Post on 06-Sep-2018
Apport de l’analyse morpho-constitutionnelle des calculs
urinaires et des cristalluries audiagnostic étiologique des
pathologies lithiasiques
Michel DAUDON
Service de Biochimie A
Hôpital Necker-Enfants Malades, Paris
En cas de lithiase rénale, quelles sont les maladiespour lesquelles le diagnostic étiologique est donné ousuggéré immédiatement par l’analyse morpho-constitutionnelle du calcul ?
1. Cystinurie
2. Hyperparathyroïdie primaire
3. Hyperoxalurie entérique
4. Hyperoxalurie primaire
5. Maladie de Dent
6. Maladie de Cacchi-Ricci
7. Déficit en xanthine déshydrogénase
8. Déficit en adénine-phosphoribosyltransférase
9. Déficit en alanine glyoxylate aminotransférase
10. Déficit en hypoxanthine guanine phosphoribosyltransférase
11. Syndrome de Gougerot-Sjögren
12. Maladie des laxatifs
INTRODUCTION
• Les calculs urinaires se forment sur des périodes de tempsplus ou moins prolongées (plusieurs semaines à plusieursannées)
• Ils conservent l’empreinte des facteurs lithogènes qui sesont exprimés au cours de cette période, ce qui n’est pas lecas des explorations biologiques qui représentent un état«instantané»
• La présence d’une anomalie biologique n’est pas la preuvede son implication dans la formation du calcul
• Les causes d’un calcul peuvent évoluer dans le temps. Ellespeuvent être appréciées par sa morphologie et sacomposition cristalline, synthétisées à partir:– d’un typage morphologique du noyau, de la section et de la surface
– de l’analyse de leur composition cristalline semi-quantitative obtenuepar spectrophotométrie infrarouge
Urate NH4
WhewelliteWeddellite +Carbapatite
= nucléation par hyperuricurie dans un contexte de diarrhées +carence phosphorée => croissance secondaire par hyperoxalurie(alimentation végétale + diurèse faible) => croissance finale par
hypercalciurie diététiq.
Enfant de 9 ans: calcul pyélique de 18mmbilan biologique = hypercalciurie … mais composition inhomogène
12 cm
Surface IVc = Inf. urinaire, …mais section du calcul différente
H,26 ans. Diagnostic clinique: inf. urinaire chronique à germes uréasiques
12 cm
Surface IVc = Inf. urinaire, …mais section du calcul différente
H,26 ans. Diagnostic clinique: inf. urinaire chronique à germes uréasiques
Section Ia =
Hyperoxalurie
12 cm
Surface IVc = Inf. urinaire, …mais section du calcul différente
H,26 ans. Diagnostic clinique: inf. urinaire chronique à germes uréasiques
Section Ia =
Hyperoxalurie
Noyau Ic = Hyperoxalurie primaire
WHEWELLITE (Wh)= oxalate de calciummonohydraté (C1)
= oxalo-dépendant(hyperoxalurie = 88%)
WEDDELLITE (Wd)= oxalate de calcium
dihydraté (C2)
= calcium-dépendant(hypercalciurie = 86%)
Type Ia
Type IIa
oxalate de calcium
Importance de lacomposition
cristalline
Hypercalciurie + hyperoxalurie +- hypocitraturie
Grosses lames quadratiques
3m
m
Type Ic
Type IIb
whewellite = oxalate decalcium monohydraté
= hyperoxalurie primaire
Importance de lamorphologie
weddellite
oxalate de calcium
Classification morpho-constitutionnelle
• Type sous-type composition
I Ia, Ib, Id whewelliteIc whewelliteI actif whewellite
II IIa, IIb, IIc weddellite
III IIIa, IIIb acide uriqueIIIc urates divers
IIId urate d’ammonium
IV IVa, IVa2 carbapatite
IVb carbapatite + struvite
IVc struviteIVd brushite
V Va, Vb cystine
VI VIa, VIb, VIc calculs riches en protéines
Relations morphologie-étiologie pour la WHEWELLITE (1)
– le type Ia correspond à des hyperoxaluriesintermittentes, essentiellement nutritionnelles ou pardéfaut de diurèse (hyperoxalurie de concentration)
– le type Ic correspond essentiellement à deshyperoxaluries d’origine génétique (hyperoxaluriesprimitives de types I, II et non I-non II (~ 15% deshyperoxaluries majeures)
– Le type I actif s’observe surtout dans leshyperoxaluries absorptives des pathologiesdigestives inflammatoires avec stéatorrhée
– Le type Id traduit des situations de stase avecconfinement anatomique (obstruction, anomaliesanatomiques post-papillaires, diverticules caliciels)
Quelques clés pour l’interprétation des données del’analyse morphologique et infrarouge (1)
Type Ia
Type Ic
Hyperoxaluries nutritionnelles intermittentes: >80% Ia
Hyperoxaluries primaires: 99% Ic
Whewellite pure
Whewellite pure
Type Id
Type I actif
Hyperoxaluries absorptives: 80% I actif
Hyperoxaluries de concentration avec stase et confinement anatomique
Whewellite pure
Whewellite pure
Quelques clés pour l’interprétation des donnéesde l’analyse morphologique et infrarouge (3)
•Relations morphologie-étiologie pour la WHEWELLITE (2)
– La présence d’une ombilication papillaire et d’undépôt phosphocalcique à l’intérieur de l’ombilicationtémoignent d’un processus lithogène par nucléationhétérogène sur plaque de Randall
=> l’origine de la plaque de carbapatite n’est pas
encore très claire, mais pourrait être liée à une
hypercalciurie ancienne (diététique ou
thérapeutique)
– La pigmentation du calcul témoigne de son caractèrerécent ou ancien, actif ou quiescent
– La présence d’un voile grisâtre à la surface d’uncalcul Ia témoigne que celui-ci est en phase active
Voile grisâtrePlaque deRandall
Calcul jeune
PRUrate Na
PRCarbapatite
Ombilication sans PR(détachée)
Ombilication papillaire
Whewellite ~ pure
Quelques clés pour l’interprétation des donnéesde l’analyse morphologique et infrarouge (4)
•Les morphologies et/ou les compositions mixtes doiventfaire rechercher les étiologies associées à chaque typemorphologique:
•Calculs oxalo-phosphocalciques de morphologie mixte,IIa+IVa, plus fréquents dans les hypercalciuriesrésorptives, dont l’hyperparathyroïdie
•Si teneur en phosphates calciques > 40%, hypo-citraturiefréquente, de même que les troubles de l’acidificationrénale
•Si calcul majoritaire en brushite, il faut rechercher unehypercalciurie (83% des cas) et tout particulièrement unehyperparathyroïdie primaire (14% des cas)
Craquelurescaractéristiques
= Acidose tubulaire distale congénitale ouacquise (validée dans ~ 90% des cas hors IU)
Calculs majoritaires enCARBAPATITE
= Infection urinaire
Carbapatite > Wh > Wd
Carbapatite > PACC
= Hyperparathyroïdie I
Carbapatite >> Wh =>
TypeIVa
TypeIVa+II
b
TypeIVa2
Type IIIa
Type IIIb
Type IIIc
Type IIId
Acidesuriques
Urate d’ammonium
Stase
U NH4Synd Met
Diabete
Carencephosptate
+
NH4
Hommes Femmes
(n=9254) (n=4032)
Composéprincipal
Hommes
(n=438)
Whewellite
Weddellite
Carbapatite
Ac.Urique
Struvite
Autres
Fréquence des constituants majoritaires en cas dediabète (n=631) (Daudon et coll, NDT 2005;20:468-469)
52,5
13,9 *
6,0
24,9 *
0,7
4,3
42,9
13,8
23,2
7,0 (9,7°)
2,2
10,9
50,1
24,8
7,2
10,9 (14,7°)
1,1
5,9
* P < 0,0001 vs non diabétiques
33,7
6,2
16,0
37,0 *
3,6
4,4
Femmes
(n=193)
Diabétiques Non diabétiques (2000-04)
(°) appariés pour l’âge
=> La femme diabétique est plus sensible que l’hommediabétique au risque de lithiase urique
Différence de facteurs de risque lithogèneselon le statut des patients et le type de calcul
• Daudon et al [JASN 2006; 17: 386-92]
272 lithiasiques dont 25 diabétiques
Patients Diabète (+) Diabète (-)Lithiase AU Ca AU Ca
Age 56,7 53,4 58,0 42,2* °IMC (kg/m²) 28,7 30,0 26,5 23,7* °Vol. urinaire 2,3 2,1 1,85 1,7*Glycémie 9,1 7,8 5,4 5,2Ac.Ur sg (µmol/l) 348 360 376 307Ac.Ur U (mmol/24h) 5,38* 4,26 3,66° 3,89FeAU (%) 9,4* 6,9 5,8° 8,1*pH urinaire 5,07* 5,52 5,13 5,91*Ca urinaire 5,54* 8,52 5,02 7,51*Citrate urinaire 5,46 3,98 3,72 2,9*
° p < 0,001 D(-) / D(+)
* p < 0,001 Ca / AU
CRITÈRES D’INFECTION LITHOGÈNE DÉDUITSDE L’ANALYSE INFRAROUGE DES CALCULS
1. Présence de struvite
2.% CO3 des phosphates calciques (CA/PACC) > 15%
Calculs souvent associés à une infection urinaire, maiscelle-ci pas forcément responsable du calcul => Critèrespermettant d’affirmer le rôle de l’infection dans laformation du calcul:
CRITÈRES D’INFECTION LITHOGÈNE DÉDUITSDE L’ANALYSE INFRAROUGE DES CALCULS
1. Présence de struvite
2.% CO3 des phosphates calciques (CA/PACC) > 15%
3.Association de CA et d’urate d’ammonium
Calculs souvent associés à une infection urinaire, maiscelle-ci pas forcément responsable du calcul => Critèrespermettant d’affirmer le rôle de l’infection dans laformation du calcul:
=> Infection urinaire chronique par desmicro-organismes uréasiques
CRITÈRES D’INFECTION LITHOGÈNE DÉDUITSDE L’ANALYSE INFRAROUGE DES CALCULS
1. Présence de struvite
2.% CO3 des phosphates calciques (CA/PACC) > 15%
4.Présence de whitlockite en proportions > 20%
3.Association de CA et d’urate d’ammonium
Calculs souvent associés à une infection urinaire, maiscelle-ci pas forcément responsable du calcul => Critèrespermettant d’affirmer le rôle de l’infection dans laformation du calcul:
=> Infection urinaire chronique par desbactéries uréasiques ou non uréasiques
CRITÈRES D’INFECTION LITHOGÈNE DÉDUITSDE L’ANALYSE INFRAROUGE DES CALCULS
1. Présence de struvite
2.% CO3 des phosphates calciques (CA/PACC) > 15%
4.Présence de whitlockite en proportions > 20%
3.Association de CA et d’urate d’ammonium
5.Calcul acide urique contenant filaments mycéliens
Calculs souvent associés à une infection urinaire, maiscelle-ci pas forcément responsable du calcul => Critèrespermettant d’affirmer le rôle de l’infection dans laformation du calcul:
=> Infection urinaire chronique par deschampignons (Candidoses)
AUTRES CONSTITUANTS
ANALYSE INFRAROUGE DU CALCUL permetimmédiatement et facilement de:
• dépister des causes rares ou peu fréquentes delithiases:
- cystinurie- déficit en APRT (calculs de dihydroxyadénine)- xanthinurie congénitale (xanthine)- métabolites de la caféine (acide méthyl-1-urique)- médicaments
• ou d’orienter l’étiologie dans des contextescliniques particuliers:
- Phosphate octocalcique au cours de la grossesse- Acide urique et syndrome métabolique ou, surtout,
diabète de type 2
Pourquoi étudier la cristallurie?
• Parce que la cristallurie est l’étape intermédiaire entre lesanomalies biochimiques urinaires et la formation du calcul.Elle peut donc aider à identifier les facteurs de risquelithogènes ou les anomalies métaboliques, génétiques ounon, qui favorisent la lithiase
• Parce qu’en absence de calcul à analyser, elle peut orientervers la nature de celui-ci et vers des étiologies particulières(déficit en APRT, en XD, en AGT,… IU chroniques à germesuréasiques ou non, médicaments…)
• Parce que la disparition de la cristallurie au cours du suiviclinique est l’un des meilleurs critères pour juger del’efficacité des mesures diététiques et/ou thérapeutiquesproposées pour éviter les récidives
cystine
whewellite
struvite
2,8-DHAd
1. Mars 2007: Enfant T, 4 moisRetard de croissance – fièvre – IR modéréeEchographie: hyperéchogénicité rénale bilatérale sans calculsECBU => leucocytes = 105/ml – culture = colibacillesExplor. métabolique complète (sg + urines, incluant oxalate etacides aminés) => bilan normal => pas de cause lithogène
Pourquoi étudier la cristallurie?
Etude de la cristallurie: 2,8-dihydroxyadénine (2,8-DHA)=> déficit homozygote en APRT
2. Avril 2003: Vincent H, 19 ans: 1ère CN => 3 calculs rein GExplor. métabolique complète (sg + urines, incluant oxalate etacides aminés) => bilan normal => pas de cause lithogène
Etude de la cristallurie: 1500 cristaux de whewellite/mm3=> hyperoxalurie primaire
3. Septembre 2004: Marc B, 34 ans: IRT + TR: Echec TR parcristallisation intrarénale – ATCD: 1 calcul à 8 ans non analysé=> analyse cristaux sur biopsie des reins = 2,8-DHA
Solubilité de la cystine en fonction desa concentration et du pH urinaire
Vcys ~ 13000 µ3/mm3
Vcys ~ 700 µ3/mm3
Vcys < 100 µ3/mm3
Vcys ~ 6300 µ3/mm3
1
10
100
1000
10000
100000
1000000
Vcy
sm
ax
(µ3/m
m3)
3000
Pas de récidive Récidive
N=57 sujets24 patients
=> 27 récidives
Vcys max
Vcys moyen:
8173 µ3/mm3
33 patients nonrécidivants
Vcys moyen:
233 µ3/mm3
p < 0,001
Surveillance
Valeurminimale duVcys max:
4284 µ3/mm3
Valeurmaximale du
Vcys max:
2857 µ3/mm3
N=460 urines
VCys = N x d2 x 0,65
VCGcaox après TR OU THR dans
l’hyperoxalurie primaire (µm3/mm3)
Hémodialyse+furosémide 34094* 16500 (1) - - 17500 (1)+ hyperdiurèse (1) +- 6400
Evolution FRN cristaux FRN Cr 200 µmol/l reinRecul 13 ans 2 ans 10 ans à 7 ans perdu
de recul
Sujet 1 Sujet 2THR THR
Sujet 3 Sujet 4 Sujet 5THR TR TRType
transplantation
Hyperdiurèse 2500 390 390 - -+- 3000 +- 70 +- 70
Hyperdiurèse + thiazide 325 600 92 (1) 245 -+- 370 +-750 +- 90 +-385
Hémodialyse + thiazide - 3500 - 1622 (1) -
+- 2700 - +- 1830
Début du suivi cristallurique J3 J7 J1 J1 J15+ hyperdiurèse
(1) traitement initial FRN = fonction rénale normale
Agrégat volumineux ( >= 100 µm)
Nucléation hétérogène
Gros cristal de Weddellite (> 35 µm)= hypercalciurie + hyperoxalurie
Conclusion:profil cristallurique
de récidive lithiasique
Cristallurie et récidive lithiasique:Multivariate Cox regression analysis
Z-value
2.20
2.12
2.97
-3.35
6.51
7.68
Hazard Ratio P
(IC 95%)
1.24 ( 1.02-1.5) 0.028
1.12 (1.09-1.24) 0.03
2.15 (1.30-3.56) 0.003
0.32 (0.16-0.62) 0.0008
16.8 (5.9-48.1) < 0.00001
27.8 (10.2-75.6) < 0.00001
Facteur de risque
• Oxalurie (mM/L)
• Calciurie (mM/L)
• Présence Cacchi
• U Volume (L/j)
• Cristallurie >=50%
• Index cristallurique
(Nb C+ / Nb urine)
181 L calciques suivis pendant durée moyenne de 6 ans => 72 récidives
Daudon et al, Kidney Int 2005;67:1934-43
Conclusion
• L’analyse des calculs et des cristalluries permet d’identifierles facteurs de risque impliqués dans le processus lithiasique
• Elle révèle immédiatement les lithiases de compositionparticulière qui justifient des explorations et/ou des prises encharge spécifiques
• La composition séquentielle des calculs permet dereconstituer les grandes étapes de la lithogenèse chez unsujet donné
• L’étude de la cristallurie est un excellent outil de surveillanceet de détection précoce des risques de récidive
• => l’analyse des calculs et des cristaux doit aujourd’hui fairepartie des moyens de diagnostic et de surveillancethérapeutique mis en œuvre chez un patient lithiasique, toutparticulièrement s’il s’agit d’un enfant
En cas de lithiase rénale, quelles sont les maladiespour lesquelles le diagnostic étiologique est donné ousuggéré immédiatement par l’analyse morpho-constitutionnelle du calcul ?
1. Cystinurie
2. Hyperparathyroïdie primaire
3. Hyperoxalurie entérique
4. Hyperoxalurie primaire
5. Maladie de Dent
6. Maladie de Cacchi-Ricci
7. Déficit en xanthine déshydrogénase
8. Déficit en adénine-phosphoribosyltransférase
9. Déficit en hypoxanthine guanine phosphoribosyltransférase
10. Syndrome de Gougerot-Sjögren
11. Maladie des laxatifs
Réponses correctes: 1 – 3 – 4 – 7 – 8 – 10 - 11