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Analyse multicritère de l¿influence des coopératives de circuits courts dans les
pratiques de maraichages. Le cas des biopesticides dans les coopératives
Paysans Artisans et Agricovert
Auteur : Jacquemin, Vincent
Promoteur(s) : Melard, François
Faculté : Faculté des Sciences
Diplôme : Master en sciences et gestion de l'environnement, à finalité spécialisée en interfaces sociétés-environnements
Année académique : 2018-2019
URI/URL : http://hdl.handle.net/2268.2/7794
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Faculté des Sciences
Département des Sciences et Gestion de l’Environnement
Année 2018-2019
« Analyse multicritère de l’influence des coopératives de circuits
courts dans les pratiques de maraichages. Le cas des biopesticides
dans les coopératives Paysans Artisans et Agricovert »
Mémoire présenté par Vincent Jacquemin
En vue de l’obtention du master en sciences et gestion de l’environnement, à finalité
Interfaces Sociétés-Environnements
Rédigé sous la direction de François Mélard
1
2
Comité de lecture :
Francois Mélard, Nathalie Sémal, Charlotte Bréda
« Copyright »
Toute reproduction du présent document, par quelque procédé que ce soit, ne peut être
réalisée qu'avec l'autorisation de l'auteur et de l'autorité académique* de l’Université de
Liège.
* L'autorité académique est représentée par le(s) promoteur(s) membre(s) du personnel
enseignant de l’ULiège.
Le présent document n'engage que son auteur,
Vincent Jacquemin : vincent.jacquemin95@gmail.com
3
Remerciements
Je tiens à remercier tout d’abord mon promoteur Monsieur François Mélard, pour sa
disponibilité, son aide et ses conseils avisés qui m’ont aiguillé tout au long de la réalisation de
ce mémoire.
J’exprime également ma reconnaissance aux maraichers rencontrés dans les coopératives
Paysans Artisans et Agricovert. Ils ont contribué à l’élaboration de ce travail et m’ont
consacré du temps malgré leurs occupations absorbantes. Je remercie plus particulièrement
Valentine Jacquemart, qui a favorisé les rencontres avec de nombreux maraichers et qui a
facilité mon intégration dans ce milieu.
Je remercie également ma maman pour l’aide précieuse apportée à la relecture de ce travail.
Enfin, je tiens aussi à remercier mes condisciples, conseillers en développement durable, qui
m’ont soutenu et aidé dans la rédaction de ce travail, plus particulièrement Camille Haguinet
et Robin Mazairac avec qui ce fut un plaisir de travailler.
4
Résumé
Ce travail consiste à identifier et à comprendre les différents facteurs d’influences des
coopératives de circuits courts sur les pratiques de maraichages. En effet, les coopératives de
circuits courts définissent un cadre propice aux échanges sociotechniques, aux processus
d’expérimentation et à l’apprentissage des techniques et des pratiques. A partir de l’analyse
de ces différents facteurs, ce travail aborde la pratique des biopesticides au sein de deux
coopératives, Paysans Artisans et Agricovert. Pour ce faire, l’étude se base sur des
témoignages d’acteurs de terrain. Le but est de dégager au travers de leurs discours, et à
partir du cadre analytique, des éléments de réponses quant aux rôles joués par la coopérative
de circuits courts sur leurs pratiques. Cette étude n’a pas de vocation à révéler des éléments
techniques sur les pratiques de maraichages et plus particulièrement celle des biopesticides,
mais plutôt de tenter d’identifier des points d’influence des coopératives sur les pratiques. Ce
travail amène aussi des pistes de réflexions sur les représentations des maraichers quant à
leurs pratiques d’utilisation de biopesticides.
5
Table des matières
Résumé .......................................................................................................................... 4
Préambule ...................................................................................................................... 8
Introduction ................................................................................................................... 9
Partie 1 – Etat de l’art. Les coopératives citoyennes de circuits courts : enjeux et
limites des dynamiques collectives sur les pratiques. ................................................. 10
1 Les circuits courts de commercialisation ............................................................. 10
1.1 Les coopératives de circuits courts ......................................................................................... 13
1.2 Les coopératives de circuits courts, contexte et développement ........................................ 14
1.3 Avantages et inconvénients des coopératives de C.C. pour les producteurs .................... 15
1.4 Les facteurs d’influence des coopératives en circuit court .................................................. 17
1.5 Motivations d’adhésion et engagement dans les coopératives de circuits courts ............. 19
2 Apprentissage des techniques et des pratiques de maraichages ......................... 21
2.1 L’apprentissage des pratiques en milieu agricole ................................................................... 21
2.2 Les pratiques de maraichages ................................................................................................... 23
2.3 Les catégories de maraichage en Wallonie ............................................................................. 24
3 Les biopesticides .................................................................................................. 25
3.1 Définitions .................................................................................................................................. 25
3.2 Les enjeux ................................................................................................................................... 26
Partie 2 - Les coopératives Paysans Artisans et Agricovert et le cas des biopesticides
...................................................................................................................................... 28
4 Problématique et Hypothèses .............................................................................. 28
5 Méthodologie ........................................................................................................ 29
6 Cadre analytique ................................................................................................... 31
7 Présentation du cas : Les coopératives Paysans Artisans et Agricovert .............. 33
7.1 La coopérative Paysans Artisans ............................................................................................. 33
7.2 La coopérative Agricovert ........................................................................................................ 35
7.3 Influences des coopératives sur les pratiques et l’utilisation de biopesticides .................. 36
7.3.1 Les représentations des biopesticides ............................................................................. 36
7.3.2 Facteurs organisationnels de coordination et de fonctionnement ............................. 38
7.3.3 Les Membres (Les maraichers) ........................................................................................ 41
7.3.4 Les interactions .................................................................................................................. 44
7.3.5 Le leadership ...................................................................................................................... 46
6
7.3.6 L’Engagement .................................................................................................................... 46
7.3.7 La confiance ....................................................................................................................... 47
7.3.8 La place des pratiques dans les perspectives d’évolution des coopératives .............. 48
8 Analyse des résultats et interprétations ................................................................ 51
9 Discussion ............................................................................................................. 54
10 Analyse réflexive ................................................................................................... 56
Conclusion ................................................................................................................... 58
Annexes ........................................................................................................................ 60
Bibliographie ............................................................................................................... 64
Tables des figures
Figure 1 : Différentes formes de circuits courts dans le paysage en Wallonie (Decamp & al.,
2013) ............................................................................................................................................................. 12
Figure 2 : Coopératives de CC membres du collectif 5C (5C, 2019). ............................................... 15
Figure 3 : Typologie des producteurs adhérant à une coopérative en circuits courts (Laughrea &
al., 2018) ....................................................................................................................................................... 20
Figure 4 : Schéma analytique des facteurs d'influences au sein des coopératives de circuits courts
....................................................................................................................................................................... 32
Figure 5 : Facteurs explicatifs de l’implication variables des producteurs Poison & al.(2010, p4)61
7
Liste des abréviations
AB : agriculture biologique
BNDA : Banque nationale de développement agricole
BT : Bacillus thuringiensis spp
CA : conseil d’administration
C.C.: circuit court
EPA: Environnemental Protection Agency
INRA : Institut National de la recherche agronomique
MGS : Maraichage de grande surface
MMS : Maraichage de moyenne surface
MPS : Maraichage de petite surface
PA : Coopérative Paysans-Artisans
PGC : Production en grande culture
PPP : Produit phytosanitaire
PR : Point de R’aliment
SPG : systèmes participatifs de garantie
SPW : Service Public de Wallonie
8
Préambule
Ayant précédemment réalisé un bachelier de conseiller en développement durable, les questions
relatives à l’utilisation des pesticides ont toujours suscité mon interrogation que ce soit en tant
que simple consommateur ou en tant que gestionnaire de l’environnement. Certes, je n’ai pas de
réels liens ou d’accroches socio-culturelles avec le milieu agricole, mais tout de même j’ai grandi
en milieu rural et je me préoccupe de la qualité de mon alimentation. Pendant mes deux années
de master à Arlon, j’ai vécu au sein d’une exploitation en maraichages biologique (BioLorraine)
où j’ai pu découvrir la réalité de ce métier et les différents enjeux qui y sont liés. Les difficultés
économiques et techniques n’y prenaient pas le dessus sur la passion et la cohésion sociale qui se
dégageait de cette exploitation. Cette satisfaction de nourrir la population avec des produits
locaux et de qualité, j’ai pu la percevoir chez d’autres maraichers rencontrés au cours de mes
expériences estudiantines. Cela m’a incité à me pencher sur les pratiques de maraichages et plus
particulièrement dans les coopératives de circuits courts.
En 2018, j’ai eu l’occasion de travailler comme stagiaire, assistant du directeur de la foire agricole
de Libramont. Il y fut question d’établir un état des lieux de l’utilisation des biopesticides en
Wallonie. Mais, par faute de temps, le projet n’a pas abouti à l’époque. Je reprends le sujet
aujourd’hui dans le cadre de ce mémoire avec l’objectif de découvrir l’utilisation réelle des
biopesticides sur le terrain et dans les coopératives en circuits courts plus précisément.
Le thème des circuits courts a déjà fait l’objet de nombreux travaux. Cependant, en Wallonie, les
informations quant à l’influence des coopératives sur les pratiques de maraichages sont plutôt
rares. Ce travail a pour ambition d’offrir des pistes de réponses quant à l’influence des
coopératives sur les pratiques de maraichages et de faire le point sur l’utilisation de biopesticides
dans les coopératives de circuits courts.
9
Introduction
Depuis une dizaine d’années, les coopératives alimentaires de circuits courts connaissent un
développement considérable en Région wallonne. Ces nouvelles structures de commercialisation
tendent à redéfinir les liens existants entre les consommateurs, les producteurs et les productions
agricoles, avec comme fil conducteur un nouveau modèle de consommation centré sur la
provenance et la qualité des produits.
A la base de la problématique, on trouve une perte de confiance des consommateurs face au
secteur de l’alimentation (Lamine & al., 2009). L’utilisation massive de pesticides, l’explosion des
labels en tous genres et les divers scandales alimentaires n’ont fait qu’accroitre cette méfiance tant
à l’égard des agriculteurs que vis-à-vis des produits de la grande distribution. De plus, la prise de
conscience des enjeux environnementaux combinée à l’écologisation1 des pratiques agricoles a
provoqué une évolution des revendications (Lamine, 2017). Le consommateur tend à se
positionner en faveur d’une diminution de l’utilisation de pesticides dans l’agriculture et à préférer
accroitre sa demande en faveur de produits issus de l’agriculture biologique. Ainsi en Belgique,
selon les derniers chiffres de BioWallonie 2 (2018), on constate, d’année en année, une
augmentation significative, tant au niveau de la production que de la consommation, d’aliments
frais biologiques (Beaudelot & Goffin (2018). Ce nouveau choix du consommateur pousse les
exploitants agricoles à reconsidérer leurs pratiques agricoles et le modèle alimentaire prédominant
mis en place (Deverre & Lamine, 2010).
Dans ce contexte, les coopératives agricoles de circuits courts (ci-après C.C.) semblent être une
piste de réponse pour faire face à ces différents défis et enjeux. Les coopératives s’inscrivent dans
une stratégie de développement territorial à la fois économique, sociale et environnementale. Les
principes de base du fonctionnement des coopératives de circuits courts, les avantages et les
différents coûts que cela représente en font des leviers intéressants notamment pour des
pratiques de maraichages plus durables. Les valeurs portées par les réseaux coopératifs
permettent aux maraichers de dépasser les limites de leur exploitation individuelle. Des limites
tant spatiales que socio-culturelles (Petel, 2015). De nombreux travaux ont déjà porté sur ce sujet
(Deverre & Lamine, 2010; Laughrea, 2014; Maréchal & Spanu, 2010). Ils mettent en exergue les
échanges entre les coopératives et les producteurs et l’influence bénéfique de celles-ci sur les
pratiques et techniques des producteurs.
1 Par écologisation nous considérons le retrait ou la réduction de l’usage d’intrants ou d’opérations techniques, et leur substitution par des processus et des auxiliaires naturels (Barbier & Goulet, 2013). 2 BioWallonie est un organisme d’encadrement des producteurs biologiques destiné à mettre en place les objectifs de développement en matière d’agriculture biologique établis par le Gouvernement wallon.
10
A cet égard, il semble intéressant de se pencher plus particulièrement sur le maraichage, un
secteur en pleine mutation et reconfiguration (Lamine & al., 2009).
Ce travail portera sur deux coopératives de circuits courts bien connues dans le paysage
coopératif wallon. Il s’agit de « La coopérative Paysans Artisans » à Namur et « la Coopérative
Agricovert » à Gembloux. Le but poursuivi sera, au travers de différents entretiens, d’essayer de
comprendre les interactions entre les coopératives et les maraichers et de déterminer s’il existe
une influence notable des coopératives sur les pratiques de ceux-ci et plus spécialement sur
l’utilisation de biopesticides.
Dans un premier temps, nous passerons en revue des notions théoriques liées aux structures des
circuits courts et des collectivités. Nous nous pencherons ensuite sur les différents facteurs
d’influence au sein des coopératives de circuits courts. Enfin, nous présenterons les pratiques de
maraichage et plus particulièrement celle qui consiste à utiliser ou non des biopesticides.
Dans un deuxième temps, à partir du cas des biopesticides au sein de deux coopératives
distinctes, nous verrons si celles-ci exercent une réelle influence et amènent une dynamique
favorable dans l’apprentissage des pratiques de maraichages. Enfin, nous terminerons en
discutant les résultats obtenus et en regardant s’ils peuvent être étendus à d’autres coopératives.
Pour conclure ce travail nous ferons une analyse réflexive des résultats.
Partie 1 – Etat de l’art. Les coopératives citoyennes de circuits courts :
enjeux et limites des dynamiques collectives sur les pratiques.
1 Les circuits courts de commercialisation
Les circuits courts (C.C.) alimentaires ne sont pas des phénomènes nouveaux. En effet, cette
méthode de commercialisation des productions agricoles fut prédominante jusqu’aux Trente
Glorieuses, période s’étendant de l’après Seconde Guerre mondiale jusqu’au début des années
’70. A partir de cette époque, le développement des structures industrielles de distribution et
l’essor du modèle productiviste ont progressivement contraint les producteurs à se concentrer
exclusivement sur la fonction de production en laissant la transformation des produits à
l’industrie agroalimentaire et la commercialisation à la grande distribution (Gaudiaut, 2014.) En
11
Europe, au début des années ‘90 les différentes crises alimentaires 3 et le contexte socio-
économique favorable ont permis à l’agriculture de s’engager dans une phase de reconfiguration.
Ce tournant des années ’90 fut possible grâce à l’émergence de nouvelles stratégies de
différenciation pour les exploitants agricoles leur offrant la possibilité de revenir à des modèles de
vente plus directe. De plus, après avoir négligé les circuits courts pendant plusieurs années au
nom de la rentabilité, les grands groupes de distribution reviennent à des stratégies plus locales,
plébiscitées par les consommateurs (Gahinet, 2018). Mais ce renouveau des circuits courts
s’explique pareillement par l’apparition progressive de nouvelles préoccupations portées par les
producteurs et par les consommateurs. Cette méfiance grandissante à l’égard du modèle agro-
industriel dominant a apporté de nouveaux critères de qualités faisant référence à des facteurs
sanitaires et environnementaux (Chiffoleau, 2017), redonnant ainsi un attrait et une visibilité aux
structures et systèmes de ventes ou d’approvisionnements en circuits courts.
Depuis plusieurs années, se sont développées de nombreuses formes de systèmes alternatifs de
distribution alimentaire avec un renouvellement des formes traditionnelles de C.C. et de la
relation marchande vis-à-vis de l’agriculture (Lanciano & Saleilles, 2010). Dans la littérature, ce
raccourcissement des circuits de commercialisation est associé à différentes notions comme les
systèmes alimentaires localisés, les réseaux alimentaires alternatifs, les circuits courts ou de
proximité (Deverre & Lamine, 2010). Dans le cadre de ce travail, nous emploierons les termes
« circuits courts » (C.C.) car ce sont ceux généralement employés par les coopératives, les
maraichers et les consommateurs en Wallonie.
L’apparition de nouvelles formes de structures coopératives et l’hétérogénéité des acteurs font
que ce type de marché offre un environnement favorable à la fois aux renforcements et à la
création de liens sociaux (Chiffoleau, 2012). De nouvelles dynamiques relationnelles émergent
favorisant les échanges et le processus de transfert des savoirs sociotechniques entre les
différents producteurs.
De plus, avec la mutualisation des ressources et des savoirs, caractéristique du régime des
coopératives, l’action collective est vue comme un levier pour l’exploitation agricole. Elle facilite
la commercialisation en circuits courts et permet l’accès à des opportunités dont les maraichers
n’auraient pas pu bénéficier à titre individuel (Saleilles et Poisson, 2012).
Les circuits courts connaissent différentes définitions en fonction du modèle de gestion et de la
structure territoriale dans lesquels ils s’inscrivent. Les termes « circuits courts de
commercialisation » sont utilisés à partir de 1997 par « l’Observatoire européen Leader des actions
3 Et plus particulièrement l’Encéphalite spongiforme Bovine, Escherichia Coli et la fièvre aphteuse
12
innovantes 4 » pour désigner une méthode de commercialisation mobilisant tout au plus un
intermédiaire entre le producteur et le consommateur (Chiffoleau, 2012). Si en théorie le concept
paraît simple, dans la réalité on constate une confusion au sujet de cette définition qui n’intègre
pas d’indication quant à la distance géographique. Ce reproche, vu le développement de l’E-
commerce et celui des plateformes de ventes en ligne, semble perdre un peu de pertinence. Quoi
qu’il en soit, il existe une grande diversité de circuits courts de commercialisation où l’on peut
distinguer des circuits courts « locaux » et des autres dits de « proximité » (Gaudiaut, 2014,). Dans
son travail sur les circuits courts solidaires et durables, Decamp (2013) propose le schéma
représentatif suivant en se basant sur le nombre d’intermédiaires et le caractère collectif ou non
des modes de ventes (Decamp & al., 2013).
Figure 1 : différentes formes de circuits courts dans le paysage en Wallonie (Decamp & al., 2013)
Les coopératives de circuits courts se structurent généralement autour de plusieurs axes de
commercialisation. Les deux coopératives étudiées5 dans le cadre de ce travail sont relativement
4 Maintenant appelé : « association européenne pour l’information sur le développement local » (AEIDL) 5 cf infra 7.1 Coopérative Paysans Artisans & 7.2 Agricovert.
13
similaires dans leurs modes de commercialisation en C.C. et intègrent dans leurs projets presque
l’ensemble des modes représentés sur ce schéma.
On constate que les agriculteurs en C.C. tendent à s’éloigner de l’espace de marché agricole
traditionnel et des institutions qui l’organisent. Dans l’agriculture traditionnelle, l’agriculteur
produit seul. Il est souvent isolé, au propre comme au figuré, dans sa ferme et sur ses terres. A
l’inverse, dans ce nouveau schéma des circuits courts, la zone de production reste toujours la
ferme, mais le fait d’adhérer à une coopérative projette l’agriculteur hors ses murs et l’oblige à
aller vers les autres producteurs dans une dynamique de partage et le pousse à la rencontre des
consommateurs ruraux et urbains « engendrant ainsi un climat de confiance propice aux interactions
sociales » (Lanciano & Saleilles, 2010).
L’étude de Maréchal & Spanu (2010) a mis en évidence l’influence positive des circuits courts
dans l’adoption de pratiques plus durables. Dans un premier temps, les auteurs constatent que le
consommateur influence indirectement l’adoption de pratiques agricoles. En effet, la proximité
des relations entre producteurs et consommateurs induit un contrat de confiance qu’il est difficile
de rompre (Maréchal & Spanu, 2010). Ainsi, les diverses revendications du consommateur
tendent à se propager auprès du producteur qui en tiendra compte dans son exploitation
(Gaudiaut, 2014), et cette prise en compte dépendra du niveau de relation, fort ou faible entre les
différents protagonistes. Dans un deuxième temps, Maréchal & Spanu (2010), pointent du doigt
l’influence significative des interactions entre les producteurs s’inscrivant au sein d’organisations
collectives de commercialisation. Ils observent que certaines démarches comme les points de
ventes collectifs, les paniers collectifs ou encore les réunions entre les membres semblent générer
de nouvelles arènes d’échanges et de délibération entre producteurs.
1.1 Les coopératives de circuits courts
Les avantages des circuits courts pour les producteurs sont nombreux. Toutefois, ceux-ci tendent
à complexifier l’organisation et le travail des producteurs qui se trouvent forcés d’internaliser
différents métiers. Ils doivent acquérir de nouvelles compétences et connaissances et sont
confrontés à des savoir-faire qui divergent de leur activité première (Mustière, 2010). Cela
nécessite dans certains cas des investissements qui pourraient invalider la pérennité de leur
exploitation. (Laughrea, 2014). Face à ces défis, la création de coopératives de ventes en circuits
courts et leurs dynamiques collectives semblent apporter une réponse ouvrant la porte à de
nombreuses opportunités pour les producteurs.
14
1.2 Les coopératives de circuits courts, contexte et développement
On peut distinguer deux conditions primordiales à la création d’une coopérative : d’une part, la
nécessité et d’autre part une identité collective (Defourny, 2012). De manière générale, et plus
particulièrement en Wallonie, le maintien d’une agriculture paysanne est devenu une nécessité qui
rencontre une identité collective. Un terreau fertile pour le développement des coopératives de
circuits courts et autres systèmes alimentaires alternatifs. Depuis quelques années, on constate
une volonté des autorités compétentes à soutenir le développement de ce type de projets et
structures. Ceci se traduit, au travers du plan de développement durable et du plan de
développement de l’agriculture biologique6, par des mesures visant à encourager et à financer les
initiatives renforçant les dynamiques participatives dans le milieu agricole. Ce soutien s’explique
par la volonté de recentrer et redynamiser des filières de production et de commercialisation plus
locales et durables au même titre que le développement régional (Antonio, 2013)(Naves, 2016).
Un autre facteur qui contribue à un développement favorable des coopératives de C.C. est la
structure et la diversité du réseau agricole en Wallonie qui se caractérise par des pratiques
agricoles diversifiées, non cadenassées et ouvertes aux changements et ce notamment vis-à-vis
d’un retour à une agriculture plus locale.
Il est possible de différencier plusieurs modèles de coopératives de ventes en C.C. en fonction de
leurs rôles et de leurs structures. On distingue les coopératives de production et de
transformation, les coopératives de distribution et enfin les coopératives de consommateurs.
Dans la réalité, les coopératives de C.C. intègrent simultanément plusieurs de ces fonctions
(Marchand, 2018).
Il existe peu de chiffres quant au développement des coopératives de vente en circuits courts en
Wallonie. Toutefois, le collectif 5 C7 qui regroupe 21 coopératives de circuits courts en région
wallonne fournit d’intéressantes données sur la situation. Le tableau ci-après offre une vue
d’ensemble sur ce collectif et montre, entre autres, les dates de création des coopératives. On
constate qu’une grande majorité d’entre elles ont vu le jour au cours des 10 dernières années
(Fig.2).
Il est à noter que ce collectif regroupe des coopératives de C.C. partageant des valeurs identiques
et des stratégies semblables. Ses objectifs sont multiples mais le collectif vise essentiellement à
6 Plan stratégique pour le développement de l’agriculture biologique en Wallonie à l’horizon 2020 Action n°16 : Encadrer et soutenir les producteurs dans la création de coopératives et de groupements de producteurs pour la production, la transformation et la distribution de produits bio. P-41. 7 Le collectif « 5 C » tire son nom des cinq initiales des mots suivants : « Collectif des coopératives citoyennes pour le circuit court »
15
favoriser les échanges et les solidarités entre les différentes coopératives wallonnes, au travers,
notamment, d’outils informatiques et de stratégies commerciales communes.
Figure 2 : Coopératives de CC membres du collectif 5C (5C, 2019).
1.3 Avantages et inconvénients des coopératives de C.C. pour les
producteurs
Les avantages généralement évoqués pour les producteurs des coopératives de C.C. sont
nombreux et varient en fonction du contexte, des coopératives et des producteurs (Lanciano &
Saleilles, 2010). La coopérative de CC favorise la transparence quant à l’origine de la production
des produits (Freidberg & Goldstein, 2011). En effet, elle aide à la communication et à la
diffusion des informations sur les méthodes de production. En jouant le rôle de relais de
l’information entre le consommateur et le producteur, elle renforce le dispositif de confiance
entre les deux parties.
De plus, la coopérative de C.C. augmente les capacités des producteurs et leurs libertés
d’exploitation. En effet, elle permet de dépasser l’individualisme et le manque de pouvoir de
négociation des producteurs (Touzard & Vandame, 2014). Ceux-ci retrouvent ainsi une plus
16
grande autonomie dans leur capacité à contrôler le prix des produits réduisant leur dépendance
aux fluctuations du marché (Mustière, 2010)
Un autre avantage de la coopérative de C.C. est la possibilité qu’elle offre aux producteurs
d’accéder à de nouveaux marchés que seuls ils ne pourraient atteindre, ce qui consécutivement,
améliore l’approvisionnement des canaux déjà existants (Biénabe & Sautier, 2005);(Laughrea,
2014). En d’autres termes, la coopérative permet aux producteurs de consolider leur offre et
d’accroitre leur capacité à intégrer de nouveaux marchés. En outre, cela a été évoqué auparavant,
les coopératives de C.C. valorisent le métier de maraicher. (Chiffoleau, 2012). La structure de ces
systèmes organisationnels s’articule autour d’une dynamique collective régie par le partage de
valeurs et d’objectifs communs. Ce fonctionnement favorise la cohésion sociale et les liens entre
les producteurs (Poisson & Saleilles, 2012) et procure un cadre propice aux échanges et à
l’apprentissage de techniques et pratiques. Même l’hétérogénéité des membres en coopérative de
C.C. permet aux producteurs d’être confrontés à des savoir-faire et des pratiques qui différent de
leur activité initiale. En bref, la coopérative de C.C. crée une dynamique favorable aux échanges
(Mustière, 2010).
Pour le dire autrement, au rayon des avantages, les coopératives de C.C. mettent à la disposition
des producteurs, des ressources supplémentaires et leur proposent une diversification des canaux
de commercialisation. Elles favorisent l’autonomie économique avec la réappropriation des
marges et une meilleure gestion des prix, mais aussi la cohésion sociale au travers des différentes
arènes d’échanges qu’elles génèrent. Cette dynamique collective est propice aux échanges de
savoirs et d’apprentissages de pratiques. Les C.C. ouvrent la porte à de nouveaux choix de culture
grâce à une meilleure gestion du risque. Elles aident au renforcement des liens entre producteur
et consommateur et valorisent le métier de maraichers. Mais surtout elles fédèrent des individus,
de manière transversale, autour d’une finalité commune notamment grâce à l’élaboration d’une
identité communautaire. Les coopératives de C.C. engendrent des externalités positives
environnementales et socio-économiques pour les producteurs et pour l’ensemble de la société.
Pour ce qui est des inconvénients, outre ceux cités ci-dessus8, il faut souligner le défi qui se
présente aux coopératives en C.C. : être en mesure de concilier le projet collectif avec les
différentes stratégies individuelles des producteurs (Laughrea, 2014). La coopérative doit veiller à
garantir un sentiment d’équité, mais doit laisser une place au développement des projets
personnels en respectant les priorités et contraintes des producteurs (Poisson & Saleilles, 2012).
Dans la littérature, l’accent reste toutefois principalement mis sur les liens entre producteurs et
8Cf (point 1.1).
17
consommateurs alors qu’une diversité de liens est à l’œuvre, impliquant notamment de nouvelles
relations entre producteurs (Chiffoleau, 2009).
En résumé, les avantages des coopératives de C.C. sont infiniment plus nombreux que leurs
inconvénients.
1.4 Les facteurs d’influence des coopératives en circuit court
Au sein des coopératives de C.C. nous pouvons distinguer plusieurs facteurs d’influence : des
facteurs humains liés aux interactions, des facteurs organisationnels, et des facteurs propres à la
réalité et au contexte des producteurs. Dans son travail sur les collectifs de producteurs en
circuits courts, Laughrea (2014), définit des balises permettant d’appréhender des facteurs
structurant les coopératives en C.C. Ceux-ci nous serviront dans notre analyse de cas et à
l’élaboration de notre cadre analytique.9
En ce qui concerne les facteurs humains, on peut relever les éléments suivants :
La similitude des membres : une logique de similitude se construit autour du partage d’un
ensemble de croyances et de savoirs identiques et d’un même système de représentations. De
cette manière, la similitude des producteurs facilite la coordination au sein d’une coopérative de
C.C. (Rallet & Torre, 2004). Néanmoins, il convient de conserver une certaine incertitude, une
ambiguïté d’intention qui permet d’intégrer les différents acteurs. Ainsi, cette logique de
similitude n’est pas indispensable pour le bon fonctionnement des coopératives de C.C., elle peut
se substituer à une logique d’appartenance. Dans ce cas, la coordination se fait au travers de
règles ou de comportements partagés par l’ensemble des producteurs. (Rallet & Torre, 2004). Ces
deux logiques, de similitudes et d’appartenance, s’agencent et se substituent en fonction des
objectifs des coopératives et de la similitude de leurs producteurs. D’une manière générale,
l’organisation et la coordination facilitent les interactions entre les producteurs qu’ils soient
similaires ou non.
Les interactions directes : la proximité géographique qu’offrent les circuits courts permet de
faciliter les interactions des producteurs mais aussi leur engagement envers la coopérative.
(Konforti, 2011; Rallet & Torre, 2004). De plus, les fréquences d’interactions directes (en face à
face) sont plus nombreuses dans des coopératives de C.C. que dans des marchés traditionnels
(Ostrom, 2009). Elles favorisent le développement d’un climat de confiance ; nous y reviendrons
par la suite.
9 cf infra, 6
18
Le Leadership : la présence de leaders, qu’ils soient internes ou externes à la coopérative,
permet de mobiliser et dynamiser les producteurs (Laughrea, 2014). En effet, certains membres
possèdent plus que d’autres des capacités mobilisatrices, des compétences ou des attraits
personnels comme le charisme qui leur confèrent un rôle de leader. Ces personnes ont la
possibilité de fédérer les membres autours des valeurs et des objectifs de la coopérative.
L’engagement des membres : Pour qu’une coopérative de C.C. fonctionne, il semble
nécessaire de maintenir une intensité constante d’engagement de ses membres. Cet engagement
est étroitement lié à la relation envers les ressources fournies par la coopérative mais aussi
dépendant des rapports qu’entretient chaque individu avec la coopérative. (Laughrea, 2014).
Toutefois, l’engagement est un processus de négociation de sens continu qui se construit au
travers des interactions entre les différents membres (Wenger, 2005). Les membres créent,
élargissent ou modifient des significations qui redéfinissent de manière constante leur
engagement. En ce sens, l’engagement génère un sentiment d’appartenance et d’identité pour les
membres et de plus, les pratiques et les coopératives peuvent être stimulées et transformées par
l’engagement (Wenger, 2005).
La confiance : de manière générale, les circuits courts génèrent de la confiance (Chiffoleau,
2017; Goulet & Vinck, 2008). Celle-ci se crée au travers des interactions et des relations entre les
différents membres. C’est un facteur fondamental qui renforce la coordination et facilite la
coopération (Laughrea, 2014). La confiance est ici abordée dans la structure interne à la
coopérative. Mais nous l’avons vu, il existe aussi des dispositifs de confiance entre producteurs et
consommateurs.
En ce qui concerne les facteurs organisationnels :
Une prise de décision transparente et rapprochée des membres. Les règles, les décisions et
autres codes doivent être connus et acceptés par tous les membres de la coopérative. La mise en
place de règles de fonctionnement claires est basée sur des objectifs, des valeurs ou des
conceptions partagées (Poisson, M. & Saleilles, 2012).
Les règles organisationnelles et de fonctionnement.
Les règles définies par la coopérative visent à définir la responsabilité et le rôle de chacun mais
aussi les frontières à ne pas franchir (Fassotte, 2017).
Les mécanismes de contrôle et de coordination : la présence d’un responsable en charge de la
coordination est un élément important. Toutefois, les membres doivent percevoir la nécessité de
se doter d’une personne qui endosse ce rôle. De plus, différents outils peuvent aussi être élaborés
pour améliorer le contrôle et la coordination comme des chartes ou diverses procédures liées aux
19
pratiques des producteurs (Laughrea, 2014). Toutefois, il revient aux membres de surveiller et
d’appliquer au mieux les règles.
La conciliation avec les stratégies individuelles : la coopérative doit veiller à laisser une
certaine marge d’autonomie à ses membres, en adaptant la demande d’implication en fonction
des projets individuels ou en conciliant les convictions et les choix des membres avec les objectifs
de la coopérative (Poisson, M. & Saleilles, 2012).
En ce qui concerne les autres facteurs :
Notons existe des facteurs économiques mais ceux-ci se retrouvent interreliés avec les autres
dimensions (Laughrea, 2014). D’autre part, un élément qui est peu considéré dans les facteurs
énoncés est l’environnement externe (légal, politique, économique, etc.) à la coopérative10. Ici,
c’est un choix volontaire de se focaliser sur les dynamiques collectives internes à la coopérative
comme facteurs d’influence sur les pratiques de maraichages.
1.5 Motivations d’adhésion et engagement dans les coopératives de circuits
courts
Les motivations d’adhésion à une coopérative en circuits courts sont variées et s’organisent
généralement autour de deux logiques économiques structurantes : premièrement, la volonté de
mettre en place une stratégie de diversification de l’exploitation et, d’autre part, celle de mettre
des ressources matérielles ou immatérielles en commun pour mener à bien cette stratégie
(Laughrea, & al., 2018). En effet, cette diversification des canaux de distribution permet d’assurer
une meilleure stabilité financière et une augmentation des revenus pour les producteurs
(Govindasamy & al., 1999; McElwee & Bosworth, 2010). Dans certains cas, l’adhésion des
producteurs dans une coopérative est étroitement liée à un engagement envers leur région ou leur
filière, avec une volonté de valoriser leur produit, d’accroitre son accessibilité et de stimuler
l’activité économique locale (Laughrea & al, 2018).
Selon l’étude de Laughrea (2018), les producteurs adhérant à une coopérative peuvent être définis
selon quatre idéaux types 11 en fonction des bénéfices qu’ils peuvent percevoir et de leur
engagement (Fig3). Cette catégorisation complète les travaux de Dumas (2013) qui ne distinguait
que trois types de catégories de producteurs : « Les agriculteurs motivés par le collectif mais peu impliqués,
les agriculteurs moteurs du collectif et les agriculteurs consommateurs d’un service collectif » (Dumas, 2013).
10 Cf Annexe II : Facteurs explicatifs de l’implication variables des producteurs : La figure montre les facteurs d’influences. externes 11 Dans le sens défini par Max Weber (1965), des catégories définies à partir d’une accentuation des caractéristiques les plus significatives des producteurs.
20
Dans son modèle, Laughrea (2018) fait une distinction entre la notion d’engagement et celle
d’implication. L’implication fait référence au niveau d’effort de participation fourni par un
individu afin d’assurer le fonctionnement de son organisation. L’engagement est une notion
moins consensuelle, qui généralement fait référence à la fidélité, à la loyauté, à la croyance envers
les valeurs portées par l’organisation et les efforts mobilisés par un individu pour que
l’organisation atteigne ses objectifs. (Carney, 2007). Ainsi cette distinction montre qu’un
producteur faiblement impliqué au sein de sa coopérative peut toutefois être fortement engagé
envers elle.
Figure 3 : Typologie des producteurs adhérant à une coopérative en circuits courts (Laughrea & al., 2018)
- Le membre fantôme est caractérisé par un engagement variable et un niveau
d’implication faible. En effet, son adhésion à la coopérative est liée à un désir de
s’intégrer dans un réseau professionnel par solidarité ou par conviction. Toutefois, il n’a
pas de réel besoin des services proposés par la coopérative.
- Le membre utilisateur est un producteur adhérant à la coopérative en fonction des
bénéfices personnels qu’il peut percevoir. L’engagement peut être vu comme fragile.
Ainsi, si la situation de la coopérative évolue négativement rendant les bénéfices pour les
producteurs moindre celui-ci aura tendance à réduire son implication.
- L’entrepreneur social est un producteur avec un fort niveau d’engagement et
d’implication envers la coopérative mais qui en retire peu d’avantage personnel. Ce sont
21
généralement des producteurs que l’on retrouve impliqués plus largement dans les
associations locales.
- Enfin, le producteur engagé est fortement dépendant économiquement de la
coopérative. Son engagement persiste, même lors de contextes difficiles, car il est
convaincu du projet et veut le voir perdurer dans le temps.
Ces catégories caractérisent des profils types de producteurs. Mais ceux-ci ne sont pas figés, ils
évoluent et se construisent selon le type de l’environnement et les projets des coopératives.
Ainsi, un individu peut migrer et évoluer d’une catégorie à une autre.
2 Apprentissage des techniques et des pratiques de maraichages
2.1 L’apprentissage des pratiques en milieu agricole
Les pratiques maraichères sont nombreuses et en constante mutation, et ce pour répondre à des
nouveaux enjeux et autres paradigmes de consommation. Il existe de nombreuses approches
théoriques des pratiques (sociologique, psychologique). Nous pouvons définir la pratique
comme : « Un ensemble socialement défini de manières de faire les choses dans un domaine spécifique qui vise à
l’action concrète » (Wenger, 2005).
L’implication des producteurs au sein de dynamiques collectives est l’une des conditions
d’apprentissage favorables à d’autres pratiques agricoles (Bideau, 2013). On peut distinguer des
processus d’apprentissages de pratiques planifiés et codifiés et des processus d’apprentissage non
intentionnels qui s’articulent autour de ces dynamiques collectives.
Toutefois, l’apprentissage est un processus non linéaire qui peut se produire à de multiples
niveaux (Cristofari, 2018). De nombreux travaux se sont déjà penchés sur l’apprentissage des
agriculteurs et maraichers. S’appuyant sur les recherches de (Ingram, 2010), (Stone, 2016) dégage
plusieurs grandes catégories d’apprentissages pour les agriculteurs, notamment l’apprentissage par
les pratiques, et l’apprentissage par échanges. Il montre par ailleurs l’importance des réseaux et
des collectifs dans ce processus d’apprentissage. D’autres travaux portant sur un apprentissage
plus transversal (Brédart & Stassart, 2017) se penchent sur l’apprentissage lié aux trajectoires de
changements de pratiques en agriculture. Ils montrent notamment les bénéfices des évènements
imprévus comme source d’apprentissage. Des résultats qui se recoupent avec l’étude de (Lamine
& al., 2009) qui s’intéresse aux trajectoires des agriculteurs ayant choisi de se convertir à
l’agriculture biologique, mettant notamment en avant le fait que les trajectoires les plus robustes
22
de transition vers l’agriculture biologique s’inscrivent dans la durée et à partir d’un processus
d’évolution antérieur aux pratiques.
Le processus d’apprentissage est un élément majeur dans le cas de l’utilisation des biopesticides12.
L’étude de Lamine (2009) semble montrer que l’influence des réseaux et des collectivités est
effectivement présente dans les processus d’apprentissage, mais qu’elle doit être combinée aux
trajectoires et au vécu des individus. Dans le cadre de ce travail, nous nous limiterons à
l’apprentissage lié aux réseaux et aux dynamiques collectives.
Une autre théorie intéressante est celle des communautés de pratiques définie par Wenger13
(2005). Il propose de concevoir l’apprentissage au travers d’une participation sociale. Dans son
cas, la participation n’est pas restreinte au simple engagement d’acteurs dans un projet collectif ou
individuel mais est plutôt prise comme un processus plus global de collaboration active aux
pratiques et à la construction d’une identité en lien avec elle (Wenger, 2005). Cette notion
d’apprentissage est importante dans le cadre de ce travail. Car le transfert des techniques et des
savoirs agricoles comporte diverses composantes qui valorisent la participation en tant que
processus d’apprentissage notamment au sein des coopératives.
Les coopératives de ventes en circuits courts peuvent être caractérisées comme étant des
communautés de pratiques dans la mesure où elles intègrent les trois dimensions structurantes
fondamentales établies par Wenger ;
Un engagement mutuel de la part des différents producteurs et maraichers. Dans le cas
étudié, cela correspond au maintien de l’agriculture paysanne et à l’envie de fournir des
produits d’origine identifiée et de qualité14. Cet engagement mutuel permet un engagement
productif mais n’est pas conditionné à un groupe d’acteurs homogène. Au contraire, un
groupe hétéroclite permet, grâce aux interactions et aux diversités de chacun, d’apporter
d’autres interprétations et ainsi d’influencer les pratiques et la construction de la
communauté (Wenger, 2005).
Une entreprise commune définit des objectifs communs et crée une relation de
responsabilité mutuelle chez les différents acteurs. La coopérative de vente en C.C. peut
être considérée comme le résultat d’un processus collectif de négociations (Wenger, 2005).
Les personnes concernées vont délimiter ce qu’il faut faire ou ne pas faire, créant ainsi un
12 Car il s’agit d’une pratique très présente dans l’agriculture biologique. cf infra, 3 & 4. 13 Il existe une multiplicité de définitions et de théories de la communauté en fonction du cadre d’analyse. Dans le dictionnaire de sociologie d’Oxford (2015), la communauté fait référence à un « particularly constituted set of social relationships based on something that the participants have in common—usually a common sense of identity ». (Fassotte, 2017) 14 Dans les coopératives Paysans Artisans et Agricovert
23
lien de responsabilité qui dans certains cas peut s’avérer contraignant et conflictuel pour
les pratiques maraichères.
Un répertoire partagé est l’ensemble des outils, des histoires, des symboles ou des
concepts créés par la communauté et qui permet d’afficher l’appartenance et l’identité des
membres (Wenger, 2005). Les coopératives de circuits courts sont constituées d’une
multitude d’acteurs qui s’articulent et fonctionnent au travers des valeurs et des objectifs
définis par les projets.
2.2 Les pratiques de maraichages
Au travers de la littérature, nous avons mis en évidence le rôle joué par les coopératives de C.C.
sur les pratiques des producteurs et leurs apprentissages et en avons vu que plusieurs facteurs
influents sont à prendre en considération. Dans la suite de cette partie théorique, nous
présenterons les pratiques existantes et plus particulièrement la pratique concernant l’utilisation
de biopesticides.
Selon la Banque Nationale de Développement Agricole (BNDA), le maraichage peut se définir
comme « la culture de légumes, de certains fruits, herbes et fleurs, à usage alimentaire, de manière professionnelle,
c'est-à-dire dans le but d’en tirer profit ou d’en vivre ». La production de légumes en région wallonne est
assez récente. Historiquement les pratiques agricoles étaient plutôt tournées vers la production
céréalières et l’élevage bovin (Goffin, 2018) et régies par un système de production agricole
conventionnelle et productiviste (Goffin, 2018).
Le système d’agriculture ou maraichage conventionnel est « caractérisé par l’emploi de variétés et races à
haut rendement, d’intrants permettant d’en optimiser la production (engrais et pesticides ou aliments concentrés et
forte médication) dans des exploitations agricoles très spécialisées et mécanisées ». (IEW, 2017). A partir des
années 90 le développement de l’agriculture biologique (ci-après AB) a redynamisé la filière de
maraichage en apportant d’autres pratiques agronomiques plus respectueuses de l’environnement
et en rupture avec le système conventionnel. L'agriculture biologique est définie comme suit par
la commission Européenne (2012) : « Un système de production qui maintient et améliore la santé des sols,
des écosystèmes et des personnes. Elle s'appuie sur des processus écologiques, la biodiversité et des cycles adaptés aux
conditions locales, plutôt que sur l'utilisation d'intrants ayant des effets indésirables. L'agriculture biologique allie
tradition, innovation et science au bénéfice de l'environnement commun et promeut des relations justes et une bonne
qualité de vie pour tous ceux qui y sont impliqués » (Dittrich, 2012). Aujourd’hui l’agriculture biologique
englobe différents systèmes de production comme par exemple, la biodynamie, l’agroécologie, la
24
permaculture ou encore le bio-industriel15 qui s’opposent à la vision initiale du bio. De plus, les
chiffres de BioWallonie (2018), nous indiquent qu’en 2018, 14% des exploitations agricoles
étaient en agriculture biologique, soit deux fois plus qu’il y a 8 ans, mettant en avant le
développement rapide de la filière. Notons qu’il existe peu de données représentatives montrant
l’évolution de la filière maraichère à l’échelle de la Wallonie.
L’évolution des pratiques maraichères lors ces 20 dernières années est marquée par l’avènement
de la culture biologique et de nouvelles pratiques de gestion des adventices comme par exemple
les biopesticides et des techniques plus raisonnées et durables.
2.3 Les catégories de maraichage en Wallonie
Selon la thèse de Dumont (2017) portant sur le maraichage en Wallonie on peut distinguer
différentes catégories d’exploitations maraichères en fonction de la superficie cultivée16.
Le maraichage sur petite surface (MPS) se caractérise par une superficie d’exploitation inférieure à
2,5 Ha et propose une grande diversité dans le choix des cultures. Dumont observe dans son
travail que les maraichers sur petite surface en conventionnel sont quasi inexistants, ou exercent à
titre d’activité complémentaire. En effet, presque tous disent respecter le cahier des charges bio.
En ce qui concerne la commercialisation des légumes, les producteurs MPS vendent
essentiellement en vente directe à la ferme ou sous forme de panier ou sur les marchés.
L’augmentation de l’offre globale de paniers de légumes a toutefois poussé les maraichers à se
tourner vers des organisations de ventes collectives, comme par exemple les coopératives de
vente en C.C. (Dumont, 2017).
Le maraichage de moyenne surface (MMS) comprend des exploitations généralement comprises
entre 2 et 10 ha et propose souvent une grande diversité dans le choix des cultures. Ce système
est capable de fournir un volume de produits plus important offrant de la sorte aux maraichers
une plus grande autonomie financière et technique. En ce qui concerne les canaux de ventes,
ceux-ci sont relativement similaires au MPS. On peut toutefois ajouter la vente au détail comme
élément supplémentaire.
Le maraichage de grande surface (MGS) correspond à des surfaces entre 12 et 38 ha avec des
cultures moins diversifiées. Ce système de production se caractérise par des pratiques fortement
15 Le « bio-industriel » est généralement porté par la grande distribution. Les agriculteurs lui reprochent notamment son manque de cohérence sur le plan environnemental et socio-économique. 16 Notons que la production en grande culture (PGC) est aussi présente, mais ne nous intéresse pas dans le cadre de ce travail, ce type d’exploitation ne se retrouvant pas dans les coopératives de ventes en C.C.
25
dépendantes de techniques mécaniques tant en agriculture conventionnelle qu’en agriculture
biologique. Une grande partie de ces exploitations vendent en circuits longs ou aux
supermarchés et ne s’intègrent pas dans les coopératives de vente en C.C.
Ces trois catégories sont composées de maraichers au sens strict dans la mesure où les rotations
culturales sont composées de rotations exclusivement composées de légumes.
3 Les biopesticides
Nous avons décidé d’aborder plus spécifiquement la pratique d’utilisation des biopesticides en
culture maraichère. Dans le cadre de ce travail, nous n’aborderons pas les aspects techniques liés
aux fonctionnements des biopesticides. Nous nous limiterons à donner un aperçu succinct de
cette pratique et nous dirons pourquoi cette pratique des biopesticides suscite des controverses.
3.1 Définitions
L’attention mondiale portée aux impacts des pesticides chimiques17 sur les écosystèmes et la santé
a conduit les spécialistes à explorer de nouvelles approches et à innover dans la protection des
cultures. La transition dans laquelle s’est engagée l’agriculture mène progressivement à
l’intégration de nouvelles pratiques (Gerbore, & al, 2013), (Singh, 2014). Les biopesticides ou
agents de biocontrôle permettent de répondre à ces attentes et leur développement est
encouragé.18
Depuis les premières homologations d’agents de lutte biologique 19 dans les années ‘80 par
L’Environmental Protection Agency (EPA), ce marché s’est considérablement développé.
Notons que, le recours à l’utilisation des biopesticides n’est pas une nouvelle pratique ; déjà au
7ième siècle avant J-C., des fermiers chinois utilisaient des plantes afin de protéger leurs cultures
contre les nuisibles (Leng & al, 2011). Plus récemment, l’utilisation et le marché des biopesticides
se sont intensifiés avec l’interdiction d’utilisation de pesticides20 mentionnée dans le cahier des
charges bio.
Actuellement, il n’existe aucun consensus sur une définition officielle des biopesticides en
agriculture (Seiber & al. 2014)(Chandler et al., 2011). Les définitions varient en fonction des
17 La Belgique est l’un des plus gros consommateurs européens de produits phytopharmaceutiques si l’on tient
compte des utilisations en rapport avec la superficie agricole utile (Eurostat, 2014). C’est notamment dans le secteur agricole que l’utilisation des PPP est la plus marquée en Région Wallonne (SPW, 2017). 18 Le développement des biopesticides est encouragé par l’EU : The Regulation (EC) No. 1107/2009, Art.2 19 La lutte biologique peut se définir comme telle : « toute forme d'utilisation d'organismes vivants ayant pour but de limiter la pullulation et/ou la nocivité des divers ennemis des cultures » (Jourdheuil & Fraval, 1991). 20 Règlement (CE) n° 889/2008 de la Commission EU, relatif à la production biologique.
26
agences de contrôle territoriales (Villaverde & al, 2014). Il y a diverses définitions qui coexistent
en fonction des intérêts défendus par les différents acteurs. Dans notre travail, nous nous
baserons sur la définition donnée par l’Institut National de la Recherche Agronomique (INRA) :
« Le terme biopesticides matérialise un ensemble de méthodes de lutte contre les ravageurs et maladies des cultures,
telles que l’utilisation de microorganismes, de métabolites bactériens, des pesticides naturels dérivés des plantes, des
phéromones d’insectes, et de nématodes entomophages. » (INRA, 2015).
Ainsi, sous le vocable « biopesticides », se regroupent différentes notions et concepts parfois fort
similaires qui portent à confusion 21 . Car ce terme englobe de multiples aspects de la lutte
antiparasitaire. On distingue généralement 3 types de biopesticides selon leur nature.
Les biopesticides microbiens, comprennent de nombreuses variétés de microorganismes : les
bactéries, les champignons, les oomycètes, les virus et les protozoaires (Deravel, & al 2014). Par
exemple, le Bacillus thuringiensis spp souvent appelé BT est une bactérie qui produit des toxines, et
une fois mise en contact avec la plante, elle tue les chenilles et ce, sans avoir d’effets négatifs sur
les autres axillaires. C’est le biopesticide le plus commercialisé (Beaudelot & Henrotte, 2017).
Les biopesticides végétaux, on peut citer par exemple, la Pyréthrine une substance extraite des
fleurs de chrysanthèmes qui attaque le système nerveux des insectes. Cet insecticide nécessite
d’être utilisé avec précautions car il tue d’autres auxiliaires de cultures comme les abeilles. De
plus, il est toxique pour les organismes aquatiques (Beaudelot & Henrotte, 2017).
Les biopesticides animaux ou semi-chimiques « sont des signaux chimiques produits par un
organisme et qui changent le comportement d’individus de la même espèce ou d’espèces différentes » (Deravel et al.,
2014). Ils comprennent des animaux et des dérivés de molécules de ceux-ci, des parasites et des
phéromones d’insectes. Par exemple, l’utilisation de la coccinelle ou d’acariens qui vont se nourrir
de certains insectes ravageurs de plantes bien précises. On peut aussi ajouter des produits
d’origine minérale qui sont plutôt utilisés dans l’agriculture traditionnelle. Comme par exemple le
soufre, utilisé pour lutter contre les maladies fongiques comme l’oïdium et les acariens et qui
empêche la germination des spores (Beaudelot & Henrotte, 2017).
3.2 Les enjeux
L’utilisation de biopesticides présente divers avantages pour les maraichers : ils sont moins
toxiques que les pesticides chimiques et ils diminuent les risques de développement de résistances
des organismes (Sellami & al, 2015). Ils aident à diminuer les externalités négatives sur la
21 Comme par exemple les notions de biostimulant et biofertilisant qui restent toutefois des pratiques différentes
27
biodiversité et améliorent la qualité de vie des travailleurs agricoles (Caron, & al, 2006).
Cependant la question de la toxicité des biopesticides fait débat, notamment l’usage des
phéromones, ou encore l’introduction d’auxiliaires exotiques qui peuvent créer des effets non-
intentionnels sur les pollinisateurs et la faune (Fayet, 2012). Dans ses travaux, Lambert (2014)
pointe aussi l’inconnu et l’incertitude quant aux effets néfastes des combinaisons de certains
biopesticides (Lambert, 2014). Afin de limiter ces effets non désirés, les biopesticides sont
homologués par des agences de réglementation qui ont pour mission d’établir des seuils
d’utilisation ainsi que l’impact de la toxicité sur l’environnement et la santé. Le mode d’action des
biopesticides est axé sur la prévention. Cette logique implique d’intervenir avec des biopesticides
uniquement quand cela s’avère réellement nécessaire (Beaudelot & Henrotte, 2017). En effet, les
biopesticides peuvent se révéler efficaces sur certaines problématiques ciblées et totalement
inefficaces sur d’autres. Cette grande spécificité d’action des biopesticides a une influence sur la
pratique d’utilisation qui peut fortement varier d’une exploitation à une autre en fonction
notamment des choix de cultures. De plus, comme l’efficacité des biopesticides est dépendante
des conditions climatiques, cela augmente la variabilité des résultats mais aussi de leur utilisation
(Gerbore et al., 2013)(Deravel & al., 2014). Par ailleurs, Lambert (2014) met en avant le rôle
déterminant du maraicher dans le dépistage des problèmes car aucun produit ne peut remplacer
l’œil du maraicher. En ce sens, une veille active sur les cultures grâce à des visites régulières
permet de réduire l’utilisation des biopesticides (Lambert, 2014).
Au vu de l’ensemble de ces éléments, on perçoit l’étendue des questions que les biopesticides
soulèvent. Il existe de nombreux débats dans la communauté scientifique sur la toxicité des effets
cocktail autour des biopesticides (Glare et al., 2012)(Lambert, 2014). Enfin, le fait qu’il n’existe
pas de définition officielle et que ce terme renferme une multitude de notions renforce la
confusion vis-à-vis des biopesticides. Ces substances ou organismes sont souvent assimilés
comme ayant un impact minime sur l’environnement ou la santé. Ce qui peut sensiblement guider
à des pratiques d’utilisations excessives et non réfléchies. Le Centre Wallon de Recherches
Agronomiques (CRA-W) rappelle la notion de relation dose - effet22 et l’importance d’utiliser les
biopesticides en adéquation avec les particularités de son exploitation. Toutes ces caractéristiques
font que c’est le producteur qui assume le rôle principal dans l’utilisation de cette pratique. Il
semble donc essentiel d’examiner de quelle manière la coopérative de C.C. et ses facteurs
d’influences peuvent impacter sur la pratique d’utilisation des biopesticides.
22 Comme disait l’alchimiste Paracelse : « Tout est poison, rien n'est poison : c'est la dose qui fait le poison ». Ainsi, le CRA-W rappelle que c’est la dose de biopesticides utilisée qui peut être dangereuse. (Beaudelot & Henrotte, 2017)
28
Partie 2 - Les coopératives Paysans Artisans et Agricovert et le cas des
biopesticides
4 Problématique et Hypothèses
L’existence d’un lien éventuel entre commercialisation en circuits courts et pratiques agricoles a
déjà fait l’objet de nombreuses recherches qui ont mis en avant l’importance des coopératives en
circuits courts comme étant des lieux d’échanges et d’expérimentations propices à l’évolution des
pratiques agricoles (Maréchal & Spanu, (2010)(Chiffoleau, 2012). Les différentes interactions
générées par les circuits courts permettent d’établir des arènes de confrontations d’expériences et
de cheminements intellectuels ou encore d’apprentissage des pratiques. Cette dynamique
relationnelle est favorable à l’apprentissage des pratiques (Chiffoleau, 2012). Toutefois,
l’importance et l’influence des coopératives de circuits courts restent variables en fonction du
contexte socio-économique et de leur ancrage territorial. La rationalité de l’individu et l’évolution
des techniques font qu’il semble pertinent de s’attarder sur un cas en particulier afin de mieux
appréhender la question des pratiques.
L’analyse des capacités d’influence des coopératives de vente en C.C. nous conduit à envisager un
résultat similaire pour le cas des biopesticides. Une pratique qui semble se développer et se
construire avec l’écologisation de l’agriculture, et qui fait partie intégrante du quotidien en
maraichage biologique (Seiber et al., 2014).
Nous formulons alors l’hypothèse suivante :
- H1 Les coopératives de vente en circuits courts influencent les pratiques de
maraichages et l’utilisation des biopesticides.
Comme nous l’avons déjà expliqué, l’apprentissage de savoirs et pratiques est entre autres lié à
l’engagement et la participation des producteurs dans la coopérative, à leur communauté de
pratique. La littérature suggère que les différents niveaux d’implication des maraichers dans la
coopérative permettent de construire une identité d’expérience favorisant l’apprentissage (Weber,
2005). Toutefois, ce mécanisme semble, dans certains cas, isoler ou discriminer certaines
pratiques des producteurs moins impliqués dans la coopérative (Maréchal & Spanu, (2010). Dans
un premier temps, on peut se demander si l’engagement des maraichers a une influence sur leur
propension à utiliser des biopesticides ? Ensuite, on peut aussi se demander si l’utilisation des
biopesticides favorise des pratiques plus écologiques ?
29
Ces deux réflexions nous amènent à formuler une seconde hypothèse.
- H2 L’engagement des maraichers dans la coopérative favorise-t-il le recours à
l’utilisation de biopesticides et à l’apprentissage de pratiques plus écologiques ?
5 Méthodologie
Ce point a pour but d’expliquer la démarche méthodologique qui a été utilisée pour réaliser la
collecte et l’analyse des données. Ainsi, pour tenter de comprendre l’influence des coopératives
de C.C. sur les pratiques de maraichages et sur l’utilisation de biopesticides, nous nous intéressons
à la dynamique collective des coopératives et ce notamment à travers un cadre d’analyse
multicritères. Celui-ci reprend différents facteurs d’influences que nous avons pu relever dans la
littérature. Les facteurs se limitent à l’organisation interne de la coopérative.
Pour ce faire, nous avons sondé des maraichers issus de deux coopératives distinctes installées en
Région wallonne. Deux coopératives structurellement proches ayant un but relativement
similaire, et dans lesquelles la divergence se marque au niveau des caractéristiques propres à leurs
maraichers. En effet, la coopérative Agricovert est composée exclusivement de maraichers
œuvrant en agriculture biologique alors que la coopérative Paysans Artisans intègre des
maraichers dits conventionnels ou raisonnés. La base des données utilisée dans ce travail a été
réalisée à partir d’entretiens semi-directifs comme définis par Kaufmann (1996) et axés sur
l’intégration et le rôle de la coopérative ainsi que sur les pratiques et notamment celles des
biopesticides. Cet outil a permis de recueillir les avis des différentes personnes interviewées ainsi
que leur ressenti sur le sujet.
Au total, huit maraichers ont été interviewés et enregistrés23 et ce, non sans mal du fait de la
charge de travail des maraichers sur le terrain. Afin de définir et de choisir les maraichers
susceptibles d’être sondés, un travail de prospection et des prises de contacts préliminaires ont été
nécessaires. Une fois le choix des coopératives opéré, il s’est avéré que la coopérative Paysans
Artisans ne comptait que neuf maraichers, dont plusieurs n’ont pas souhaité répondre à une
interview. Nous avons alors décidé de prendre en compte également les maraichers de la
coopérative Agricovert. Finalement, le fait de ne pas se focaliser sur une seule coopérative s’est
avéré très intéressant et plus représentatif de l’engagement pris par ces maraichers ce qui, à terme,
nous a permis une meilleure analyse des différentes pratiques utilisées. Au terme des interviews,
les entretiens ont été retranscrits et codés afin de dégager des pistes de réponses. A partir de la
23 Cfr : Annexe : Liste de personnes interviewées
30
lecture de ces entretiens et des notes, plusieurs catégories ont émergé et il a été possible de
dégager les différentes interactions, réalités et échanges de pratiques entre les différents acteurs.
Par la suite, et à l’aide de notre cadre d’analyse, nous avons analysé les résultats afin de démontrer
si oui ou non il était possible de fournir une réponse à nos hypothèses.
Entretiens et collecte de données
Les entretiens ont été concentrés sur les maraichers des coopératives Paysans Artisans et
Agricovert. Néanmoins, il est apparu intéressant de prendre en compte l’avis des acteurs faisant
partie de l’organisation des coopératives afin que ces personnes nous expliquent le
fonctionnement des structures de la coopérative et légitiment ainsi notre action auprès des
maraichers. A ce propos, le fait de mentionner que nous avions déjà rencontré certains
responsables rendait souvent les maraichers plus enclins à répondre favorablement à nos
demandes d’entretiens.
La réalisation des entretiens avec les maraichers est relativement complexe. Cela demande de la
détermination, de la compréhension et une forte implication. En effet, la période dans laquelle se
sont déroulés nos entretiens n’était certainement pas la meilleure. Entre avril et juillet, les
maraichers sont en pleine effervescence dans leur exploitation. Dans ce contexte, ils n’ont pas
énormément de temps à nous accorder pour un entretien ce qui explique le faible taux de
réponses tant positives que négatives.
Pour remédier à ces aléas, nous avons décidé d’aller directement à leur rencontre afin d’afficher
notre implication mais surtout engager un échange. Pour ce faire nous avons utilisé différentes
méthodes et avons participé à des activités diverses pour rencontrer un maximum de maraichers.
Comme par exemple des conférences organisées par Paysans Artisans24, des journées fermes
ouvertes chez des producteurs25 de la coopérative ou encore des journées de rassemblement des
producteurs chez Agricovert26. De plus, les maraichers sont des acteurs de terrain nous sommes
donc allés directement dans leur exploitation pour les confronter et leur expliquer in situ l’objectif
de notre travail. Il est arrivé parfois que nous donnions un coup de main en échange d’un
entretien. Le fait d’avoir vécu dans une exploitation de maraichage nous a aidé à appréhender et à
communiquer avec les personnes en amont des entretiens, mais aussi au cours des entretiens.
Une posture qui a facilité les échanges tant formels qu’informels.
24 Conférence Paysans Artisans : Paul Ariès - Lettre ouverte aux mangeurs de viande, 16/04/19, Namur 25 Ferme ouverte - Ferme des frères Jacquemart, producteur PA, 19/05/19 26 Journée de producteur Agricovert à Gembloux – 18/06/19
31
Finalement, notre échantillonnage est composé de quatre maraichers de chez Paysans Artisans et
cinq travaillant pour Agricovert. Il faut signaler qu’un des maraichers interviewés est présent au
sein des deux coopératives. Les entretiens effectués en deux temps sont très intéressants et nous
ont permis une comparaison des deux coopératives.
Si l’on regarde les modes de production des maraichers interviewés, on relève :
Chez Paysans Artisans trois exploitations en bio et une exploitation en transition (anciennement
en raisonnée) et chez Agricovert cinq exploitations bio. Des maraichers en agriculture raisonnée
n’ont pas pu être interviewés officiellement. Il a cependant été possible de les rencontrer et
d’échanger avec eux de manière informelle. Toutefois, notre échantillon semble représentatif des
maraichers présents au sein des coopératives.
Les entretiens se sont déroulés de manière semi-directive et à l’aide d’un guide d’entretien27. Dans
ce genre d’entrevue, les questions sont ouvertes et s’articulent autour d’un certain nombre de
sujets incontournables. Ce type d’interview laisse la liberté à la personne de décrire et de nuancer
son expérience, son expertise et son savoir (Giroux & Tremblay, 2009)
La réalisation des entretiens a exigé une implication qui va bien au-delà de la simple prise de
contact. Au travers, de ce cheminement nous avons pu aussi comprendre la réalité des pratiques
de maraichage. En allant directement à leur rencontre, dans leurs champs, on appréhende mieux
leur environnement et il est plus aisé de comprendre la manière dont la coopérative peut influer
sur leur travail. Par ailleurs nous avons constaté que les maraichers semblent plus à l’aise pour
échanger sur le terrain et de manière informelle.
Notons que les questions sur la thématique des biopesticides ne sont pas aisées. En effet, les
maraichers sont peu loquaces sur le sujet et nous avons ressenti énormément de méfiance de leur
part. Cette réticence, s’explique notamment par la difficulté d’établir un climat de confiance, vu la
brièveté relative des entretiens, par le manque de connaissances du sujet de la part des maraichers
ou encore par la banalisation de l’utilisation de biopesticides. Nous y reviendrons dans l’analyse
de nos données.
6 Cadre analytique
Plusieurs approches sont passées en revue et conceptualisées concernant l’influence des
coopératives de C.C. sur les producteurs et leurs pratiques. Les travaux de Laughrea (2014),
(2018) nous ont entre autres permis de faire ressortir plusieurs facteurs potentiellement
déterminants et pertinents pour notre étude de cas.
27 Voir Annexe III : guide thématique, étude de cas.
32
Les facteurs présents sur le schéma ci-dessous (fig.4) caractérisent la dynamique interne à la
coopérative et délimitent le cadre d’analyse de notre travail. Ces facteurs ne peuvent être analysés
de manière isolée et ce, à cause de leur interconnexion avec les autres domaines d’influence.
(Facteurs humains, organisationnels, économiques). Cette analyse croisée nécessite de
comprendre le fonctionnement des coopératives analysées, leurs finalités et le profil des
maraichers.
Par ailleurs, nous avons fait le choix ne de pas intégrer les facteurs externes à la coopérative dans
notre cadre d’analyse. Comme par exemple les facteurs politiques ou macro-économiques. Car
ceux-ci se retrouvent intégrés indirectement au travers des différents critères. Notons aussi que
lorsque c’est possible, il nous semble intéressant de pouvoir confronter les dynamiques de deux
coopératives étudiées.
Ici, le cadre d’analyse n’a pas pour but de faire une liste exhaustive des facteurs ayant une
influence sur les pratiques des maraichers mais plutôt d’essayer de comprendre comment ces
facteurs sont ressentis par les maraichers au quotidien au sein de la coopérative. Et ainsi de
déterminer si cela peut potentiellement influencer leurs pratiques et notamment celle des
biopesticides. Enfin, l’auteur de ce mémoire n’ayant pas de formation agronomique, cette étude
de cas n’a pas vocation à révéler des éléments techniques sur les pratiques d’utilisation des
biopesticides.
pratiques BioP
membres
engagement
confiance
interactions leadership
mécanismes de coordination
fonctionnement
Figure 4 : Schéma analytique des facteurs d'influences au sein des coopératives de circuits courts
33
En résumé, il s’agit plutôt d’essayer de comprendre et d’identifier des points d’influence des
coopératives. Un angle d’approche qui au travers des préoccupations et des discours des
producteurs, peut nous permettre de donner des pistes de réponses aux hypothèses énoncées.
7 Présentation du cas : Les coopératives Paysans Artisans et Agricovert
7.1 La coopérative Paysans Artisans
La coopérative « Paysans Artisans » a vu le jour en mai 2013 à Floreffe. Elle concentre avant tout
une multitude de petits producteurs et coopérateurs favorables à un changement de modèle
agricole et de consommation ; elle rassemble aussi des volontés et des ambitions autant
économiques que politiques et socio-culturelles. Paysans Artisans plaide pour le déploiement
d’une agriculture paysanne et coopérative dans laquelle, producteurs et consommateurs se
réapproprient leur alimentation. En 2019, la coopérative emploie 15 personnes et travaille avec
plus de 80 producteurs, 700 coopérateurs et autant de bénévoles. Ces personnes, dans l’ensemble,
sont désireuses de soutenir l’agriculture locale et de connaitre l’origine de leur alimentation. Pour
elles, connaitre, mettre un visage sur les producteurs est plus qu’appréciable.
Initialement le fonctionnement de la coopérative s’articule autour de la vente en ligne de paniers
de légumes et leur distribution aux points de R’aliment (PR). Ces 18 points sont tenus par des
bénévoles et les consommateurs viennent y retirer leurs commandes d’un peu partout dans la
Province de Namur principalement. Par la suite, afin de diversifier son activité économique et
élargir sa commercialisation à un public dit urbain, la coopérative crée un réseau de magasins de
type circuits courts à Namur et à Jambes. De plus, en milieu rural, la coopérative souhaite
favoriser le développement de magasins à la ferme en les approvisionnant avec des produits en
provenance d’autres producteurs de la coopérative.
Pour Benoît Dave, coordinateur et administrateur de la coopérative Paysans Artisans, le rôle de la
structure se décline en 3 axes, qu’il caractérise comme étant 3 métiers différents.
Le premier métier :
« On fait de la commercialisation en circuits courts de produits issus de l’agriculture paysanne en qualité différenciée
bio ou non et de produits transformés par des artisans […] ».
34
La coopérative ne vend pas exclusivement des produits labélisés ou Bio. Plusieurs types de
productions se côtoient : les produits labélisés bio, les produits bios non labélisés, les producteurs
en reconversion (bio) et les produits de qualités différenciées28. Le terme « qualité différenciée »
est un label officiel établi par la Région wallonne. Il définit un produit qui se distingue
notamment par sa qualité gustative, sa diversité variétale, le caractère familial de l’exploitation ou
encore son impact environnemental faible (SPW,b, 2017). Toutefois, dans le cadre du
maraichage, on parlera plutôt de produit issu de l’agriculture raisonnée 29 . Ainsi, même si la
coopérative se dit préférer les productions « bio » elle n’exclut pas les autres produits et tente de
communiquer au maximum sur les modes et techniques de production auprès des
consommateurs.
Le deuxième métier :
« …C’est d’animer un territoire et d’animer des réseaux de producteurs par filière ou globalement en mettant en
place des services, des outils de concertation partagés entre les producteurs ».
La coopérative regroupe différentes filières de production, comme par exemple les productions
d’élevage, productions laitières, de transformation ou encore de maraichage.
Cette filière de maraichage, qui nous intéresse plus particulièrement comprend 9 exploitations de
tailles variées qui ne dépassent toutefois pas le maraichage de moyenne surface (MMS). Dans le
but de favoriser les échanges entre les maraichers, différents outils tels que des réunions ou des
visites inter-producteurs sont mis en place.30
Enfin le troisième et dernier métier selon Benoît Dave :
« C’est un métier d’éducation permanente, de mobilisation citoyenne autour des enjeux de l’agriculture et de
l’alimentation autour de l’agriculture paysanne ».
Dans cet axe, la coopérative joue son rôle de communication ; en fédérant autour de l’agriculture
paysanne, elle organise de nombreux événements qui mettent en avant les producteurs et leurs
savoir-faire auprès des consommateurs.
L’intégration à la coopérative se fait en plusieurs étapes. Au lancement de la coopérative, c’est
essentiellement le coordinateur qui fait un travail de prospection auprès des producteurs en allant
à leur rencontre, et ce afin de les rassembler et fédérer autour d’un projet commun. Actuellement,
les maraichers qui demandent à intégrer la coopérative sont d’abord présélectionnés, notamment
28 Ce label s’applique plus particulièrement pour l’élevage ou encore les activités de transformation de produits. 29 La terminologie « raisonnée » est sujet à controverse car il existe des définitions variables en fonction des endroits et il n’existe pas de contrôle. 30 Entretien B.Dave, Coordinateur/administrateur Paysans Artisans. p-17
35
afin d’analyser s’ils correspondent aux valeurs du projet. Leur demande passe ensuite au conseil
d’administration (CA). Valentine, maraichère et membre du CA précise et souligne le fait qu’il n’y
a pas de critère bio, mais que les pratiques doivent être « raisonnées ».
La vision du terme « raisonnée » semble consensuelle entre les différents maraichers. Un mot
dépourvu de sens, qui tend à induire en erreur le consommateur. Valentine nous dit : « … voilà les
gens doivent être raisonnés. Pour moi c’est une ineptie. Maintenant ils disent expliquée … ça ne veut toujours rien
dire ». Une vision partagée par Cédric et Ann : « En Belgique, raisonnée ça ne veut rien dire. Des gens
mettent çà comme ça ils se verdissent. Il n’y a aucun contrôle en Belgique » ; « Toute l’agriculture est raisonnée ça
ne veut plus rien dire ». La coopérative communique sur cette ambiguïté afin d’expliquer aux
consommateurs cette terminologie qui correspondrait, dans les pratiques, à réduire et maitriser
son utilisation d’intrants. Toutefois, nous pouvons constater que pour les maraichers l’utilisation
de ce terme est susceptible de mettre à mal la transparence des pratiques prônées par la
coopérative.
7.2 La coopérative Agricovert
Agricovert est une coopérative à finalité sociale de vente en circuit court créée en 2011.
Contrairement à Paysans Artisans cette coopérative regroupe exclusivement des maraichers en
agriculture biologique. Ce sont 34 producteurs essentiellement des maraichers et presque 600
coopérateurs qui gravitent autour du projet. La coopérative milite aussi pour un retour à
l’agriculture paysanne de proximité mais s’axe plus spécifiquement sur le caractère écologique et
social des pratiques. Des convictions fortes s’articulent autour du respect de l’humain et celui de
son environnement naturel et social. En 2019, la coopérative comprend 22 emplois sociaux qui se
répartissent dans les différents lieux d’échanges et de travail d’Agricovert. A la base, la
coopérative commercialise essentiellement des paniers de légumes. En 2013, signe de son bon
développement, la coopérative décide de s’installer à Gembloux dans un entrepôt. Ce magasin
fait office d’espace logistique pour la vente des paniers mais aussi de lieu de vente directe aux
consommateurs. Plus qu’un entrepôt, ce lieu est décrit par les producteurs comme un véritable
lieu de partages et d’échanges de savoirs. De nombreux événements y sont organisés pour
permettre les rencontres entre les acteurs de la coopérative.
En ce qui concerne le maraichage, la quasi-totalité des maraichers sont labélisés Bio ou sont en
phase de conversion 31 . Notons qu’une grande partie des maraichers ont moins de 10 ans
31 La conversion d’une exploitation non bio à bio s’effectue sur 2 ans. La conversion est définie : comme étant le passage de l'agriculture non biologique à l'agriculture biologique pendant une période donnée, au cours de laquelle les dispositions relatives au mode de production biologique ont été appliquées (Biowallonie, 2016).
36
d’expérience dans le métier. Toutefois, la coopérative met à disposition différents outils
susceptibles d’aider les maraichers désireux de se lancer dans le Bio. Citons notamment l’ASBL
Crabe 32 qui fournit des conseils techniques et des formations aux maraichers pour les
accompagner dans leur apprentissage.
Les raisons d’affiliation à cette coopérative sont variées. Il ressort de nos entretiens que les
motivations d’adhésion tournent autour de deux axes : la différenciation des canaux de
distribution et le regroupement autour de valeurs partagées. Les maraichers sont donc mus par la
volonté de s’intégrer dans une communauté de pratiques ayant du sens et où l’homme occupe
une place centrale. Nous avons vu avec le modèle présenté par Laughrea (2014) qu’il est possible
de catégoriser les producteurs en fonction de leur engagement. Beaucoup de maraichers ont
adhéré au projet dès son lancement. Cette adhésion, à l’origine, semble favoriser l’engagement
mutuel des maraichers vis-à-vis de la coopérative. Pourtant, leur implication dans la coopérative
semble évoluer dans le temps. De ce fait, ils franchissent les frontières des catégories qu’on
pourrait leur attribuer, c’est à dire à la fois entrepreneur social, membre engagé ou membre
utilisateur33. Enfin, une autre raison d’adhésion qui est mentionnée est la possibilité de faire une
veille concurrentielle : « je pense inconsciemment, c’était important de se tenir au courant de ce qui se mettait en
place dans le secteur bio autour de moi, parce que ce sont aussi des concurrents … potentiellement ».34 Si le
fondement de l’intégration à une coopérative est l’action de coopérer, il n’en reste pas moins que,
dans le fond, les acteurs restent des concurrents.
7.3 Influences des coopératives sur les pratiques et l’utilisation de
biopesticides
Dans ce chapitre, nous allons successivement examiner les différents facteurs d’influences que
nous avons pu relever au travers des discours des maraichers interrogés.
7.3.1 Les représentations des biopesticides
La position et les perceptions quant aux biopesticides dans les discours des maraichers varient en
fonction de leurs pratiques agricoles et de leur environnement. Ainsi, dans les exploitations en
maraichages conventionnels ou raisonnés, le terme « biopesticides » semble être assimilé à
32 L’ASBL Crabe a pour objectif la formation à l’agriculture biologique des maraichages et agriculteurs en Wallonie au travers de diverses formations ou d’activités. 33 Cf Supra, 1.5 & fig.3 34 Entretien F.Istasse p-25
37
l’agriculture biologique35. Sans forcément avoir de connotations négatives, la compréhension du
terme biopesticides semble toutefois complexe. Pour les maraichers en AB les représentations
des biopesticides sont variables. Pour certains, les biopesticides relèvent de produits que l’on se
procure :
« Ce sont des produits agréés en certification naturelle et qui sont faits naturel et à base de plantes »36. Gage de
sûreté envers un produit agréé et certifié, les biopesticides sont censés être achetés auprès
d’entreprises reconnues. De fait, les maraichers ne peuvent nullement préparer eux-mêmes leurs
biopesticides à l’exception des préparations à base de consoude et d’ortie.
Pour d’autres, les biopesticides soulèvent une certaine forme de méfiance car ils sont assimilés
aux modèles productivistes en vigueur dans les grandes firmes. Ces maraichers, qui revêtent un
caractère plus militant, préfèrent n’utiliser les biopesticides que dans des cas extrêmes et
préparent eux même leurs solutions si nécessaire ou encore adaptent leur façon de travailler.
Mais de manière transversale, les deux coopératives invitent tous les maraichers à travailler de
manière structurelle et à réfléchir différemment sur leurs pratiques :
« Par exemple, l’Odium dans les concombres. On en a qui apparait. La première année on cherche vite
une solution curative, on va vite vaporiser du soufre. Fin de l’année, on fait un « débrief ». On va un peu se
renseigner, voilà il apparait dans telles conditions. Chaud- froid voilà, est-ce qu’on peut influencer ces facteurs ?
Peut-être on aurait pu plus ouvrir les serres, y a des variétés plus sensibles que d’autres on va aussi travailler là-
dessus »37, notamment en se focalisant d’abord sur le traitement préventif plutôt que curatif. Une
logique qui vise à réduire l’utilisation de biopesticides. Toutefois, certains problèmes qui
apparaissent chaque année de manière récurrente nécessitent le recours aux biopesticides ou autre
système de bio contrôle. Une démarche qui dépendra aussi du schéma de culture et de
l’exploitation. Selon les maraichers, « La taille de l’exploitation et la diversité des cultures jouent aussi
beaucoup sur les pratiques d’utilisation ».38 Les coopératives en plaidant pour le recours à des pratiques
structurelles semblent influencer indirectement l’utilisation de biopesticides. Toutefois, cette
influence n’est pas homogène et fluctue en fonction des réalités de l’exploitation des individus.
Par exemple, Jean-François met en avant le fait qu’il existe des manières de travailler tout à fait
différentes dans le bio. Nous avons pu catégoriser plusieurs profils : premièrement les maraichers
qui utilisent des biopesticides certifiés, deuxièmement ceux qui en utilisent occasionnellement
35 Seule une exploitation en agriculture raisonnée a été explorée. Il est donc impossible d’émettre des interprétations fiables. 36 Entretien P.Weber p-25 37 Entretien F.Istasse p-25 38 Entretien A.Van de Walle & J-F.Ramelot p-8
38
lorsque le traitement préventif n’est pas suffisant et troisièmement ceux qui utilisent leurs propres
préparations. Dans la coopérative Agricovert, le discours est variable quant à une potentielle mise
à l’écart quant à l’utilisation des biopesticides. Des réalités et des pratiques différentes qui
semblent néanmoins coexister et se compléter.
Chez Paysan Artisans, le fait de ne pas utiliser de biopesticides peut dans certains cas se révéler
discriminant pour les maraichers :
« Il faut être honnête ! On était parfois visé parce qu’on n’était pas en bio. Le fait d’être sans label, il y avait (entre
guillemets) ce côté « ce n’est pas la même chose que nous »39 ».
Ici, derrière cette non-utilisation de biopesticides c’est l’ensemble des pratiques du modèle
conventionnel qui semble visé. Une rupture qui peut pousser les maraichers à s’engager dans
d’autres pratiques de maraichages. Toutefois, comme nous l’avons vu ci-avant dans la partie
théorique, la conversion vers l’agriculture biologique n’est pas imputable exclusivement à l’action
collective, mais aussi aux trajectoires et au vécu des individus (Lamine et al., 2009).
Enfin, selon les maraichers, l’utilisation de biopesticides n’est pas une pratique qui pose
réellement problèmes dans la mesure où elle est autorisée en AB :
« Mais c’est autorisé dans le cadre du bio donc pourquoi on aurait à en rougir. Ce n’est pas un sujet qui
pose problèmes entre nous donc on n’en parle pas souvent. Mais ce n’est pas qu’on ne veut pas en parler… c’est
juste qu’on ne sent pas forcément l’intérêt ».
La question des biopesticides n’est pas perçue comme un sujet tabou. Cependant, même s’ils ne
suscitent pas un questionnement collectif, les biopesticides soulèvent des interrogations et des
préoccupations à l’échelle individuelle notamment sur les potentiels et futurs risques liés à leurs
utilisations, ou encore sur le caractère nocif de certains insecticides :
« Les biopesticides peuvent quand même aider, maintenant est-ce que, ce qui est autorisé à mettre en bio
maintenant on nous dira pas dans 10 ans vous mettiez de la merde (sic)… »40.
7.3.2 Facteurs organisationnels de coordination et de fonctionnement
Comme nous l’avons vu ci-dessus (pt.1.4), dans la théorie, il existe des mécanismes
organisationnels et de coordination qui sont susceptibles d’influencer les maraichers dans leurs
pratiques.
39 Entretien A.van de Walle p-7. 40 Entretien C.Spourquet p-6
39
En ce qui concerne les biopesticides chez Paysans Artisans, la vision de la coopérative n’est pas
explicitée ou définie dans les discours. Il n’existe pas de cadre restrictif imposé par la coopérative
vis-à-vis de cette pratique. Ce qui peut sembler normal, au vu de l’intégration de modes de
cultures conventionnels et biologiques. Cédric met en avant, une certaine forme de
désintéressement de la coopérative vis-à-vis de cette pratique : « ils s’en foutent. Si ils prennent des gens
en conventionnels ils s’en foutent des biopesticides »41. Il existe néanmoins une charte de fonctionnement
commune à toutes les filières mais aucune spécifique à la filière maraichage. La charte « générale »
est perçue par les maraichers comme une ligne de bonne conduite, un rappel aux valeurs
communes ou encore un outil de communication vers l’extérieur. Deux maraichers sont plus
nuancés dans leurs propos et pointent la nécessité mais aussi la complexité d’établir un cahier des
charges spécifique à la filière de maraichages :
« Ils essayent, enfin c’est …du dur labeur, quelque chose par filière. Donc avoir un cahier des charges pour le
maraichage. C’est la dernière filière à laquelle ils vont s’attaquer. Parce que c’est la plus compliquée. » Les
maraichers mettent en avant la possibilité de renforcement des processus de coordination avec
l’instauration de ce cahier des charges. Ils tentent en plus d’établir des planifications concertées
sur les cultures mais aussi particulièrement sur les pratiques.
Chez Agricovert, il existe aussi une charte qui peut sembler plus restrictive. Celle-ci interdit
l’utilisation de pesticides par les producteurs et ce, en les obligeant à de respecter le cahier des
charges de l’agriculture bio. Cette certification bio est une condition obligatoire d’adhésion à la
coopérative. De ce fait, les membres assimilent déjà cette conception des pratiques avant leur
entrée dans la coopérative et ne les perçoivent pas comme des éléments contraignants. La charte
de la coopérative permet d’établir des principes et quelques balises strictes liées aux pratiques de
maraichages. Par exemple, il est fait mention de respecter les rythmes naturels des plantes et cela
se décline notamment par l’interdiction de certaines techniques comme l’hydroponie 42 ou le
chauffage de sol (Agricovert, 2018). Toutefois, Jérôme évoque la particularité de la situation des
individus et le fait qu’il est peu envisageable d’être trop contraignant :
« On s’engage ! Enfin, il n’y a rien d’obligatoire. Tu vas voir 20 maraichers, tu as 20 manières de travailler
différentes, le contexte est différent, le type de sol, …. C’est difficile d’être exigeant, les moyens sont différents ».43
C’est aussi cette dynamique, très importante, d’engagement qu’Agricovert semble vouloir
favoriser au travers de cette charte. Notamment grâce aux systèmes participatifs de garantie
41 Entretien C. Spourquet p-5 42 L’hydroponie est « une technique de production hors-sol, cela signifie que les racines des plantes cultivées ne plongent pas dans leur environnement naturel (le sol), mais dans un liquide nutritif ». (Futura Science, n.b). 43 Entretien J.Henreaux p-24
40
(SPG) qui permettent l’élaboration du cahier des charges par les consommateurs et les
producteurs. Une étape supplémentaire qui permet à la coopérative de s’engager plus loin que le
bio, ce dont nous faisait part un fondateur de la coopérative :
« Mais je trouve maintenant que le cahier des charges bio devient un peu simpliste […] il y a plein de
chose qui vont derrière et qui n’est pas écrit dans la charte bio. Notamment le respect des travailleurs. Il n’y a pas
une ligne sur le côté social ».44
Finalement, cette charte et ce cahier des charges peuvent être vus comme des influences
normatives sur les pratiques qui restent minimes dans le cas de l’utilisation des biopesticides.
Néanmoins, ces outils semblent être un mécanisme renforçant le sentiment d’appartenance des
maraichers autour d’un système de représentations commun et partagé.
D’autres outils de coordination comme le plan de culture et la planification concertée semblent
avoir un impact non négligeable sur les pratiques des maraichers. Les planifications concertées
ont comme objectifs de coordonner les maraichers autour du prix de vente, du choix des
différentes cultures, et des objectifs. Chez PA la fixation du prix est libre, et chaque maraicher
l’établit en fonction de ce qu’il juge correct. Cette liberté permet de tenir compte des différentes
réalités de chacun mais génère de la concurrence et des tensions. Notamment du fait que certains
maraichers soient en agriculture biologique et doivent respecter un cahier de charges plus
contraignant.
Ann mentionne à ce sujet : « La concurrence est régulée par cette planification concertée, on est prioritaire sur
des productions ». La coopérative met en place un système où existe l’obligation d’avoir au
minimum deux producteurs par produits. Un mécanisme qui vise à éviter l’exclusivité et à garder
des prix cohérents pour l’ensemble des acteurs.
Dans la coopérative Agricovert, la planification va plus loin, en établissant un plan de culture.
Celui-ci vise à établir les produits spécifiques des maraichers en fonction des spécialités, des
maitrises, ou des surfaces, permettant ainsi de construire un schéma de production commun à
l’ensemble des maraichers. La coopérative met également en place cet outil dans l’optique de
réguler les tensions potentielles :
« On croit qu’il suffit de mettre les gens autour d’une table pour qu’ils se mettent à suivre des objectifs communs,
non ! La compétition on la gère notamment avec le plan de culture »45. Le fait d’être prioritaire sur certaines
productions va procurer un sentiment de sécurité. Donc si les maraichers obtiennent la certitude
44 Entretien F. Jadoul p-38 45 Entretien F. Jadoul p-37
41
de pouvoir écouler leurs produits, ils seront dès lors plus enclins à tester, en parallèle, d’autres
types de production.
« Il y a la place pour des initiatives dans de nouvelles sortes de cultures. Et du coup tu vises aussi un public
différent ».46 Ce genre d’outil de régulation et de coordination semble offrir un cadre propice à
l’expérimentation et à une diversité de configuration d’apprentissage autant dans le choix des
cultures que dans la mise en œuvre de pratiques comme par exemple celle des biopesticides.
Enfin, un autre point important à mentionner, est l’interconnexion qui existe entre d’une part les
choix de fonctionnement de la coopérative et d’autre part les pratiques de maraichages. Ainsi,
lorsque la coopérative opère le choix d’ouvrir des magasins en circuits courts, cela se répercute
directement sur les maraichers qui dans ce cas évoquent la possibilité d’écouler davantage de
marchandises, et par la même occasion de produire plus. En ce sens, cette logique d’accélération
de la production fait varier les pratiques et les maraichers paraissent plus disposés à utiliser des
biopesticides pour accroître leur rendement. Mais cette logique peut tout aussi bien aller dans le
sens contraire. On peut d’ailleurs citer Jean-François à ce sujet :
« A ce moment-là, ça a fortement influencé la façon de produire, parce que 600 paniers semaines, […] ça
a demandé une gestion de maraichages » et par la suite, « La démarche commerciale s’est fortement accentuée sur
le bio. Et donc, le bio s’est retrouvé accessible à tout le monde et le nombre de paniers de légumes a diminué. Du
coup ça a aussi influencé les pratiques chez les maraichers »47.
Les choix de fonctionnement des coopératives sont notamment liés aux évolutions du marché et
à d’autres enjeux économiques et commerciaux. Les maraichers sont concertés dans ces choix,
mais il n’empêche, ils sont forcés de s’adapter. Ainsi les membres ayant une forte dépendance
avec la coopérative se retrouvent plus fortement impactés dans leurs pratiques. Ce sont
généralement des exploitations de maraichages sur petites surface (MPS).
7.3.3 Les Membres (Les maraichers)
La théorie nous a montré, que la similitude des producteurs facilite la coordination et l’échange
de pratiques au sein d’une coopérative (Rallet & Torre, 2004). Dans la coopérative Paysans
Artisans, la logique de similitude entre les maraichers apparait comme modérée. En effet,
l’intégration de différents modes de production apporte une discontinuité dans les pratiques. De
ce fait, l’identité de la communauté semble se construire particulièrement à travers une logique
46 Entretien V. Jacquemart p-15 47 Entretien J-F.Ramelot p- 18
42
d’appartenance notamment, par le biais du répertoire48 et des objectifs que la coopérative partage
avec les maraichers « raisonnés » et bio.
Au sein de la coopérative Agricovert, la logique de similitude est forte au même titre que le
sentiment d’appartenance. L’engagement des maraichers peut être perçu comme double. Dans
un premier temps il s’agit d’une adhésion à la philosophie et aux pratiques portées par
l’agriculture biologique alors que dans un second temps on parlera plutôt d’un engagement en
faveur des valeurs et du système de fonctionnement de la coopérative. Ce double engagement des
maraichers favorise leur mise en relation. François maraicher à la fois chez Agricovert et Paysans
Artisans énonce des pistes qui peuvent nous aider à mieux concevoir le cadre dans lequel
s’inscrivent les maraichers :
« Chez Agricovert, l’ambition est… on veut mettre ensemble des maraichers, et avancer ensemble avec les
maraichers et que ce soit un outil à disposition des maraichers. Chez Paysans Artisans le moteur du projet c’est le
Conseil d’administration A. Donc plutôt des citoyens. Et ils ont des ambitions, ils veulent concurrencer la grande
distribution, c’est des ambitions beaucoup plus grandes »49.
Nous avons donc en présence deux coopératives de circuits courts avec une finalité commune,
mais avec des ambitions et des conceptions de fonctionnement qui s’avèrent différentes.
Au sein de Paysans Artisans, certains maraichers mentionnent la complexité de coopérer et de se
coordonner entre maraichers bio et raisonnés. Nous avons pu constater que ces difficultés ne
sont pas exclusivement attribuables à une diversité des modes de production des maraichers au
sein de la coopérative. En effet, la coopération relève aussi des affinités, des besoins et des
réalités de chacun. La discontinuité générationnelle est aussi un facteur pouvant expliquer les
difficultés à se coordonner et coopérer mais n’a pas lieu d’être dans notre cas (Wenger, 2005).
Toutefois, cette hétérogénéité des membres offre des opportunités et des ouvertures sur d’autres
pratiques. En effet, selon Mr. Henreaux, formateur en agriculture biologique pour le CRABE, les
échanges entre maraichers bio et conventionnels sont relativement faibles en dehors du milieu
des coopératives de circuits courts. La coopérative de C.C. permet donc d’établir des arènes de
rencontres entre les protagonistes. Une richesse relationnelle qui même si elle doit être encadrée
permet des apprentissages croisés sur les pratiques et techniques de maraichages :
« On discute, ils viennent voir nos pratiques. Mais c’est toujours une question de risque. Et donc ils osent
mettre en place des pratiques qu’ils n’auraient pas mises en place s’ils n’avaient pas de point de référence. Et à
l’inverse nous on peut aller chercher chez eux des pratiques qui sont plus de l’ordre de la mécanisation, des outils
48 Cf 2.1: Apprentissage des pratiques en milieu agricole 49 Entretien F.Istasse p-23
43
auxquels nous ont à peu accès parce qu’on n’est dans notre petite bulle de rêveur, enfin c’est une caricature. Mais
cet échange est quand même très intéressant ».50
Par ces échanges, les différents acteurs reconnaissent aussi les préoccupations et contraintes des
autres. Une mise en équivalence cognitive qui permet l’instauration d’un débat et un échange sur
les pratiques et les techniques de maraichages. Valentine qui a beaucoup échangé avec une autre
maraichère de la coopérative nous dit :
« Elle te dit tu dois faire çà … tu vois puis tu peux l’appliquer chez toi. C’est en le voyant. C’est un transfert de
savoir. Faire le nœud au bout des tomates c’est débile mais il faut le voir ». Des expérimentations collectives
relativement simples peuvent contribuer à initier des changements de pratiques.
D’une manière plus générale, la diversité des acteurs et de leurs pratiques au sein d’une
coopérative de C.C. semble bénéfique pour l’ensemble des individus. Les différents dispositifs de
mise en relation qu’instaure la coopérative semblent modifier la compréhension et les
représentations des pratiques. Ainsi, les maraichers bio peuvent adopter des postures plus
conciliantes vis-à-vis d’autres pratiques :
« Il y a des produits, mais y a des gens en conventionnels qui travaillent très très bien. Mais ils s’en foutent royal
des biopesticides ».51 A première vue, la pratique d’utilisation de biopesticides ne représente que peu
d’intérêt pour les maraichers en agriculture « raisonnée ». Toutefois, nos entretiens ont révélé que
les échanges et les interactions entre les différents acteurs autour de ces moyens de lutte peuvent
indirectement agir comme des leviers pour une amorce aux changements de pratiques. En effet,
en abordant la pratique d’utilisation des biopesticides cela semble, dans certains cas, enclencher
une remise en question du maraicher sur sa manière de travailler. Ainsi, de nouvelles
configurations de pratiques émergent progressivement.
Cette diversité de membres couplée au cadrage de la coopérative de C.C. laisse de la place pour
l’apprentissage et encourage les initiatives de transitions. Cette implication des membres dans une
dynamique collective, est d’ailleurs décrite par Bideau (2013) comme l’une des conditions
essentielles à la transition vers des pratiques de maraichages plus durables ( Bideau, 2013).
Ann, maraichère en transition en l’agriculture bio chez Paysans Artisans, nous a fait part des
raisons de ce changement et de l’influence de la coopérative :
« C’est vrai que quand on commence comme ça en bio, on n’a pas toujours accès, enfin on ne connait pas tous les
fournisseurs etc. » Le fait d’être mis en réseau avec des maraichers bio aide dans le processus de
transition. Toutefois, chez Ann le changement s’est fait de manière progressive :
50 Entretien J.Henreaux p-33 51 Entretien C. Spourquet p-5
44
« La majeure partie de notre production était en bio sans avoir le label. Et donc à un moment pour clarifier, on
s’est dit voilà, on passe en bio complétement et on prend la certification ». Cette volonté de clarifier ses
pratiques est une preuve de transparence envers les autres maraichers, les consommateurs et la
coopérative. Elle nous fait part du fait que cette initiative est soutenue par la coopérative :
« Oui oui, ils étaient demandeurs, c’est beaucoup plus facile pour eux. Pour le message ».
Comme nous l’avons vu dans la partie théorique, le passage en agriculture biologique accentue
fortement l’utilisation de biopesticides. De ce fait, en accélérant les processus de transition vers le
bio, la coopérative PA influence indirectement la pratiques d’utilisation de biopesticides par les
maraichers.
7.3.4 Les interactions
La fréquence des interactions entre les acteurs est supérieure au sein des dynamiques collectives
(Ostrom, 2009). Dans le sens où les coopératives mettent en place des dispositifs de concertation
à intervalles réguliers, elles deviennent des lieux d’échanges et d’interactions où les maraichers
peuvent se coordonner entre eux. Dans les deux coopératives étudiées, des réunions sont
organisées régulièrement offrant ainsi aux maraichers l’occasion de se rencontrer, de se concerter,
de discuter. L’importance de ces réunions ne fait aucun doute. Si elles sont le plus souvent
constructives, il arrive qu’elles soient quelques fois houleuses.
« On a plusieurs réunions dans l’année pour décider comment la coopérative doit évoluer et puis on a 2
réunions pour faire le plan de culture. Pour voir ce qui fonctionne et ce qui fonctionne pas. Voir ce que chacun
aimerait faire. Je pense qu’il y a assez bien d’échanges.52
C’est l’occasion de pouvoir échanger sur leurs pratiques, leurs exploitations et sur leur vision de la
coopérative. Dans la coopérative Paysans Artisans, la participation des maraichers à ces réunions
s’avère parfois compliquée : « Mais évidemment c’est toujours les mêmes types qui sont là … il y a des gens
ne qui sont pas intéressés en fait… »53. Comme nous en avons parlé dans la première partie de ce
mémoire, l’engagement et la participation sont deux notions distinctes mais fortement
dépendantes l’une de l’autre. Ainsi, un manque de participation aux réunions ne se traduit pas
forcément par un simple désintéressement des maraichers. Si l’on regarde à partir du schéma de
Laughrea (2018), il ressort que les maraichers ne se présentant pas aux réunions peuvent être
définis comme étant des membres utilisateurs ou fantômes. S’ils n’ont pas la même dépendance
52 Entretien J. Henreaux p-33 53 Entretien C. Spourquet p-7
45
envers la coopérative, ce manque de participation n’indique pas que leur engagement envers la
coopérative est forcément moindre.
Néanmoins, le fait que certains maraichers ne se montrent pas aux réunions semble générer, chez
certains, un agacement qui peut se répercuter sur les relations et indirectement ralentir les
processus d’échange et d’apprentissage.
Les réunions sont des dispositifs que l’on pourrait caractériser comme officiels dans la mesure où
elles sont planifiées. Mais il existe aussi de nombreuses interactions informelles qui permettent
aux maraichers d’échanger :
« … informellement aussi il y a certains avec qui on a plus de contacts que d’autres, on partage aussi des
techniques »54. Ces interactions se font notamment en marge des réunions et offrent une plus
grande liberté d’expression aux acteurs. Enfin, les coopératives organisent aussi des visites dans
les différentes exploitations des maraichers ce qui leur permet d’échanger in situ et d’avoir un
aperçu concret des pratiques utilisées par les autres membres.
Nous l’avons déjà signalé, la thématique des biopesticides n’est pas forcément abordée ou
débattue directement lors de ces différentes réunions. A ce stade, il semble intéressant de faire
une distinction entre la dynamique de la coopérative et celle des coopérateurs. A ce sujet Jérôme
nous explique ;
« La coopérative en soi ne va pas aider directement à une pratique ou à une autre, c’est simplement la
dynamique des coopérateurs qui en fonction d’un sujet vont en discuter. Mais ce n’est pas la coopérative qui va
lancer un sujet, ce sont les coopérateurs ».
Chez Agricovert, la gouvernance reflète une dynamique qui se veut participative et collaborative.
En effet, la coopérative essaye de maximiser les décisions émanant des acteurs de terrain. Les
maraichers possèdent des savoirs qu’ils souhaitent valoriser et il est intéressant d’en tenir compte
afin de prendre des décisions cohérentes et en adéquation avec leurs réalités. Cette gouvernance
permet de respecter les choix collectifs mais aussi d’amener sur la table des préoccupations
nouvelles. Le maraichage est un milieu qui évolue constamment, les techniques et pratiques se co-
construisent avec la société. « Tout le contexte commercial change, les techniques évoluent énormément, il y a
de plus en plus de produits disponibles. Il faut se tenir au courant et même de la législation. Il y a plus de lois. La
mécanisation change comme la non-mécanisation aussi. Le non-travail du sol, y a beaucoup de recherche là-
dessus ». La pratique d’utilisation des biopesticides pourrait donc tout à fait intégrer ces cercles de
discussions et d’échanges dans les années à venir.
54 Entretien J. Henreaux p-32
46
7.3.5 Le leadership
La coopérative peut s’avérer « être une arme à double tranchant » en ce sens qu’elle peut
améliorer les relations entre ses membres ou les détériorer. Frédéric mentionne l’importance
d’avoir un leader dans les dynamiques collectives dont le rôle sera, entre autres, d’intervenir,
d’arbitrer afin d’atténuer certaines divergences d’opinions :
« […] Il faut que la coopérative ait des balises de fonctionnement bien définies et une ou des personnes qui aient
suffisamment de leadership et de présence pour les faire respecter partout. »55. Ces hommes qui possèdent les
capacités et les atouts du leader aident aux respects et à la coordination de la coopérative. Ils sont
à la fois médiateurs dans des conflits d’intérêts, et mobilisateurs autour des valeurs et des
objectifs du projet. Ces leaders, grâce à leur capacité de communiquer, soutiennent les membres
dans la poursuite de leurs engagements envers la coopérative (Laughrea, 2014). Notons que
souvent le leader semble s’imposer naturellement par son charisme ou son statut. Toutefois, il
parait nécessaire de garder une dynamique où chaque maraicher reste capable d’intervenir et de
faire passer ses idées, d’où la nécessité d’une conciliation réussie pour garantir des échanges
constructifs sur les pratiques et les techniques.
Dans les deux coopératives étudiées, il ne semble pas y avoir de réel leader au sein des
maraichers. Certaines personnes paraissent se démarquer des autres en fonction de leur statut
(membres fondateur, responsable, etc.). Cela peut être attribué à leur niveau de participation et
d’engagement. En effet, « les membres engagés »56 plus activement vis-à-vis de la coopérative
apparaissent être plus actifs dans les dispositifs d’échange établis par la coopérative.
7.3.6 L’Engagement
Le facteur d’engagement a été abordé de manière transversale dans les points précédents.
Cependant, il est utile d’apporter quelques précisions. Dans la coopérative Agricovert, il existe, à
la base, un engagement mutuel des maraichers envers l’agriculture biologique. Cet engagement
engendre une certaine fierté d’être maraicher bio qui semble s’étendre bien au-delà de simples
enjeux économiques. L’appartenance à cette communauté de pratiques rassemble les maraichers
autour d’une identité commune. Cependant, l’engagement est un processus de négociation
continu et dynamique dans le temps (Wenger, 2005). Nous l’avons constaté dans nos entretiens,
l’agriculture biologique, ses techniques, ses pratiques et ses normes évoluent constamment
conduisant les maraichers à négocier, de manière permanente, le sens de leurs pratiques. De ce
56 Selon le modèle de Laughrea (2018)
47
fait, Agricovert permet de maintenir et de renforcer l’appartenance à cette communauté de
pratiques du « bio », notamment en favorisant la proximité des relations entre les maraichers.
L’influence de la coopérative sur les pratiques peut donc être perçue au travers du maintien de
l’engagement envers la communauté de pratiques du bio. Enfin, Agricovert peut aussi être
caractérisée comme étant une communauté de pratiques, selon les caractéristiques définies par
Wenger (2005). Elle vient s’imbriquer et coexister avec la communauté de pratiques du bio au
travers de processus complexes et là où une multitude de facteurs entrent en jeux, l’engagement
des maraichers évolue et se façonne.
7.3.7 La confiance
La confiance, essentielle pour le fonctionnement optimal d’une coopérative, peut être perçue à
différents échelons. Notons en premier lieu la confiance qui s’établit d’emblée entre les
maraichers et leurs pratiques. Ensuite, la confiance mise en place dans les processus décisionnels
des maraichers envers leur coopérative. Dans notre cas, les coopératives, grâce à l’élaboration
d’outils de coordination (chartes, réunions, visites, etc.), instaurent des dispositifs de confiance
relayés à l’ensemble des acteurs. Par ailleurs, les maraichers nous ont plus généralement exprimé
leur confiance quant aux pratiques de leurs confrères. Nous avons néanmoins pu relever un point
qui, dans certains cas, pourrait mettre à mal le niveau de confiance entre les maraichers, il s’agit
de la question de « transparence » dans les pratiques. A ce sujet Cédric nous dit :
« Si tu le fais pas en Bio ça n’a pas de sens. Maintenant il y en a ils arrivent à mentir aux gens, c’est de
la fraude, oui je dirais que c’est de la fraude. Quand tu dis que tu ne pulvérises pas et que tu vas pulvériser derrière
leur dos, moi ça ne passe pas ça »57.
Dans la coopérative Paysans Artisans, la confiance et les relations entre les maraichers sont
quelques fois altérées par l’ambiguïté autour des pratiques que soulève l’agriculture « raisonnée ».
En effet, certains maraichers engagés en agriculture « raisonnée » produisent pareillement en bio
et ce même sans avoir le label. Ils ne sont, étrangement, pas contraints de respecter le cahier des
charges bio et donc ils bénéficient d’une plus grande liberté dans leurs pratiques. Une asymétrie
entre les pratiques et la communication qui peut ne pas être spécialement volontaire mais plutôt
due à un manque de compréhension entre les acteurs. La coopérative, ici, peut jouer un rôle en
encourageant les maraichers à se faire certifier en agriculture biologique ; c’est une démarche qui
tend à clarifier les pratiques. De manière globale, la transparence qu’exige la coopérative vis-à-vis
de ses maraichers aide à maintenir un climat de confiance. Mais l’attitude des maraichers entre
57 Entretien C.Spourquet p-2
48
eux, voire plus largement, a aussi un impact sur le climat de confiance. Une multitude de facteurs,
et notamment ceux que nous avons mentionnés58 vont renforcer la confiance et par la même
occasion soutenir les interactions et les processus d’apprentissage des pratiques.
Les dispositifs de confiance au sein de la coopérative permettent aussi de comprendre les réalités
des individus. Valentine, nous parle du fait de reconnaitre et d’avoir confiance dans les capacités
de ses collègues. Il est donc important pour tous les intervenants de la coopérative d’admettre
que leurs capacités, tant économiques que techniques, peuvent parfois être limitées :
« Ce qu’il faut c’est le comprendre et se dire, ben voilà peut-être que moi, je ne sais pas faire de la carotte et je dois
avoir plus confiance à mon collègue qui a les capacités et le matériel. Moins d’orgueil »59. La confiance s’installe
dès lors qu’il existe un mode de communication et de compréhension vis à vis des pratiques des
autres. Ainsi, un maraicher qui utilise des biopesticides semble le faire pour répondre aux réalités
de son exploitation : « Moi, ça je ne me pose pas problèmes tant que j’ai confiance dans les pratiques de l’autre
maraicher ».
L’autre notion de confiance est celle qui s’instaure entre la coopérative et les maraichers. Il
apparait que certains maraichers ont le sentiment qu’ils peuvent influencer la coopérative, et de ce
fait, ils s’impliquent davantage dans celle-ci. Par le fait de se sentir écouté et grâce à une
participation accrue dans les processus décisionnels, la confiance entre la structure de la
coopérative et les maraichers se renforce naturellement. Jean-François explique :
« Oui, on a un poids d’écoute, un poids de respect, on se remet en question. On travail collégialement et on
s’écoute. » Cette confiance et cette écoute se répercutent dans l’évolution et dans la confortation
des pratiques des maraichers.
7.3.8 La place des pratiques dans les perspectives d’évolution des coopératives
La place du maraicher et de ses pratiques dans l’évolution future des coopératives est une
interrogation abordée au cours de nos entretiens. Certes, à l’heure actuelle nul n’est en mesure de
dire avec certitude quels chemins les coopératives emprunteront à l’avenir. Celles dont il est
question ici, en circuits courts, sont façonnées par des facteurs contextuels face auxquels elles
n’ont que très peu d’influence comme par exemple, certains facteurs externes comme les
habitudes de consommation mais aussi des facteurs internes comme des départs de certains
membres ou des changements organisationnels.
58 cf supra 1.4 59 Entretien V.Jacquemart p-13
49
La coopérative Paysans Artisans désire bien évidemment poursuivre son développement
structurel, logistique et économique et ce, notamment avec l’ouverture d’un magasin et de points
de ralliement supplémentaires. L’ambition comme évoqué précédemment est, entre autres, de
concurrencer le modèle de la grande distribution. Et ce, tout en gardant un ancrage local, avec un
projet porteur de sens pour les producteurs et les membres. Ces objectifs de développement ne
semblent pas être forcément partagés par l’ensemble des maraichers. On peut percevoir dans leur
discours une crainte fondée autour de la perte de sens du modèle initial, celui qui avait reçu leur
engagement c’est-à-dire le modèle des circuits courts et de la coopération. Dans ses travaux,
Rouget (2014) met en avant l’inquiétude des membres quant à un changement d’échelle des
coopératives de circuits courts. Les membres perçoivent des risques de dérive de la dimension
économique au détriment des facteurs sociaux et environnementaux (Rouget & al, 2014).
Dans le cas qui nous occupe, les maraichers comprennent la volonté de la coopérative de
s’agrandir et sont bien conscients des nouvelles opportunités socio-économiques que cela peut
générer. Ils acceptent volontiers cette dynamique de développement car elle va au-delà de simples
enjeux économiques et elle présente également une possibilité de pouvoir transmettre leurs
valeurs communes et de transposer le modèle des circuits courts à une échelle plus conséquente.
La coopérative est une vitrine de leur savoir-faire et dès lors, l’élargissement du champ d’action
des activités est perçu comme bénéfique pour les maraichers et leur exploitation. A ce sujet, Ann
nous partage sa vision :
« Paysans artisans ils veulent grandir. Nous on va peut-être ne pas grandir avec eux. Niveau surface on a
atteint ce que l’on souhaite. On va peut-être changer, plus se spécialiser dans une production ». […] On pense que
la coopérative à une taille suffisante par rapport au modèle ».60
Dans la perspective d’un agrandissement de la coopérative, les pratiques et techniques de
maraichages vont se trouver impactées notamment à travers l’évolution du plan de culture voire
au niveau de la demande en légumes auprès des maraichers, avec comme conséquence de
possibles modifications ou reconfigurations des exploitations. Cela risque de soulever quelques
problèmes car, comme le rappelle Ann dans son interview, les exploitations sont délimitées par le
Code de l’urbanisme, par le type d’exploitation, elles présentent des limites spatiales et techniques
et quelques fois des frontières dites idéologiques comme par exemple, le choix de vouloir garder
une exploitation à taille humaine.
De plus, la coopérative en s’agrandissant encourt le risque de s’éloigner de son modèle initial et
de se tourner vers une logique productiviste avec une hybridation du modèle entre identité
60 Entretien A. Van de Walle p-9
50
coopérative et développement économique (Rouget & al 2014). Selon les maraichers, il importe
de ne pas reproduire les circuits longs au niveau local. La multiplication des plateformes
logistiques sur un territoire doit se faire de manière cohérente avec le projet et les objectifs de la
coopérative. Valentine nous dit à ce sujet :
« Ils demandent toujours plus, et en même temps ils veulent des petits producteurs ce n’est pas un peu
contradictoire ? ».
En règle, la coopérative prône le soutient aux petits producteurs et c’est d’ailleurs l’un de ces
principaux messages. La question que nous pouvons légitimement nous poser est : à partir de
quel stade on n’est plus considéré comme un petit producteur ? La coopérative n’est pas explicite
à ce sujet. En demandant aux maraichers de produire plus, elle risque de les placer dans une
situation où ils seront amenés à opérer des choix allant à l’encontre de leurs valeurs voire à entrer
dans une dynamique de rendement. Par ailleurs, certains maraichers ne possèdent pas les
compétences requises pour répondre à des volumes de production supérieurs.
Nous l’avons vu, l’engagement est lié à de nombreux facteurs et notamment celui de la proximité
des interactions entre les membres (Konforti, 2011). Le développement de la coopérative amène
de nouveaux maraichers, ce qui fait évoluer le caractère de proximité des interactions et présente
une opportunité pour la création de nouvelles interactions et autres processus d’apprentissages de
pratiques comme celles des biopesticides. Néanmoins, pour certains maraichers, l’arrivée de
nouveaux producteurs fragilise l’engagement et tend parfois à isoler certaines personnes.
L’efficacité des outils de coordination tels qu’ils sont établis par la coopérative vise à minimiser
les comportements d’isolement et la baisse d’engagement.
Enfin, cet élargissement potentiel à un plus grand nombre de maraichers peut être perçu comme
une concurrence supplémentaire à venir pour les producteurs ayant une forte dépendance
économique vis-à-vis de la coopérative. Un élément abordé par Valentine :
« Je sais qu’il y a des maraichers (comme Cédric) qui vendent presque toute leur production chez Paysans
Artisans. Je peux comprendre que ce type il flippe de voir de nouveaux maraichers débarquer chez Paysans
Artisans».
Toutefois, nous l’avons vu, les mécanismes de décisions participatifs et collaboratifs visent
justement à limiter et à internaliser toutes ces inquiétudes. Les maraichers collaborent de manière
active dans le positionnement et l’évolution de la coopérative. Dans nos entretiens, la
conservation de l’esprit collaboratif semble un élément primordial et partagé par tous.
Chez Paysans Artisans, les producteurs parlent du fait de « grandir » comme caractéristique du
développement. Cependant, le développement d’une coopérative de C.C. peut aussi s’effectuer à
51
d’autres niveaux. C’est avant tout un développement personnel, centré sur la construction de
nouvelles relations, interactions et identités. Chez Agricovert, l’influence du développement de la
coopérative sur les pratiques de maraichages est quasi absente dans les discours. Nous n’avons
relevé que très peu d’éléments concernant l’évolution de la coopérative.
8 Analyse des résultats et interprétations
Après la présentation de nos résultats pour chaque facteur, regardons si ces éléments nous
permettent notamment de répondre à notre hypothèse (H1). Pour rappel :
H1 :« Les coopératives de vente en circuits courts influencent les pratiques de maraichages et l’utilisation des
biopesticides ».
Au vu des différents éléments relevés dans notre étude de cas, nous pouvons affirmer que les
coopératives de circuits courts influencent les pratiques de maraichages. Cette influence paraît
cependant plus marquée dans la coopérative Paysans Artisans où il existe une diversité de modes
de production. Cette dualité des modes de production, entre « raisonnée » et « bio », renforce le
questionnement des maraichers à propos de leurs pratiques et notamment celle des biopesticides.
Néanmoins, cette diversité des modes de maraichages semble, dans certains cas, fermer la porte
aux échanges entre les acteurs. Parfois, leurs interactions se révèlent problématiques et génèrent
des conflits qui tournent à la confrontation à cause des divergences idéologiques ou de pratiques.
La coopérative se voit donc dans l’obligation d’établir des arènes d’échanges et de délibération où
les échanges sont plus constructifs. En ce sens qu’elle instaure des dispositifs de coordinations
formels. Elle joue alors son rôle de médiateur et tend à minimiser les conflits et la concurrence
entre les acteurs. Toutefois, il ne suffit pas de mettre les maraichers autour d’une table pour qu’ils
collaborent et coopèrent. Une des tâches de la coopérative est de parvenir à mobiliser les
maraichers à s’engager autour d’objectifs communs.
Les maraichers éprouvent le besoin de se sentir écouté. Ils doivent percevoir leur capacité à
prendre des décisions et l’importance de leur rôle dans la définition des objectifs. Il semble
important d’internaliser leurs préoccupations de terrain dans les prises de décisions. Cela crée une
dynamique participative qui favorise l’engagement et le sentiment d’appartenance à une
communauté.
De plus, en renforçant la proximité des interactions, la coopérative fédère ses membres autour
d’un projet et d’une identité commune ; d’ailleurs, les acteurs se disent fiers d’être maraichers
chez Paysans Artisans. Les interactions établissent un climat de confiance et sont propices à une
attitude de compréhension mutuelle dans les pratiques des autres maraichers.
52
Enfin, la dynamique de la coopérative semble favoriser les initiatives de transition vers
l’agriculture biologique, renforçant ainsi l’apprentissage, l’expérimentation et l’utilisation de la
pratique des biopesticides. Toutefois, le fait que la coopérative demande des produits certifiés
« bio » peut se révéler pesant pour les exploitations en maraichage raisonné. Cette configuration
tend à accélérer les conversions vers l’agriculture biologique et prêche pour une uniformisation
des modes de production. La coopérative semble participer à la coordination des différents
processus de transformation des exploitations, à la fois dans les techniques, les pratiques mais
aussi par rapport à la conception idéologique des individus.
Elle crée un cadre et des limites à respecter, mais parallèlement elle permet aux maraichers de
franchir de nouvelles frontières. La mise en relations des différents facteurs d’influences nous
montre que la coopérative fait émerger de nouvelles représentations des pratiques chez les
acteurs.
Nous avons constaté, par exemple, une influence sur les pratiques chez Agricovert et avons
remarqué, au sein de cette coopérative, que la similitude des modes de maraichage semble être un
atout pour la coordination. Les maraichers appartiennent tous à la communauté de pratiques du
bio, de ce fait ils possèdent une meilleure connaissance des pratiques d’autrui. Cet élément aide
notamment dans l’élaboration d’un plan de culture qui impacte le choix des cultures, des
pratiques et des techniques de l’ensemble des acteurs. La ressemblance des maraichers les rend
davantage capables de comprendre les besoins et les compétences des autres exploitations. Dans
un autre registre, nous n’avons pas relevé de réelles tensions entre les maraichers au sein des
discours chez Agricovert. Ce climat peut s’expliquer par ce mécanisme de double engagement
autour des valeurs du bio et est renforcé par l’identité et la dynamique de la coopérative.
L’agriculture biologique bien que régie par un cahier des charges comporte une multitude de
façons de travailler. Plusieurs profils de représentations et d’utilisation des biopesticides ont pu
être relevés. Pour certains cela représente une forme de dépendance aux grandes firmes
phytosanitaires. Une pratique qu’il convient donc de limiter car cette vision peut traduire le
caractère plus militant de certains maraichers bio. Pour d’autres il s’agit d’une pratique qui n’est
pas remise en question car autorisée dans l’agriculture bio.
Ces différentes manières de concevoir les biopesticides et d’en faire usage sont propres aux
maraichers et aux caractéristiques de leurs exploitations (valeurs, superficie, types de culture, etc.).
Toutefois, la coopérative invite les maraichers à penser de manière structurelle leurs pratiques.
Elle encourage à travailler et réfléchir différemment, en élaborant, entre autres, une stratégie
d’amélioration continue et en privilégiant les traitements préventifs aux traitements curatifs. Une
53
logique qui invite les maraichers à essayer de comprendre l’origine des problèmes auxquels ils
sont confrontés dans leurs pratiques. Cette logique prônée par la coopérative peut sensiblement
faire varier la quantité de biopesticides utilisés.
On peut ajouter que la charte des coopératives a peu d’impact direct sur l’utilisation des
biopesticides car elle apparait comme un guide de conduite non normatif. Toutefois, elle figure
comme un répertoire partagé qui favorise l’engagement mutuel des maraichers et par la même
occasion l’apprentissage de nouvelles pratiques.
En conclusion, nous pouvons répondre positivement à la première hypothèse (H1), en affirmant
que dans notre cas les coopératives influencent certainement les pratiques de maraichages. Quant
à l’influence des coopératives sur la pratique des biopesticides elle existe également, toutefois elle
reste difficilement quantifiable. Dans notre étude, les biopesticides en tant qu’objet font émerger
de nombreuses réalités existantes entre les maraichers et les coopératives. Nous le constatons,
une coopérative n’est pas l’autre. Effectivement, si la pratique d’utiliser des biopesticides reste
faible chez Paysans Artisans en comparaison de l’utilisation faite chez Agricovert, il semble que
PA peut tout de même jouer un rôle important sur l’influence de cette pratique, notamment par
la plus grande liberté laissée aux maraichers dans leurs pratiques.
H2 : « L’engagement des maraichers dans la coopérative favorise-t-il le recours à l’utilisation de biopesticides et à
l’apprentissage de pratiques plus écologiques ? ».
Cette hypothèse secondaire avait pour but d’analyser l’influence de la coopérative au travers du
facteur de l’engagement des maraichers. Nous l’avons vu dans la littérature, l’engagement peut
stimuler les pratiques (Wenger, 2005). De plus l’engagement est un facteur central dans les
collectivités et les coopératives de C.C. (Laughrea, 2014). Toutefois, cette analyse multicritère a
mis en évidence l’interdépendance des différents facteurs d’influences. Les interactions entre les
maraichers, les mécanismes de coordination ou encore les intérêts des individus redéfinissent de
manière constante l’engagement des maraichers. De ce fait, il parait ambitieux d’étudier ce
facteur de manière isolée, ou du moins de pouvoir répondre à cette hypothèse avec certitude.
Nous pouvons toutefois émettre des pistes de réponses à cette hypothèse (H2). L’engagement
des maraichers dans notre cas peut favoriser l’apprentissage de pratiques plus écologique. Nous
l’avons vu dans la coopérative Paysans Artisans à partir du cas d’Ann.
Cette maraichère a décidé de réaliser une transition vers l’agriculture biologique pour plusieurs
raisons : pour clarifier et être transparente dans ses pratiques, mais aussi et surtout pour répondre
à une volonté de la coopérative. En effet, la coopérative ambitionnait ce changement et l’a
soutenu surtout parce qu’il s’inscrit dans les valeurs et les objectifs portés par la structure. Cette
54
transition vers des pratiques plus écologiques est donc liée à l’engagement d’Ann envers les
objectifs et les valeurs de Paysans Artisans.
Par ailleurs, notre analyse ne nous permet pas réellement d’affirmer que l’engagement favorise le
recours à une pratique précise comme celle des biopesticides. Toutefois, le cas d’Ann précité peut
nous fournir une piste de réponse puisque son engagement dans la coopérative l’a menée à la
conversion de son exploitation en bio et donc, par la même occasion à devoir respecter le cahier
des charges bio. Indirectement cela peut tendre à favoriser le recours à l’utilisation de
biopesticides.
Chez Agricovert, il est difficile de dire si l’engagement conduit à des pratiques plus écologiques
dans la mesure où tous sont déjà en agriculture biologique. Pour ce faire, il faudrait arriver à
déterminer quels modes de productions sont plus écologiques que le bio. Dans le discours des
maraichers, ceux-ci nous ont expliqué qu’il existe d’autres modèles qui se revendiquent comme
« allant plus loin » que le bio comme par exemple l’agroécologie, la biodynamie ou encore la
permaculture. Une question intéressante qui mérite que l’on s’y attarde dans le futur.
Concernant les biopesticides chez Agricovert, nous l’avons déjà abordé dans la première
hypothèse, l’engagement des maraichers semble pouvoir influencer leurs pratiques, dans la
mesure où leur engagement dans les valeurs de la coopérative les conduit à travailler de manière
structurelle et à réduire leur utilisation de biopesticides.
En conclusion, à la seconde hypothèse (H2), nous pouvons dire que l’engagement d’un
maraicher au sein de sa coopérative peut, dans certains cas, le conduire à l’apprentissage de
pratiques plus écologiques. C’est notamment le cas dans les coopératives où cohabitent différents
modes de production et où on incite à la transition. Par ailleurs, nous ne pouvons affirmer
l’influence de l’engagement des membres sur un recours favorable à l’utilisation de biopesticides.
Certaines pistes ont été avancées mais restent sujettes à des interprétations de relations causales.
9 Discussion
Après avoir décrit nos résultats, nous nous proposons, dans ce chapitre, de les discuter et puis
dans un second temps de fournir quelques réflexions sur les limites de ce travail. Abordons dans
un premier temps la question des biopesticides.
Nous l’avons constaté, la question des biopesticides s’est révélée moins controversée dans les
discours des maraichers que dans la théorie. La société se questionne sur cette pratique car il n’y a
pas de réel consensus sur la définition d’un biopesticide. Le terme « biopesticide » présente une
55
ambigüité lexicale qui tend à perturber les consommateurs dans le sens où les pesticides
connaissent une connotation négative alors que le bio présente une connotation plutôt positive.
Pour les acteurs de terrain cette pratique n’est pas perçue comme un tabou et il apparait que
chacun possède sa propre définition. Nous avons constaté que peu d’acteurs interviewés ont
réussi à donner une définition claire et précise des biopesticides et pour exprimer clairement leurs
visions sur le sujet, ils étaient encore plus confus. Toutefois, nous avons relevé que la question
des biopesticides peut diviser les maraichers à cause des différentes représentations qu’ils se font
de cette pratique. Elle peut inspirer de la méfiance étant donné qu’elle maintient une forme de
dépendance vis-à-vis de l’industrie phytopharmaceutique, ou au contraire, pour la même raison,
elle peut être perçue comme sécurisante.
De plus, comme de nombreux maraichers l’on mentionné, il n’y a actuellement pas de réel intérêt
à débattre autour de cette pratique. Il faudrait que les maraichers reconnaissent mutuellement les
biopesticides comme étant un problème pour amener cette thématique dans les arènes de
délibération. C’est un fait intéressant car on pourrait penser que des personnes de terrain, comme
les maraichers qui utilisent ces produits au quotidien, seraient plus sensibles à cette thématique et
plus particulièrement les maraichers se disant militant et en faveur de la non-utilisation d’intrants.
« L’utilisation de bio pesticides reste une pratique comme une autre » 61 . De ce fait, il faudra peut-être
attendre encore quelques années pour que la question de l’utilisation des biopesticides suscite une
potentielle remise en question de cette pratique. Ce sera sans doute le cas lorsque la construction
sociale des biopesticides soulèvera des incertitudes en matière de santé publique, d’alimentation et
de biodiversité.
En outre, le non-discours des coopératives de C.C. sur les biopesticides semble aussi révéler une
certaine forme d’influence quant à cette pratique. La coopérative de C.C., en renforçant les
interactions entre consommateurs et maraichers, peut aider à accélérer l’intégration de nouvelles
préoccupations chez les maraichers comme celle des biopesticides.
Enfin, les influences des coopératives de C.C. sur les pratiques vont au-delà de simples
mécanismes de substitution ou de reconfiguration de pratiques. Nous l’avons observé dans notre
cadre d’analyse, les coopératives de C.C. créent un cadre complexe qui pousse les maraichers à
négocier de manière constante le sens et les représentations de leurs pratiques. Les maraichers
expérimentent, partagent et créent des expériences qui façonnent leur identité. Ils ont la capacité
d’influencer la coopérative et d’être influencés par elle. C’est cette relation de conciliation entre
61 Entretien F. Jadoul p-38
56
les dynamiques des maraichers et celle des coopératives de C.C. qui peut être perçue comme
facteurs d’influence sur les pratiques.
Dans un deuxième temps, nous pouvons apprécier les limites de ce travail. Le cadrage analytique
utilisé dans cette étude s’est avéré adapté et cohérent avec la réalité du terrain. En effet, les
différents facteurs d’analyse ont bien été relevés dans les discours et ce, au sein des deux
coopératives étudiées. De plus, nous avons ajouté dans notre analyse un facteur lié à l’évolution
des coopératives, un facteur d’influence qui s’est retrouvé dans l’ensemble des discours mais que
nous n’avons pourtant pas directement intégré dans notre cadre d’analyse. En effet, ce critère
semblait très variable et incertain car lié aux perspectives d’avenir des coopératives.
Nous avons constaté que les ressentis et les expériences sur les biopesticides sont peu présents
dans les discours. Un échantillon de plus grande taille n’aurait pas forcément apporté plus
d’information sur les biopesticides, dans la mesure où ce sujet n’est pas perçu comme une
problématique « qui mérite qu’on s’y attarde ». Il aurait peut-être fallu adapter les entretiens en
deux temps. Une première partie, davantage formelle, avec un guide thématique, et une deuxième
partie de manière mobile, directement au sein des exploitations. En effet, les maraichers parlent
nettement plus de leurs pratiques lorsqu’ils sont sur le terrain. Le principal écueil de ce double
entretien est qu’il est difficile de réaliser une prise de note exhaustive dans ce type de contexte et
nous avons donc préféré y renoncer.
En outre, il aurait été intéressant d’interviewer des maraichers en agriculture raisonnée. Or, nous
n’avons pas reçu de réponses favorables à nos demandes d’entretiens. Heureusement, nous avons
toutefois pu interviewer des personnes en transition qui travaillaient, jusqu’il y a peu, dans le
modèle raisonné.
Enfin, nos résultats ne sont pas forcément transposables à toutes les coopératives de Circuits
Courts dès lors que celles-ci sont toutes différentes dans leur fonctionnement, dans les membres
qu’elles regroupent et dans les profils de ceux-ci. En outre, les coopératives s’inscrivent dans un
environnement contextuel distinct et dynamique. Remarquons toutefois que les résultats de la
première hypothèse s’appliquent aux deux coopératives étudiées. En tous cas, l’ensemble des
résultats donne un aperçu de l’influence des coopératives de C.C en Wallonie.
10 Analyse réflexive
Avant de conclure, il parait intéressant de porter un regard réflexif sur ce travail et sur les étapes
de son élaboration.
57
Travailler sur cette thématique m’a permis d’enrichir mes connaissances sur les pratiques de
maraichage. En allant sur le terrain avec les maraichers, j’ai pu, d’une certaine manière, prendre
pleinement conscience de ces processus d’apprentissages liés aux interactions entre des acteurs.
D’autres part j’ai moi-même pu expérimenter les différents facteurs d’influence du cadre d’analyse
en m’engageant au sein des coopératives. Mon implication paraissait indispensable afin que les
personnes acceptent d’être interviewées, m’obligeant parfois à être créatif et à sortir de ma zone
de confort. J’ai aussi participé à certains dispositifs mis en place par la coopérative que nous
avons énoncés dans notre travail comme par exemple des visites de fermes, des réunions ou des
journées dédiées aux acteurs des coopératives. En abordant les différents thèmes de mon guide
d’entretiens, j’ai pu constater l’importance des coopératives de C.C., auparavant, je ne remarquais
pas leur impact tant au niveau du territoire qu’au niveau des habitudes de consommation et des
pratiques des maraichers.
Dans le cadre limité de ce travail, je n’ai pu aborder, même succinctement, le rôle des bénévoles
et celui des consommateurs dans le fonctionnement des coopératives. Les uns et les autres
occupent une place capitale dans ce modèle de commercialisation, ce dont je n’avais pas
conscience en débutant cette étude. Par ailleurs, comme je l’ai mentionné au début de ce travail, la
filière de maraichage ne m’était pas inconnue au moment de commencer ce mémoire. Au fil de
mes recherches, mon respect vis-à-vis des maraichers qui travaillent pour nous fournir une
alimentation de qualité répondant aux enjeux de notre société, n’a cessé de grandir. Au travers de
cette étude, j’ai largement reconsidéré l’agriculture surtout dans son aspect « bio » et posé un
regard plus soutenu sur le système alimentaire allant de la production jusqu’à la commercialisation
Les enseignements méthodologiques et théoriques de mes cours m’ont aidé dans la réalisation de
ce mémoire, et de manière plus générale m’aideront dans la gestion des problématiques
environnementales futures. Mon intégration acquise dans ce milieu m’a permis d’avoir une
meilleure compréhension des relations sociales et des réalités des individus, et partout a facilité le
déroulement des entretiens avec les acteurs.
J’ai énormément apprécié pouvoir échanger avec eux tant sur le sujet de ce travail que sur
d’autres enjeux liés aux maraichages dans la région. Ces échanges, humains et porteurs de sens,
attestent à leur manière, l’importance de la transmission de savoirs entre les maraichers. Grâce à
cela, j’ai pu observer que le savoir profane représente bien souvent la base des pratiques de
maraichages. Celui-ci se transmet par les interactions et l’expérimentation et peut être favorisé
grâce aux coopératives telles que Paysans Artisans et Agricovert.
58
Conclusion
Dans la première partie de ce travail nous avons mis en évidence le rôle des coopératives de
circuits courts dans le développement de nouvelles dynamiques de proximité entre les différents
acteurs du monde agricole, et plus particulièrement les maraichers. Nous avons relevé de
nombreux avantages qu’ils peuvent en retirer : une plus grande autonomie économique, une
meilleure gestion du risque ou encore le renforcement des interactions. La coopérative de circuits
courts définit un cadre propice aux échanges sociotechniques, aux processus d’expérimentation et
à l’apprentissage des techniques et des pratiques. Nous avons mis en lumière différents facteurs
au sein des coopératives de circuits courts susceptibles d’avoir une influence sur les pratiques des
maraichers : des facteurs organisationnels, économiques et humains. Puis, sur base des différents
facteurs d’influence relevé dans la littérature, nous avons établi un cadre d’analyse pour notre
étude de cas axée en particulier sur la pratique des biopesticides. Celle-ci, omniprésente dans
l’agriculture bio, est sujette à controverse. Le cœur du travail résidait dans la réalisation
d’entretiens effectués dans deux coopératives distinctes en Wallonie : la coopérative Paysans
Artisans et Agricovert.
Dans la deuxième partie du travail, par le prisme d’un cadre d’analyse défini et par le biais
d’informations collectées lors des entretiens, nous avons tenté de répondre à l’hypothèse
suivante : « Les coopératives de vente en circuits courts influencent les pratiques de maraichages et l’utilisation des
biopesticides ».
En réponse à l’analyse des données, nous pouvons affirmer que les coopératives de circuits
courts étudiées influencent les pratiques de maraichages. En renforçant la proximité des
interactions, en créant des mécanismes de coordination efficaces, les coopératives de circuits
courts fédèrent autour d’un projet et d’une identité commune. Elles créent un cadre dans lequel
l’engagement mutuel et la confiance se répercutent sur les pratiques.
Concernant la pratique des biopesticides, on constate que l’influence des coopératives de circuits
courts est variable d’une structure à une autre et plus marquée dans les coopératives présentant
une hétérogénéité des modes production et des pratiques. La place laissée aux initiatives de
transition vers l’agriculture biologique semble renforcer l’apprentissage, l’expérimentation et
l’utilisation de la pratique des biopesticides. Par ailleurs, nous avons relevé plusieurs profils de
représentations et d’utilisation des biopesticides, propres aux maraichers et aux caractéristiques de
leurs exploitations. Les coopératives de circuits courts créent un cadre complexe et les maraichers
doivent négocier de manière constante le sens et les représentations des biopesticides. En outre, il
parait clair que la pratique des biopesticides ne suscite pas un questionnement collectif chez les
59
maraichers, mais elle révèle plutôt des interrogations et des préoccupations à une échelle
individuelle.
Enfin, nous avons aussi tenté de répondre à une hypothèse secondaire. Il n’a toutefois pas été
possible d’affirmer que l’engagement des maraichers au sein d’une coopérative de circuits courts
pouvait influencer l’utilisation des biopesticides. L’interdépendance entre les différents facteurs
d’influences rendant difficile d’étudier un facteur de manière is&olée.
Pour terminer, nous avons discuté des limites de ce travail, du fait que les coopératives de circuits
courts s’inscrivent dans un environnement contextuel distinct et dynamique, les résultats
présentés dans ce travail ne peuvent pas être transposables à toutes les coopératives de circuits
courts. Ils donnent néanmoins un aperçu de l’influence des coopératives de circuits courts sur les
pratiques - comme par exemple celle des biopesticides en Wallonie.
A l’avenir, les coopératives de circuits courts, portées par des enjeux socio-économiques et
guidées par un nouveau paradigme de consommation alimentaire, vont poursuivre leur
développement. Toutefois, elles devront veiller à ne pas trop s’éloigner de leur modèle initial et
ne pas être tentées de se tourner vers un modèle productiviste. Les coopératives de circuits courts
de demain seront-elles des modèles hybrides entre identité coopérative et rendement
économique ? Une question qui méritera que l’on s’y intéresse dans le futur.
Pour conclure ce mémoire, reprenons une phrase partagée par un maraicher, elle montre que
derrière les pratiques et les techniques, les coopératives sont humainement enrichissantes. Un
sentiment partagé personnellement qui nous a guidé tout au long de ce travail :
« Cette coopérative ce sont des reliefs d’acteurs et de pratiques qui sont exprimés dans un ensemble
commun. On travaille pour nourrir la population. Mais aussi pour le développement de l’humain, ç’est une autre
façon de nous nourrir. » Jean François Ramelot.
60
Annexes
Annexe I : Entretiens – Liste des acteurs
Acteurs
Coopérative Statuts
Cédric Spourquet
Paysans-Artisans Maraicher, Exploitation « Puravida »
Ann Van de Walle
Paysans Artisans Maraichère, Exploitation : « La ferme
du Goyet »
Valentine jacquemart
Paysans Artisans Maraichère, Exploitation : « Les
légumes de Valentine ». Membre du CA
chez Paysans artisans
Benoit Dave
Paysans Artisans Directeur de la coopérative PA,
Président ASBL 5C
Jean-François Ramelot
Agricovert Membre Fondateur d’Agricovert,
maraichers, Exploitation : « D’un
jardin à l’autre ».
Pierre Weber
Agricovert Maraicher, traiteur, Exploitation :
« La ferme de la Barrière »
Francois Istasse
Paysans Artisans & Agricovert Directeur de la coopérative « les trois
maraichers » Maraicher, Exploitation :
« Ferme Vevy Wéron »
Jerome Henreaux
Agricovert
Maraicher, Exploitation : « projet
Kampana ». Membre du Crabe et
agronome.
Frédéric Jadoul
Agricovert Maraicher, fondateur d’Agricovert –
A noter, que de nombreux autres producteurs ont pu être sondés de manière informelle,
notamment lors de conférences organisées par Paysans Artisans et lors de journées « portes
ouvertes » chez certains producteurs. De plus, voici les rencontres officiels supplémentaires :
Conférence Paysans Artisans : Paul Ariès - Lettre ouverte aux mangeurs de viande, 16/04/19,
Namur
Ferme ouverte - Ferme des frères Jacquemart, producteur PA, 19/05/19
Journée de producteur Agricovert à Gembloux – 18/06/19
61
Annexe II : Facteurs explicatifs de l’implication variables des producteurs
Figure 5 Source : Poison & al. (2010, p4)
62
Annexe III : Guide d’entretien
Guide d’entretiens semi directifs – maraichers
H1 : Les coopératives de vente en circuits courts influencent les pratiques de maraichages et l’utilisation
des biopesticides.
I) Thème individus, exploitation trajectoires
Types de production, raisonnée, bio
Liens familiaux à l’agriculture,
Parcours, formation
Question des trajectoires, sur quoi reposent ses choix ?
II) Thème Coopérative
L’entrée et l’affiliation à la coopérative pour que les personnes puissent se projeter dans le passé
et l’avenir - L’expérience ?
Qu’est-ce qu’y vous a motivé à rejoindre la coopérative ? Freins/avantages, inconvénients
Votre relation avec les autres coopérateurs, les interactions, la confiance,
La coopérative influence-t-elle vos pratiques de maraichages ? Réglementation, charte, cohésion ?
Coordination, fonctionnement ?
Est-ce que la coopérative valorise et conforte vos pratiques et techniques ?
Est-ce que vous avez, en tant que coopérateur et maraicher, une influence sur la coopérative ? -
Avis de la coopérative sur l’utilisation de la pratique des biopesticides.
III) Thème biopesticides, pratiques et techniques
Vos pratiques et techniques dans la gestion de vos cultures ?
Représentations des biopesticides
Etes-vous passé par une période de transition ? Description
Avez-vous toujours pratiqué la même technique face aux nuisibles ?
63
Vos pratiques actuelles dans la gestion des ravageurs
Utilisation de biopesticides, le choix de cette pratique
Changements quant à cette pratique ?
L’utilisation ou pas de biopesticides caractère discriminant selon vous ?
La relation avec les autres coopérateurs ? Comment êtes-vous perçu par les maraichers ?
Mécanismes d’apprentissage.
64
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