Post on 01-Mar-2018
7/25/2019 BROWNING, R., Ignace Le Diacre Et La Tragdie Classique Byzance
1/11
Revue des tudes Grecques
Ignace le Diacre et la tragdie classique ByzanceRobert Browning
Rsum
La reprise de l'tude et de la copie des textes des tragiques grecs est gnralement date de la deuxime moiti du xe sicle.
Mais plusieurs tmoignages suggrent que ces textes furent l'objet de l'tude partir de la premire moiti du ixe sicle. Unmatre d'cole byzantin possdait un texte de Sophocle vers 930. Lon Choirosphakts semble s'tre occup des tragdiesclassiques au commencement du Xe sicle. Le Lexique de Photius a tellement plus de citations des tragdies conserves quede celles qui furent perdues dans l'antiquit, qu'on doit admettre que l'auteur basait sa compilation non seulement sur deslexiques antiques, mais aussi sur la lecture des textes tragiques. Le dialogue entre Dieu, Adam, Eve et le Serpent, d'Ignace lediacre, montre beaucoup d'chos de passages de la tragdie classique ; et puisqu' Ignace tait probablement matre d'colependant les premires dcennies du ixe sicle, et qu'une pigramme lui attribue la redcouverte de la grammaire, il estvraisemblable que c'est lui qui a rintroduit dans le programme scolaire Byzance l'tude des tragiques, depuis longtempsoublis.
Citer ce document Cite this document :
Browning Robert. Ignace le Diacre et la tragdie classique Byzance. In: Revue des tudes Grecques, tome 81, fascicule
386-388, Juillet-dcembre 1968. pp. 401-410;
doi : 10.3406/reg.1968.1058
http://www.persee.fr/doc/reg_0035-2039_1968_num_81_386_1058
Document gnr le 26/05/2016
http://www.persee.fr/collection/reghttp://www.persee.fr/doc/reg_0035-2039_1968_num_81_386_1058http://www.persee.fr/author/auteur_reg_434http://dx.doi.org/10.3406/reg.1968.1058http://www.persee.fr/doc/reg_0035-2039_1968_num_81_386_1058http://www.persee.fr/doc/reg_0035-2039_1968_num_81_386_1058http://dx.doi.org/10.3406/reg.1968.1058http://www.persee.fr/author/auteur_reg_434http://www.persee.fr/doc/reg_0035-2039_1968_num_81_386_1058http://www.persee.fr/collection/reghttp://www.persee.fr/7/25/2019 BROWNING, R., Ignace Le Diacre Et La Tragdie Classique Byzance
2/11
IGN CE LE DI CRE
ET L TR GDIE CL SS IQU E BYZ NCE
Quand
les
Byzantins redcouvrirent-ils la
tragdie
grecque?
En
un sens, c'est un
faux
problme : il
y
avait toujours des
manuscrits d Eschyle, de Sophocle
et
d Euripide Byzance,
et
sans doute
se trouvait-il quelqu un pour les
lire.
Mais
il
s'agit plutt de savoir
quelle poque les tragdies classiques reprirent place dans
la
culture gnrale byzantine,
quelle
poque elles redevinrent des
textes
scolaires, quelle
poque on recommena
les copier
dans
la
nouvelle criture
minuscule.
Alphonse
Dain,
dans
un article
qui
fait
encore autorit, suggra
que
ce
n'est
qu au
cours
de
la deuxime
moiti
du
xe sicle
qu on
reprit l tude et la copie des textes potiques, en particulier
de
ceux des tragiques. Il ajoute : On s explique assez bien
que les
potes anciens aient t
tout d abord ngligs. Le
mouvement
de
pense du ixe sicle
tait
avant tout
religieux
et
thologique
:
ce n'est qu au sicle suivant
que
la
cour inspira le mouvement
littraire.
La posie, cette poque, est avant tout affaire
d universitaires, et l'on
sait
le peu
de
rayonnement cette date
de
l'Universit de Constantinople
(1).
Mais
il
se peut que
le
contact avec
les textes
de l antiquit
ait
t
repris
d'une
faon moins
schmatique.
La
culture
byzantine tait
moins monolithique qu on
ne
le
croit,
et souvent des tendances
bien diffrentes se
manifestaient la mme poque.
En fait,
il
y
a
maint indice d'un intrt assez vif pour le drame
classique
partir
de
la
premire moiti du ixe sicle.
(1) Alphonse Dain. La transmission des textes littraires classiques de
Photius
Constantin Porphyrognte,
Dumbarton
Oaks Papers 8 (1954),
33-47, en
particulier
p. 45.
REG, LXXXI,
1968/2
n
7/25/2019 BROWNING, R., Ignace Le Diacre Et La Tragdie Classique Byzance
3/11
402 ROBERT
BROWNING
D abord, un matre d cole byzantin
de
la premire moiti
du xe sicle
possdait
un
texte de Sophocle.
Il s'agit
de l'auteur
anonyme d'un
corpus
de
lettres
conserv dans
l Additional
Manuscript du British
Museum
n
36 749, que M.
B. Laourdas et moi
avons
dit en
collaboration (2). Bien
qu aucune
de
ces
lettres
ne soit
date avec prcision, elles
semblent appartenir
aux
troisime
et quatrime dcennies du xe sicle, comme je l ai suggr (3).
Et l'on peut se permettre l'hypothse, qu un grammairien
qui
demandait
un ami le retour
de son
Sophocle en
avait
besoin
pour
son
travail
d'enseignement.
Puis il
y
a le cas de Lon
Ghoirosphakts, homme
d tat et
diplomate sous
Lon
VI.
Ghoirosphakts, qui tait pote
et
savant,
fut
l objet d attaques de
la part
de Constantin
le Rhodien,
qui
l accusa de paganisme dans un pome
bizarre
et plein d'animosit (4),
et
d'Arthas de
Gsare,
qui publia
un pamphlet contre
Jui peu
aprs 906. Parmi les griefs de cet acte d accusation se
trouvent
celui de
s'intresser
la
musique antique
les noms
de Timothos
et
d'Aristoxne y
figurent et
celui
d'tudier la tragdie classique.
Citons le texte (5), qui, comme tout
ce
qu'crivit Arthas, n'est
pas facile
interprter :
'
,
.
, , ,
,
.
*
.
, ^
(2) .
Laourdas,
MB, Add.
36749,
58 (1954),
196.
(3)
R. Browning,
The Correspondence of
a
Tenth century
Byzantine Scholar,
Byzantion
24 (1954)
434-435.
(4) Matranga,
Anecdota
Graeca II
625-626.
(5) Gompernass,
Didaskaleion
1 (1912) 304 ff. Le mme texte fut rdit,
avec beaucoup d'erreurs et de bvues, par M. A. Changuine, Vizaniijskij
Sbornik,
Moscou-Leningrad
1945,
236-241.
Voir
maintenant l'dition par
M.
L. G. Westerink,
signale dans
la note
additionnelle
la
fin
du prsent
article.
7/25/2019 BROWNING, R., Ignace Le Diacre Et La Tragdie Classique Byzance
4/11
IGNACE LE DIACRE ET
LA
TRAGDIE CLASSIQUE BYZANCE
403
.
,
.
Ce
qui
semble tre
dcrit dans
ce
texte peu clair est une sorte de
cercle, o l'on lisait des tragdies classiques, et o peut-tre on
essayait
d'en donner une reprsentation dramatique rudimentaire.
C'est cet
intrt
de
la
part de
Ghoirosphakts
qui explique pourquoi
son correspondant Anastase
le questeur,
dans une
lettre
date
par
Kolias
de
la fin
de 906,
dit
qu un Euripide ou un Platon serait
embarrass pour trouver des
louanges convenables
ses mrites (6).
Ensuite
il y
a
le
cas de Photius.
Dans sa
Bibliothque
Photius
n'inclut
aucun
texte
dramatique.
Les
hypothses
sur
l occasion
de
la
composition de
la
Bibliothque
sont nombreuses
(7).
Ce
qui
est certain, puisque Photius
le dit
sans
ambigut
dans
sa
prface,
c'est
que les
uvres enregistres
dans
la Bibliothque
sont celles
que
Photius (et ses amis?) ont
lues
pendant
une certaine
priode et
que son
frre, auquel la
Bibliothque
est ddie,
n a
pas
lues. Donc
les
arguments tirs du silence
de
Photius n'ont
pas de validit
gnrale.
Il
est vrai
aussi que Photius tait le
moins
pote des hommes, et
que
dans ses lettres et ses
homlies il est
trs difficile
de trouver
une
allusion
la tragdie classique. Mais
la
question
est
de
savoir
s'il
avait
lu
les
tragiques
et
non
s'il
les
apprciait. Si
l'on
passe
au
Lexique,
uvre
de sa jeunesse
(8),
je
crois
que
cette
question
reoit
une rponse claire. Dans le texte
du
Lexique
dit par
Naber les citations de
la
tragdie classique
fourmillent. Il
y
a
84 citations d Eschyle, 128 de
Sophocle,
95
d Euripide. Le commencement du Lexique,
dit
par
R.
Reitzenstein,
ajoute
27 rfrences Eschyle, 63
Sophocle, et
49 Euripide (9).
Malheureusement nous n avons pas encore de renseignements
sur le nouveau
manuscrit
dcouvert
en
1959 Zavorda, qui
contient
(6) G.
Kolias,
Lon
Choirosphacts,
magistre,
proconsul
et
patrice,
Athnes
1939,
93.
(7) V. A. Dain, op. cit., 40 ; H. Ahrweiler, Sur la carrire de Photius avant
son
Patriarcat,
Byzantion
58 (1966),
356-361.
(8) V. Amphilochia 21,
G
101,
153
:
,
, .
Mme
Hlne Ahrweiler
vient de montrer
que la
chronologie traditionnelle de
la vie de Photius
doit
tre
revise, qu'il
naquit
vers
810, et que la composition
du
Lexique
peut
donc
tre date de 830 ou peu aprs : H. Ahrweiler, Sur la carrire de Photius avant
son patriarcat, B.Z. 58 (1965)
348-363.
(9) R. Reitzenstein,
Der Anfang
des
Lexikons
des Photios, Leipzig
1907.
7/25/2019 BROWNING, R., Ignace Le Diacre Et La Tragdie Classique Byzance
5/11
404
ROBERT
BROWNING
le texte intgral du
Lexique
(10). Certaines de
ces
rfrences
sont
sans doute
empruntes
des uvres
lexicographiques de l'Antiquit
dpouilles
par
le
jeune
Photius. Mais une simple considration
mathmatique suggre que
la
plupart
sont
le fruit de sa
lecture
directe
des drames
classiques.
Des
90
drames
d Eschyle
connus
dans l Antiquit (11),
sept
survivaient
au
Moyen Age. Or,
des
111
citations d Eschyle dans
le
Lexique de
Photius,
47
appartiennent
ces sept. Pour Sophocle,
les
chiffres
correspondants
sont
peu
prs 125 et sept ; des 190
citations
dans
le
Lexique, 50
appartiennent aux sept drames
qui
survivent.
Quant
Euripide,
la Vie
et la Souda parlent
de 92 ou 98
drames,
les Alexandrins
et
les
grammairiens
de
l Antiquit
semblent
en
avoir
connu
75
ou
78
;
nous
en
avons
dix-neuf, dont un
d'authenticit
douteuse. Des
144
citations
chez Photius, 94 appartiennent aux dix-neuf
drames
qui
survivent. Ces chiffres sont frappants, et
l'hypothse qui les
explique
le mieux est
que
le
jeune
Photius
avait lu
le mme corpus
des
tragiques
grecs que
nous lisons aujourd hui.
Si
l on accepte
la
nouvelle
chronologie propose par Mme Ahrweiler,
la jeunesse
de
Photius
se
place autour
de l an 830 ou
peu
aprs,
sous le rgne de Thophile, et dans
la
priode de l'activit de
notre dernier tmoin,
Ignace
le Diacre et Skeuophylax,
plus
tard
mtropolite
de
Nice.
Ignace
fut
l lve du patriarche Taraise (mort
en
806), dont
il crivait la biographie, et l ami intime
de son
successeur
Nicphore
(dpos
en
815
et mort en
828 ou
829),
dont
il fut
aussi
le
biographe.
La date
de
sa mort est inconnue, mais elle fut postrieure
842 (12).
Outre ces
deux biographies, Ignace a compos une
srie
de rsums
des fables d sope
en
ttrastiques ambiques, une monodie sur
son lve Paul en vers anacrontiques, quelques
pigrammes,
un pome ambique
sur Thomas
le
Slavon
sans
doute
crit
(10) V.
L.
Politis, Die Handschriftensammlung des Klosters
Zavorda und
die
neuaufgefundene
Photios-Handschrift, Philologus
105
(1961)
136-144.
Voir la note additionnelle la
fin
du prsent
article.
(11)
Le chiffre exact est
sans
importance. La Souda parle de
90;
la liste
du
Codex Mediceus donne
72 titres,
auxquels nous pouvons
ajouter encore
une demi-douzaine tirs
d'autres
sources
;
la
Vie donne un
total de 70, mais
dans
un passage videmment corrompu.
(12) V.
F. Dvornik, La Vie
de
saint Grgoire le Dcapolite
et
les Slaves
macdoniens
au IXe
sicle, Paris 1926, 26.
7/25/2019 BROWNING, R., Ignace Le Diacre Et La Tragdie Classique Byzance
6/11
IGNACE LE DIACRE ET
LA TRAGDIE
CLASSIQUE
BYZANCE
405
aprs la
dfaite
et la mort
de l'usurpateur
en
823
qui
est perdu,
des lettres,
qui
semblent
galement
perdues,
une Vie de
saint
Grgoire
le
Dcapolite, et un dialogue dramatique
entre le Serpent,
Adam,
Eve et Dieu
(13).
Ignace
dit
lui-mme
que
son matre Taraise
l'initia
l tude
de
la posie
classique (14).
Les quelques chos
d Homre
et
de
la
tragdie classique que prsente
la
Vie de Nicphore
furent nots
il y
a 80 ans (15) ;
les
deux autres
textes en prose en offrent
encore
quelques exemples. Mais c'est surtout dans le
dialogue
d Adam,
Eve
et le Serpent qu Ignace fait preuve d'une
connaissance directe
de
la tragdie antique. C'est un pisode
dramatique comportant
un
prologue,
des entres et des sorties, des dialogues, d abord
entre Eve
et le Serpent, ensuite
entre Eve
et
Adam,
et finalement
entre Dieu et Adam ; il
y
a une vraie priptie, car la situation
des principaux
personnages
est
bien diffrente
la
fin de
ce qu elle
tait au commencement. Tout cela
ne
s apprenait pas chez
George
de
Pisidie, modle prfr
de
la posie ambique byzantine, et
indique plutt une connaissance,
ne
ft-elle
que
superficielle,
de la tragdie
classique.
Ensuite,
il
y a dans
ce
bref texte une
srie
d chos verbaux de
Sophocle et
d Euripide,
dont
la
plupart n'ont
pas
t nots par
Millier.
Je les
range
dans
deux catgories, d abord
les citations
directes ou
les
allusions
des
passages prcis
des tragiques, ensuite
les
emprunts
plus
gnraux
la langue
de
la
tragdie :
(13)
La Souda conserve une
liste
des uvres, qui est loin d'tre complte.
La
Vie
de Tarais
fut
dite
par I.
A.
Heikel,
Ada Societatis Scientiarum
Fennicae 17 (1889) 395-423; celle de Nicphore, par C. de Boor,
Nicephori
anhiepiscopi
Constantinopolitani
opuscula historica,
Leipzig
1880, 139-217;
celle de saint Grgoire
le
Dcapolite, par F. Dvornik, La Vie
de
saint Grgoire
le Dcapolite
et
les Slaves macdoniens
au IXe
sicle, Paris 1926. La monodie
sur Paul se
trouve chez Matranga, Anecdota Graeca II
664
;
les quatre pigram-
mes,
dans
Y
Anthologie
Grecque
15.
29-31,
39
;
les
ttrastiques sopiques,
chez
O. Crusius, Babrii Fabulae Aesopeae, Leipzig
1897,
264-285. Le dialogue
dramatique
fut dit pour la
dernire fois par C.
F. Millier, Ignatii Diaconi tetrasticha
iambica 53, versus in
Adamum
143; Kiel 1886. Selon H. G. Beck, Kirche
und
theologische
Literatur
im
byzantinischen
Reich,
Munich
1959, 511
des
lettres
attribuables
Ignace furent
publies
par M.
Gedeon,
,
Constantinople
1903 ;
mais
cette
dition m'est
inaccessible,
comme elle l'tait
M.
Beck.
Certains
aspects
de la biographie d'Ignace
ont t rcemment discuts
par
G. Marenghi, Ignazio diacono
e
i tetrastici
giambici, Emerita 25 (1957)
487-498.
(14) Heikel,
op. cit.,
423.
(15)
Millier, op. cit., 15.
7/25/2019 BROWNING, R., Ignace Le Diacre Et La Tragdie Classique Byzance
7/11
406 ROBERT BROWNING
1.
71 .
cf. S.
Ph. 55
(16).
75
.
cf.
. Andr. 85
,
.
118 .
cf. .
.
.
438
.
126
;
*
.
cf. S. AL
923
*
, (17).
128
cf.
S. O.C. 1440
, .
136
.
cf. .
. 697
,
', .
2.
1 ,
cf. S.
Tr. 506
* .
3
*
cf.
S.
frg. 548.2
.
19
.
cf.
.
Suppl. 991 * ' .
S. Ai.
857
.
35
.
cf. Aniiatl. Bekkeri
108.31
'.
46
.
cf.
.
Andr.
121
.
52
.
cf. . .
1004
(18).
(16)
Dj
not
par
Millier,
op.
cit., 30,
n.
5.
(17)
C.
F. M uller,
Philologus
46
(1881),
172.
(18)
Mais peut-tre est-ce chez Athanase
qu'il
faut chercher la source de la
phrase : cf. De incarn. verbi 3-4
.
7/25/2019 BROWNING, R., Ignace Le Diacre Et La Tragdie Classique Byzance
8/11
IGNACE
LE DIACRE ET
LA TRAGDIE
CLASSIQUE A BYZANCE
407
56
.
cf. S.
Ph.
1054 * .
63
, .
-, etc.
se
trouve en fin
de
trimtre
quatre
fois
chez
Euripide,
Phoen. 115, Hr.
23,
H F
564,
Suppl. 1193.
73 .
prcd d'un gnitif de substantif se
trouve en
fin de
trimtre trois fois chez Sophocle, treize fois chez Euripide.
125
.
cf.
S.
Ph.
150
.
Essayons maintenant d'atteindre
quelques
prcisions sur
la
vie
et l'activit d Ignace. Les donnes sont
peu
nombreuses, mais
on peut tout de
mme en
tirer quelque chose. Il tait lve et protg
du patriarche Taraise, et devint ensuite son secrtaire personnel
et stnographe
(19). Cet
emploi
cessa
sans doute
avec
la
mort
du
patriarche
en
806. La
Souda
dsigne Ignace comme
,
. Donc il poursuivit sa carrire dans les
cadres
du
clerg
de
Sainte-Sophie,
carrire
couronne
de
faon
normale
par
son lvation l piscopat. Mais
le
occupe
une
place
leve
dans
la hirarchie
de
la Grande
glise.
Ignace dut y arriver
en
passant par
des
chelons
infrieurs.
La cl du problme est donne par le mot
,
dans
la Souda, et par le titre de
attribu Ignace
dans
un des
manuscrits des ttrastiques
sopiques (20).
Ignace enseignait
la grammaire
,
c'est--dire l'art
de
lire la
littrature classique,
dans une cole dpendant de
la Grande
glise. Plus
tard,
au
xiie
sicle,
il
y
avait
tout un rseau
d coles
moyennes et
suprieures
qui
fonctionnaient
sous l'gide
du
Patriarche,
et
dont les professeurs
taient
souvent
levs l piscopat
(21).
Il serait risqu
d'extrapoler
ce
systme jusqu
la
premire moiti du
ixe
sicle ; et M. H.-G. Beck
(19) V.
I. A.
Heikel, op. cit.,
423.
(20)
Cod. Vindob. Philol.
gr.
178, fol. 341.
(21)
V. R.
Browning,
The Patriarchal School at Constantinople in the
twelfth
century,
Byzantion 32 (1962) 167-202; 33 (1963) 11-40.
7/25/2019 BROWNING, R., Ignace Le Diacre Et La Tragdie Classique Byzance
9/11
408
ROBERT BROWNING
vient de nous
rappeler
que l'existence mme d'une
cole
Patriarcale
avant
la fin du
xie sicle
n'est
qu une
hypothse
(22).
Nanmoins
il
est
certain
qu
Constantinople l'glise
se
chargeait
de donner aux futurs clercs ainsi qu aux
lacs
l ducation profane
et
traditionnelle qui tait indispensable aux
cadres
levs
du
clerg.
Le
pome
anacrontique sur
la mort
de son
lve Paul
confirme
qu Ignace tait
professeur.
Krumbacher, pour des motifs sur lesquels nous
reviendrons,
distingue Ignace le
, auteur de quelques
pigrammes et du pome funbre
anacrontique,
d Ignace le diacre
et
mtropolite, auteur
des
Vies,
des ttrastiques, et du
dialogue
dramatique (23). Et Marenghi, bien qu il reconnaisse
l'identit
du
diacre
et
du
grammairien
s'tend
sur
le
contraste
entre
les
deux
rles
que jouait Ignace (24).
Ces
hsitations,
ces doutes
sont
dus au manque de
comprhension
de
la
carrire d Ignace
protg d'un patriarche,
diacre et
professeur de
grammaire
dans
une cole patriarcale, skeuophylax, vque
une carrire normale
Byzance.
Ce
qui
amena Krumbacher distinguer deux
auteurs homonymes,
ce fut l'pigramme A. P. 1.109, intitule
'
.
.
Puisqu on
y
fait
allusion
aux
trois
empereurs
Basile
I,
Constantin
et Lon, ce petit pome doit
avoir
t crit aprs
870
; il ne peut donc
tre
attribu Ignace,
qui
naquit
vers
780. Il est
vraisemblable
que
cette pigramme est l'uvre d'un homonyme de notre diacre,
qui vcut
une ou
deux
gnrations plus tard.
Elle
fut sans doute,
comme les
pigrammes
qui
la suivent
dans
Anthologie,
copie
sur une inscription de l'glise mme. Mais les autres
pigrammes
attribues Ignace (A.P. 15.29-31,
39),
qui
se trouvent toutes
ensemble dans une autre section
de
Anthologie, et
qui
ne
peuvent
tre
des copies
de
textes pigraphiques, n'ont rien
voir
avec
A.P.
1.109.
L une
d'elles
{A.P.
15.30)
est
ddie
la
mmoire du
mme
Paul, dont
la mort fournit le
sujet
du pome anacrontique
;
(22) V. H.-G. Beck, Bildung und Thologie
im friihmittelalterlichen
Byzanz,
Polychronion, Festschrift F. Dlger,
Heidelberg
1966,
69-81.
(23)
. Krumbacher, Geschichte
der byzantinischen
Literatur, 2e d., 1897,
720.
(24)
G. Marenghi, op. cit., surtout pp.
492-6.
7/25/2019 BROWNING, R., Ignace Le Diacre Et La Tragdie Classique Byzance
10/11
IGNACE
LB
DIACRE ET
LA
TRAGDIE CLASSIQUE BYZANCE
409
une
autre
{A.
P.
15.31)
est
une
pitaphe
de
Samuel,
diacre
de
la
Grande glise, donc
collgue de
notre Ignace ; la troisime (A. P.
15.39),
ddicace
d'un livre et d'un livre de
grammaire
plutt
que de thologie
mrite
d'tre cite :
'
,
,
,
,,
.
Nous sommes ncessairement au royaume des
hypothses.
Mais
l'hypothse la plus
conomique
est
de
supposer
que
ces
quatre
pigrammes,
ainsi
que
le
pome
anacrontique,
appartiennent
l Ignace,
diacre
de Sainte-Sophie
et
professeur dans une cole
patriarcale, que nous connaissons comme auteur
des
Vies,
des
ttrastiques et du
dialogue
dramatique. Il tait fier
de
ses
connaissances
en
matire de mtrique et de posie. Et il
avait
redcouvert
la grammaire, depuis longtemps
oublie . Tout cela rappelle
ce
que
dit
Komtas,
diteur
d Homre, dans
des
pigrammes qui
dans Anthologie Palatine {A.P. 15.36-38)
prcdent
immdiatement celle d Ignace que nous venons de citer. Komtas est
probablement identifier un
professeur de
grammaire,
Constantinople
en
863
et
sans doute
bien
avant
cette
date.
Ces pomes
de Komtas furent composs comme prface ou ddicace de
sa
diorthose d Homre. L pigramme d Ignace peut avoir
t la
prface d'une dition d'un texte tragique. En tout cas
il
semble
certain qu il
connaissait
certaines
pices de
Sophocle et
d Euripide,
et, en
tant que professeur de langue
et
littrature classiques, les
expliquait
et
les faisait
copier.
Les ttrastiques sopiques
sont
galement
lis
son
activit professionnelle, car
les fables
d sope
taient
toujours
tudies et expliques dans les coles byzantines.
L activit professorale d Ignace appartient aux rgnes de Lon V,
Michel II et Thophile, priode dont on ne saurait trop souligner
l'importance pour la civilisation byzantine (25).
Il
tait
contemporain de Jean le Grammairien,
le
dernier patriarche iconoclaste
et
sans doute
le plus grand savant
de son poque
(26),
de vingt ans
plus
g
que Lon le Mathmaticien,
qui
devint
mtropolite de
(25)
V. dernirement R. J. H. Jenkins, Byzantium: the Imperial Centuries,
AD
610
to
1071,
Londres
1966, 146-152
; .
Hemmerdinger,
La culture grecque
classique
du vne
au
ixe sicle, Byzantion 34 (1964), 125-133.
(26)
V. Jenkins, op. cit., 134.
7/25/2019 BROWNING, R., Ignace Le Diacre Et La Tragdie Classique Byzance
11/11
410
ROBERT
BROWNING
Thessalonique vers 840 (27),
et
plus g d'une gnration que
Photius (28),
qui
peut fort bien
avoir
t son lve.
Nous
nous
trouvons dans
un
milieu
o
il
y
avait
un
effort
srieux
et continu pour reprendre un
contact direct
avec
la
littrature,
la science et la
philosophie de l'Antiquit.
Est-ce Ignace
qui
a
lui-mme ' retrouv Sophocle et
Euripide
? C'est une question
laquelle on
ne
peut rpondre. D ailleurs, c'est de
peu
d'importance.
Peut-tre des textes de
tragiques se
trouvaient-ils parmi les
manuscrits runis par Jean
le
Grammairien
en
814
pour le concile
iconoclaste
de 815
(29). En tout cas, nous avons
montr que les
tragiques taient connus d'un
des
principaux
personnages du
monde
savant
de
Byzance
dans la priode
du
deuxime iconoclasme.
Car il ne faut
pas
oublier
qu Ignace, malgr ses biographies
de Taraise et de
Nicphore, dut tre
iconoclaste. Selon
Mme
Lipchitz,
il
est figur
ct de
Jean le Grammairien dans une des
miniatures
du
Psautier Khloudov (30). Mais
la reproduction qu elle
a publie
ne rend
pas claire son identification
des
deux
personnages,
reprsents
en
train
de badigeonner une image
sacre.
Gomme Lon
le Mathmaticien, Ignace n tait pas un iconoclaste bigot, et
il
est
probable qu il s'intressait
peu
la
thologie. Sa plus
grande
proccupation
tait
la
littrature,
surtout la posie
classique.
C'est
lui
et
sa
gnration
qu appartient
l'honneur
d'avoir
remis
en circulation la
posie dramatique d Athnes (31).
Birkbeck
College,
University of London. Robert Browning.
(27) V. . . Lipchitz, Oerki
istorii
vizaniiiskogo obiestva
i
kultury: VIII
pervaja
polovina
IX veka,
Moscou-Leningrad
1961, 348.
(28)
V. H.
Ahrweiler, Sur
la carrire
de Photius avant
son
Patriarcat,
B.Z. 58 (1965), 355.
(29)
Scriptor incertus
de
Leone Armenio, d. Bonn, 350, 9 ss.
(30) V. Lipchitz,
op.
cit., pi.
9.
(31) Noie
additionnelle.
Deux
ouvrages parus depuis
que
cet
article
fut
envoy
l'imprimerie
mritent
d'tre mentionns.
Le
texte
du
pamphlet
contre Lon Ghoirosphakts est publi dans Arethae scripta minora, d. L. G.
Westerink, Leipzig,
Teubner,
1968,
200-212.
M.
Kyriakos
Tsantsanoglou,
dans
.
- .
Thessalonique,
Socit
des tudes Macdoniennes, 1967, fournit une description
dtaille
du
nouveau
manuscrit
du Lexique,
conteste la
datation de la naissance de Photius
propose par
Mme
Ahrweiler, et date
la composition du
Lexique des
annes
876-
886.
Ses arguments sont
bien sduisants.
Mais, mme
si
on les
accepte, il
reste
vrai que
les premiers
tmoignages de
l'tude
de la
posie dramatique grecque
appartiennent
au
neuvime et non
au dixime sicle.
R. B.