang Namgyel (1594-1651),Unificateur du Bhoutan au XVIle siècle; ilpropagea et imposa l'école Drukpa Kagyupadans tout le pays. La Danse des Seigneurs des charniers Photo Pommaret/Imaeda

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LES CIGALES DES HIMALAYAS

Michel Guy était animé d'une vraie passion pourles cultures extra-européennes; il serait plusjuste de dire qu'il ne concevait pas l'Europe sansles fortes épices que lui ont toujours apportéesles pays lointains. L'Orient l'attirait; il raffolaitde l'Inde, maintes fois présente au Festival; maisen 1987, où chercher l'Asie? La Chine avait étéà l'honneur, le programme de Birmanie avaitsombré pour des raisons politiques, les pays dela péninsule indochinoise n'étaient guère acces-sibles pour des opérations artistiques, et le Tibetétait interdit.Entre le Tibet et l'Inde, restait un petit royaumehimalayen, mystérieux, inconnu, soigneusementprotégé par son jeune roi, et où nous savionstrouver de secrètes merveilles. Je partis résideren Inde, et Michel Guy me confia le soin despremières négociations au Bhoutan. Ce fut l'unedes plus heureuses chances de ma vie.Poser le pied sur le sol du Bhoutan, ce n'est pasun simple vertige, mais un bouquet de vertiges.Dès l'aéroport, à 2.300 mètres d'altitude, la têtetourne; des champs entiers de cosmos et dehaschich envahissent les narines d'une odeursucrée, de petits nuages cavalent à toute alluredans un ciel vif, et les sommets tibétains appa-raissent, couverts de forêts de rhododendronset de magnolias en fleur, et surmontés de nei-ges légendaires. De loin en loin, se dessinent lesénormes et massives silhouettes des «dzong »,château, temple, bâtiment administratif et mo-nastère tout ensemble. Le long des allées desaules qui y conduisent, les cigales font un bruitpour lequel n'existent pas de mots françaissifflantes, vibrantes, vrombissantes, elles règnentsur le monde.En longues théories incessantes, hommes, fem-mes et enfants marchent vers les Dzong. LesBhoutanais sont légalement obligés de porterl'élégant costume national : pour les hommes,le gô, sorte de kimono court à carreaux orangeet brun, pour les femmes, la kira, longue tu-nique croisée, extrêmement serrée par une largeceinture. Et comme aucun Bhoutanais n'entredans l'espace sacré sans l'écharpe correspon-dant à son rang, l'étranger, soudain, se sent nu,d'autant que le geste pour nouer l'écharpe blan-che, orange ou pourpre est un prodige deprestesse et de beauté. Mais enfin l'on entre,gauche, maladroit, essoufflé.Toits garance, fenêtres aux croisillons noirs, voletssang de boeuf, clochetons d'or, et courant surles murs blancs, des sculptures de bois peint en

vert, jaune rouge... Les couleurs éclatent. Par-tout se faufilent les moines en robe pourpre etau crâne rasé, des milliers de Foudre Bénie,comme dans Tintin au Tibet. Partout aussi circu-lent dans le dzong des marmites, d'où sort uneodeur chaude et grasse : riz rose et l'oreille ducochon bouillie. Au haut d'un interminable es-calier escarpé façon Hollande, attend le Ministrede la Culture.Sa Majesté, jeune homme moderne, a parfai-tement compris les dangers du tourisme, etconsidère, à juste titre, tout son pays comme unpatrimoine mondial. Aucun objet n'en doit sor-tir, les rares touristes circulent en groupes ac-compagnés, et pour le trekking seulement;l'entrée des dzongs est interdite. Il est vrai queles moines furent parfois prompts à vendrestatues et reliquaires, et qu'on n'est jamais tropprudent. Si Sa Majesté y consent, la présence duBhoutan au Festival d'Automne à Paris ne poseracependant aucun problème : le Bhoutan estreprésenté à l'ONU et soucieux de se faireconnaître. Nous irons sélectionner les joueursde hautbois dans l'un des monastères les plusreculés du pays, à l'est, dans la vallée deBumthang.Un an plus tard, nous y sommes. Jour de fête àNyimalung. Grimpette dans l'Himalaya, altitude,suffocation : voici le temple. Il pleut. De huitheures du matin à six heures du soir, dans lapetite cour pavée, ils dansent, tournoyant auson des hautbois, des longues trompes de cui-vre, et des grands tambourins. Au-dessus deleurs larges robes de satin brodé aux teintespastel, sous des flots de rubans aux vives cou-leurs, voici les masques de bois peint : le cerf, leporc, l'aigle au bleu plumage sombre, l'ours...et soudain, la Mort, avec ses colliers de crâne etsa peau lie de vin. Démons et saints s'affronte-ront tout le jour sous la pluie de mousson;jusqu'au moment où la figure du grand gouroudu monde tibétain, Padmashambava, immensemarionnette humaine à la tête d'or, apparaîtpour réconcilier les vivants et les morts. Juge-ment dernier; c'est fini. L'odeur du riz rose n'apas désemparé.Au retour, la terre subitement s'écroule. Plus deroute. Nous serons coupés du monde pendantquelques jours, sur une colline surplombant undzong d'où sortent les fumées des sacrifices etles meuglements des trompes pour apaiser lesdémons des éboulis. Les hélicoptères de l'arméeindienne mettront fin à nos angoisses : survol

au-dessus des verts vallons fleuris, on contourneles nuages, les pics, les sapins, jusqu'à la plaineindienne, noyée. Quand je suis retournée auBhoutan pour les dernières négociations, dansla capitale, Thimphu, j'ai trouvé au marché dudimanche des tomates qui poussent sur desarbres, des colliers faits dans une pierre blancheet dure, en fromage de yak; des haricots géantsdont les fruits transparents et légers feront desdrapeaux de prière flottant au gré du vent. Leshautbois de Nyimalung et les danseurs masquésdu roi viendraient au Festival d'Automne; MichelGuy ne serait plus là pour les accueillir; les

champs de cosmos et de haschich répandaienttoujours la même odeur parfumée, et les cigalesvibraient avec la même majesté.

CATHERINE CLÉMENT

Réalisation de la tournée de la Troupe Royaledu Bhoutan en France, Festival d'Automne àParis : Joséphine Markovits.Shan Benson, assistante ;Françoise Pommaret, coordination générale ;Christian Camerlynck, responsable detournée.

Photo Philippe Gras

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600 ap. J.C. : Introduction du Bouddhisme,construction des temples de Jampey à Bumthanget Kyichu à Paro (env. 640-650).

800 ap. J.C. : Visite de Padmasambhava (GuruRinpoche), saint tantrique, fondateur de l'écolereligieuse des Anciens (Nyingmapa), (env. 800).Le Bhoutan est alors connu sous le nom de«Vallées du Sud»

11 50-1 500 ap. JC. : Propagation des diffé-rentes écoles religieuses du bouddhismetantrique tibétain. Arrivée de GyelwaLhanangpa (1164-1224) qui établit l'école desLhapa Kagyupa (env. 1200) dans l'ouest dupays. Arrivée de Phajo Drugom Shigpo (1184-1251) qui établit l'école des Drukpa Kagyupa(env. 1230) dans l'ouest du pays. Arrivée dusaint Nyingmapa Dorje Lingpa (1346-1405) auBhoutan central. Séjour de dix ans du grandphilosophe Nyingmapa Longchen Rabjampa(1308-1363) au Bhoutan central. Activité in-tense du grand saint bhoutanais Pema Lingpa(1450-1521) qui conforte la position desNyingmapas au Bhoutan central et propage leurenseignement au Bhoutan de l'est. Entre 1400et 1600 intense activité missionnaire de l'écoleDrukpa Kagyupa au Bhoutan de l'ouest. Visitedu fameux «Fou de Dieu », Drukpa Kunley,(1455-1529).

1620-1660: Unification du Bhoutan. En 1616,arrivée et installation au Bhoutan de l'ouest duchef de l'école Drukpa Kagyupa, le ZhabdrungNgawang Namgyel. Lutte contre les Tibétainset contre les autres écoles religieuses. Victoiredu Zhabdrung et de l'école Drukpa Kagyupa.Unification du Bhoutan de l'ouest sous son hé-gémonie. Première visite d'occidentaux en 1 627deux pères jésuites portugais en chemin pourLhasa au Tibet. Construction des forteressesSimtokha (1629), Punakha (1637), Wangdi-phodrang (1638), Thimphu (1641), Paro (1645).Etablissement d'un système politique théo-cratique. Retraite et mort du Zhabdrung en1651. Poursuite par les « chefs temporels» de sonoeuvre unificatrice au Bhoutan central et orien-tal. Le Bhoutan est unifié en 1656 sous l'hégé-monie religieuse et politique des DrukpaKagyupas. Prend le nom de «Druk Yul» : Pays

du Dragon/des Drukpas

CHRONOLOGIE

1 700-1 870 : Instabilité politique et contacts avecles Anglais. Montée du pouvoir des gouverneursde forteresses. Nombreuses rivalités pour lepouvoir conduisant à des luttes intestines. Pre-mières missions anglaises et détérioration desrelations au XIXe siècle : George Bogle (1774-1775); Samuel Turner (1783); Robert Pemberton(1838); Ashley Eden (1864). Guerre anglo-bhoutanaise dite «guerre des Duars» en 1864-65. Le Bhoutan perd des territoires mais con-serve son indépendance. Montée au pouvoir dugouverneur de la forteresse de Tongsa, JigmeNamgyel, qui devient de fait l'homme fort dupays.

1907 : Etablissement de la monarchie hérédi-taire. Abolition de la théocratie et élection dupremier roi du Bhoutan, Ugyen Wangchuck, filsde Jigme Namgyel.

1910 : Traité de Punakha avec les Anglais. Ami-tié et assistance.

1927 : Accession au pouvoir du deuxième roi,Jigme Wangchuck.

1949 : Reconduction du traité de Punakha;traité d'amitié et d'assistance avec l'Indenouvellement indépendante.

1952 : Accession au trône du troisième roi JigmeDorji Wangchuck et établissement de l'assembléenationale en 1953.

1 961 : Début de la modernisation du Bhoutan.Premier plan quinquennal.

1971 : Le Bhoutan entre aux Nations Unies.

1972 : Accession au trône du quatrième roiJigme Singye Wangchuck, le plus jeune mo-narque du monde régnant à 17 ans. Couronne-ment en 1974; ouverture du pays au tourismecontrôlé.

1 980-1 990 : Développement soutenu du paystout en préservant la culture traditionnelle. Li-gne aérienne ouverte en 1983. Liaison télépho-nique avec le reste du monde en 1990. Poli-tique de développement agricole et depréservation de la forêt. Priorité à la protectionde l'écosystème himalayen.

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