Article Nice Matin

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Mafia en France 2

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Le fait du jour

Soumis à « une constantepression venue d’Italie », le

député-maire de Mentontente de traquer les investis-sements d’origine douteuxsur le territoire de sa com-mune. « Avec les maigresmoyens dont dispose unmaire, reconnaît Jean-ClaudeGuibal. S’agissant des mar-chés privés, on essaye d’êtrele plus pointilleux possible.Mais le rôle d’un maire n’estque de garantir le respect desrègles d’urbanisme. Par exem-ple, on ne peut s’opposer autransfert d’un permis de cons-truire après que nous l’avonsdélivré. Même si l’origine desfonds nous paraît suspecte.Enquêter sur l’origine de l’ar-

gent ne fait pas partie des pré-rogatives municipales. Alors,on est obligé de bricoler, pourne pas délivrer des permis deconstruire qui seraient en faitdes permis de blanchir. Oupire, confier des marchés pu-blics à des entreprises donton sait qu’elles ne sont quedes paravents.

« Les entreprisesles plus douteusessont souvent les moinsdisantes »« On demande systématique-ment les certificats antimafiaaux autorités italiennes qui,elles, s’étonnent souvent queleurs homologues françaisesne soient pas plus méfiantes.

Mais que faire, lorsque le cri-tère du prix est prépondérantpour l’attribution de marchéspublics? On essaie de le pon-dérer au maximum avec lesexigences de qualité faitesaux candidats. Mais, cela aun coût pour la collectivité.Car les entreprises les plusdouteuses sont souvent lesmoins disantes. En voulantles écarter, on alourdit alors lecoût des chantiers. De mêmeque la commune n’a pas lesmoyens de préempter à cha-que fois qu’une transactionlui paraît suspecte. Or, depuisdeux ans, notre sentimentc’est que ces tentatives d’in-cursions mafieuses sont deplus en plus nombreuses. »

Jean-Claude Guibal, maire de Menton :« Une constante pression venue d’Italie »

sur la Riviera !Aujourd’hui, les familles les plus in-

fluentes de la N’Drangheta ne secontentent évidemment pas de jouerles simples manœuvres. Elles ontcréé leurs propres sociétés de BTPen Ligurie, mais aussi sur la Côted’Azur. C’est ainsi, par exemple, quel’entreprise des frères Pellegrino deBordighera – dont les moyens sontcomparables à Bouygues en France !

– est en train de construire le nou-veau port d’Ospedaletti. Une infra-structure de la taille du bassin Lym-pia à Nice, pour une commune pasplus grosse… qu’Eze-sur-Mer !Vintimille, Bordighera, Camporosso,Arma di Taggia, Imperia ont aussi unport en construction. Soit un tousles 15 km! Faut-il y voir l’illustrationde cette « mutation affairiste » dénon-

cée par un rapport de la commissionnationale italienne antimafia? « Dèsles années 80, peut-on y lire, la N’Dra-gheta devient avant toutes ses autresconcurrentes une mafia d’entreprise,infiltrant le milieu politique local. Unemutation sociale qui lui permet decommencer à réinvestir ses capitauxcriminels dans l’économie légale enItalie. Mais aussi en Allemagne, enAustralie, au Canada et… En France ».Et notamment à Menton où les « fra-telli » ont pignon sur rue.Les « Pellegrino frères » y ont, entreautres chantiers, construit le RoyalPlazza qui abrite les bureaux de lacommunauté d’agglo (CARF).Une élue azuréenne pointe égalementdu doigt cette autre société ligure,« aux capitaux difficilement traçables »qui, dans le département, répond àtous les appels d’offres de réfectiondes routes… « A chaque fois, sondevis est 60 % moins chers que sesconcurrents ! C’est pour le moins sus-pect. »

Marchés : un nouveau port tous les km

Les frères Pellegrino de Bordighera sont en train de construire le nouveau portd’Ospedaletti ; une infrastructure de la taille du bassin Lympia à Nice, pour unecommune pas plus grosse… qu’Eze-sur-Mer! (Photo Franz Chavaroche)

Placé sur écoute en ,Gianni Tagliamento futl’élément déclencheur del’affaire « Mains propres »sur la Côte d’Azur, fin. Une nébuleuse poli-tico-financière dans la-quelle des élus azuréenset chefs d’entreprises ontété mis en examen pourcorruption en bande orga-nisée et trafic d’influence.Mais dont « la petite arai-gnée » sortira sans aucunepoursuite. Pourtant au-jourd’hui, ce Napolitaind’une cinquantaine d’an-nées, gérant de la sociétéde BTP Agel Construction,est identifié par le procu-reur en chef de San-Remo,Roberto Cavallone,comme celui qui serviraitde contact en France pour

les affairistes calabrais dela N’Drangheta. Or, la pre-mière fois que la Franceentend parler de GianniTagliamento, c’est à la findes années . Lors de latentative de prise de con-trôle du casino de Mentonpar une société écran : laSofextour. « Les actionnai-res étaient tous des prête-noms, contrôlés par des in-térêts italiens, des résidentsmonégasques et des repré-sentants du milieu corse »,souligne un rapportdu Sénat sur les jeuxde hasard.Tagliamento, fut désignécomme étant le brasdroit de Michele Zaza,le capo emblématiquede la camorra napolitainesur la Côte.

Le retour de« la petite araignée »

Le député-maire de Men-ton : « Enquêter sur l’originede l’argent ne fait pas partiedes prérogatives d’unmaire ». (Photo Eric Dulière)

Une association antimafialigure, « La casa della lega-lita », n’hésite pas àdénoncer la « main mise »sur les politiques locauxde cette N’Dranghetacapable de fairela différencelors des élections.Comme à Vallecrosia,où pour quelques dizainesd’euros l’organisation crimi-nelle irait jusqu’à « acheter l’adhésion des électeurs aucandidat désigné ». Ou simplement en activant ses relaisau sein de la « communauté ». Notamment à Vintimille,où % de la population a des origines calabraises!

Infiltrations azuréennes

Cette “petite-italie-du-sud” s’est constituée au lendemainde la guerre. Quand la CIA, préférant Don Corleone àMarx, armait secrètement les « cosche » pour former unultime rempart à l’expansionnisme soviétique. Le gouver-nement italien, lui, menait déjà la guerre antimafia… Enobligeant les familles calabraises les plus puissantes àaller s’installer à l’autre bout du pays, c’est-à-dire aux por-tes de la Côte d’Azur. Et de Monaco. La transformation durocher monégasque en Eldorado azuréen n’aurait pu sefaire sans cette nouvelle main-d’œuvre bonmarché fraî-chement débarquée de Calabre. Au plus grand bonheurde la N’Drangheta, qui prélevait une dîme sur chaque sa-laire de cette armée de maçons! Paradoxalement en vou-lant déraciner le mal, le gouvernement italien a indirecte-ment contribué à l’enrichissement des familles mafieuses.

LittleCalabre

Gianni Tagliamento, alias « la petite araignée ».(Photodoc)

(Photo

Fran

zChavaroche)