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FACULTE DE PHILOSOPHIE ET LETTRES
Analyse du cours métrage :
« Unseen Enemy » de David Wark Griffith
DUPIRE ARNAUD
000321919
ARTS-4C
ANNEE ACADEMIQUE 2013-2014
ESTHETIQUE ET PHILOSOPHIE DU CINEMA : Des origines aux cinémas contemporains - 1ère partie
CINE B 410
Titulaire : D. Nasta
Table des matières 1. Introduction ....................................................................................................................................... 3
2. Développement................................................................................................................................... 3
2.1 Montage ........................................................................................................................................ 3
2.1.1 Montage alterné parallèle .................................................................................................... 3
2.1.2 Raccords ................................................................................................................................ 3
2.2 Type de narration ........................................................................................................................ 4
2.2.1 Non-restrictive ...................................................................................................................... 4
2.2.2 Esthétique des attractions .................................................................................................... 4
2.3 Gestion du temps ......................................................................................................................... 5
2.3.1 Le suspens ............................................................................................................................. 5
2.3.2 Pluriponctualité .................................................................................................................... 5
2.3.3 Ellipse spatio-temporelle ...................................................................................................... 6
2.4 Gestion de l’espace ...................................................................................................................... 6
2.4.1 Profondeur de champ et plan fixe ....................................................................................... 6
2.5 Utilisation de différentes formes d’intertitres ........................................................................... 7
2.6 Composante sonore : subception ................................................................................................ 7
2.7 Jeu des acteurs : du sémaphorique au véri-similaire ............................................................... 7
2.8 Conclusion .................................................................................................................................... 8
Bibliographie .......................................................................................................................................... 9
1. Introduction
Dans ce travail nous analyserons « Unseen Enemy », un court métrage réalisé en 1912
par David Wark Griffith. Nous analyserons ce muet sonorisé à la lumière de quelques
concepts d’analyses clé vu au cours « Esthétique et philosophie du cinéma ». Afin d’être plus
clair quant à la référence à certains plans du film, il sera nécessaire de se référer au découpage
présent en annexe.
2. Développement
2.1 Montage
2.1.1 Montage alterné parallèle
Griffith marque son époque par de nombreux apports innovants quant aux conceptions
et techniques cinématographiques. Il se démarque de certaines techniques du cinéma primitif
en abandonnant quasiment la tradition de l’uniponctualité. Grâce au montage dit « alterné
parallèle », il apporte une réelle dynamique dans les enchainements de plans. Plusieurs
actions, se déroulant dans des lieux géographiquement différents, sont désormais montrées
alternativement dans un rapport de simultanéité. Le moment le plus évocateur se déroule des
plans 82 à 114. Dans un temps continu, le cross-cutting nous fait passer dans quatre lieux
différents : une pièce de la maison d’où téléphone la sœur ; le bureau d’où le frère reçoit
l’appel téléphonique; une autre pièce de la maison où la domestique et sa connaissance
essayent d’ouvrir le coffre ; l’extérieur situé près de la maison où attend le jeune amoureux.
Ce type de montage tend à donner une organicité à la narration. De plus, cette alternance de
plans a pour conséquence de délivrer du suspens, une notion que nous analyserons
ultérieurement.
2.1.2 Raccords
Pour assurer une bonne cohésion entre une succession d’espaces partiels (incluant
aussi la notion de temps) en un espace narratif unitaire, Griffith utilise différents types de
raccords.
Outre les raccords en « cut », les raccords d’entrée et de sortie de champ sont
fréquemment utilisés dans ce film. Naturellement, ces raccords induisent une direction donnée
par les personnages. Au début du récit, les sœurs se déplacent d’une pièce pour se diriger vers
une autre (plans 3 à 7). Ici, le raccord se fait par une logique de déplacement donné par la
marche des sœurs. Cela permet donc de donner une certaine continuité diégétique.
Un deuxième type de raccord est celui de l’objet. Le téléphone est un objet
fréquemment utilisé afin de permettre le passage à un autre plan. La scène des sœurs
séquestrées téléphonant à leur frère, situé dans son bureau, est le passage le plus long utilisant
ce type de raccord. Cela garantit la continuité de la suite dialoguée entre les personnages.
Un autre stratagème d’enchainement est l’indication par les personnages d’un objet
situé hors champ. Après avoir entendu les coups de révolver au téléphone, le frère quitte son
bureau et désigne un véhicule, situé hors champ, qui permettrait de se rendre à sa maison.
Tous les plans du film ne bénéficient pas forcément des raccords susmentionnés.
L’intertitre peut aussi être considéré comme une technique servant à raccorder différents plans
entre eux. Cependant, nous réservons son analyse dans la suite du développement.
2.2 Type de narration
2.2.1 Non-restrictive
Dans le court-métrage, l’espace utilisé n’est plus aussi restreint que dans les films de
la période primitive. Griffith essaye d’aller partout : intérieur de la maison ; extérieur devant
le champ de maïs ; bureau où travaille la connaissance de la domestique ; bureau où travaille
le frère ;… Il y a une réelle volonté de diversifier et de ne pas limiter l’espace filmique.
2.2.2 Esthétique des attractions
Afin d’attirer l’attention spectatorielle, Griffith use, dans sa narration, d’une logique
des attractions. Cette attraction s’opère par l’utilisation de différentes composantes.
La composante de mouvement d’action ponctue le récit et permet de donner une
dynamique à certaines scènes. On la ressent particulièrement lorsqu’après avoir roulé à toute
vitesse dans une voiture prise au hasard, le frère accourt en direction de la maison afin de
secourir les sœurs terrifiées (plan 125). L’attention spectatorielle aurait été bien différente si
le frère décidait de marcher à pas modéré.
La composante spectaculaire est un deuxième recourt esthétique visant à attirer
l’attention du spectateur. Le personnage de la domestique boit de l’alcool jusqu’à en être ivre,
prend un révolver et tire à deux reprises. Son ami qui tente d’ouvrir le coffre, place une charge
explosive qui, en détonnant, dégage beaucoup de fumée. Cet effet spécial a pour vocation
évidente de susciter une impression forte dans notre pensée visuelle. De plus, l’attention
spectatorielle peut être renforcée par le choix du plan. Dans le cas du révolver tenu à travers le
mur, Griffith choisit d’utiliser le gros plan afin d’accentuer notre attention.
Troisièmement, la composante érotique est utilisée lors de la scène où un jeune
homme, visiblement attiré par une des deux sœurs, essaye désespérément de l’embrasser. On
sent une attirance physique réciproque entre les deux personnages par le jeu de regard
aguichant, le gestuelle intime lorsque les personnages discutent,…
Dernièrement, nous trouvons aussi la composante de la violence. Une fois les sœurs
sauvées, le frère, le collègue de bureau et le conducteur du véhicule accourent vers les
malfrats qui tentent de s’échapper avec le butin. La connaissance de la domestique se fait
attraper par deux hommes tandis qu’au même moment la domestique, pointant son revolver
sur ceux-ci, se fait attraper par l’arrière et maitriser.
Toutes ces composantes attractionelles relèvent du cinéma primitif et permettent que le
spectateur se sente impliqué dans le récit.
2.3 Gestion du temps
2.3.1 Le suspens
Griffith comprend qu’il est possible de faire varier la vitesse de son récit. L’étirement
ou raccourcissement du temps se fait par l’utilisation du suspens. Ce film joue avec le temps
afin de créer une certaine dynamique. Le début est marqué par une lenteur dans le
déroulement des évènements. Ensuite, le rythme s’accélère à partir du moment où l’une des
sœurs téléphone au frère. Le véhicule est aussi à mettre en lien avec la vitesse. En effet, plus
la vitesse de son déplacement augmentera et plus la narration semblera s’accélérer. Pour
preuve, la présence du pont en mouvement est vue comme un obstacle entravant le parcours
du véhicule. Le temps semble alors plus long. Le suspens s’installe et force le spectateur à se
questionner sur la possible réussite ou l’échec de l’entreprise du frère : « Va-t-il réussir à
arriver à temps pour sauver ses deux sœurs ? ». C’est par l’utilisation de ces techniques que
nous pouvons affirmer qu’il s’agit d’une fiction à suspens.
La composante temporelle est à mettre en lien avec la composante spatiale. En effet, le
but à atteindre par le frère dépend du temps nécessaire à parcourir la distance entre le bureau
et la maison. Or ce temps peut être réduit en fonction de la vitesse à laquelle se déplacera
l’automobile. Ce qui implique de rouler plus vite. D’ailleurs, la sensation de vitesse est
donnée par le plan fixe dans le véhicule qui laisse apercevoir le sol défiler à toute allure.
2.3.2 Pluriponctualité
Ce métrage est réalisé à une époque où la tradition de la pluriponctualité prend le pas
sur l’uniponctualité. Pourtant, Griffith n’abandonne pas totalement l’uniponctualité. A titre
d’exemple, nous pouvons mentionner que la scène des sœurs devant le champ de maïs (plan
32) reflète certaines pratiques uniponctuelles telles que le « deep staging ». Il s’agit d’une
pratique théâtrale issue du cinéma des premiers temps. Sur le même plan, on voit le frère
prendre sa bicyclette, sortir du cadre vers la droite et pratiquement au même instant voir le
jeune homme entrer sur la gauche. Ce dosage temporel dénote d’une certaine efficacité
narrative. Tout ce passe en un plan.
2.3.3 Ellipse spatio-temporelle
L’utilisation d’ellipses, en tant que dosage temporel, est aussi une composante
intéressante à étudier. Les espaces que les personnages quittent et investissent ne sont pas
toujours contigus. Le passage des plans 5 et 6 révèlent l’utilisation d’une éllipse. Le frère
dépose son vélo sur la rambarde à l’extérieur et se retrouve à côté des sœurs à l’intérieur de la
maison le plan d’après. Nous sommes évidemment conscients de l’espace et du temps écoulé
durant le parcours du frère pour rejoindre ses sœurs. Le spectateur comprend que tous les
plans sont liés par le fil du récit. Le résultat donne un récit continu.
Mais tout ceci présuppose les choix personnels du réalisateur. D’une part, qu’il juge son
publique apte à comprendre naturellement ce mécanisme elliptique. D’autre part, qu’il juge
que ces plans se suffisent à eux-mêmes dans la compréhension spectatorielle.
2.4 Gestion de l’espace
2.4.1 Profondeur de champ et plan fixe
Selon Gian Piero Brunetta1, la profondeur de champ à proprement parler est la zone de
netteté de l’image et est également à mettre en lien avec la spacialité. Cette profondeur permet
d’apprécier le défilement d’un mouvement dans un espace donné. D’où, tout l’intérêt
d’utiliser la profondeur lors de scènes de défilement de mouvements, de poursuites,... Dans
« Unseen Enemy », on retrouve cette profondeur dans le parcours du véhicule dans le paysage
(plan 101). La netteté de l’image nous permet d’apprécier la distance que la voiture doit
parcourir dans le cadre.
De plus, le plan fixe est utilisé afin de renforcer cette sensation de distance. Comme le plan
est fixe, le véhicule vient imprimer son déplacement sur celui-ci.
1 BRUNETTA. G. P., « Constitution du récit et place du spectateur chez D. W. Griffith »,
dans MOTTET. J. et al. (dir), D. W. Griffith : Colloque international, Ed L’Harmattan, Paris,
1984, pp. 239-240.
2.5 Utilisation de différentes formes d’intertitres
Les intertitres sont nombreux dans ce court-métrage. Ils peuvent revêtir différentes
formes. Leurs rôles sont d’une importance capitale quant à l’emboitement organique des
évènements du récit.
La plupart de ceux-ci sont de type informatif à valeur anticipative. Les intertitres participent à
l’avancée de la narration : (« Brother […] places the money in the safe »; « The drink has its
effect »). Des informations géographiques peuvent être données (« Some distance away »).
Bien qu’approximative, elles permettent au minimum de comprendre que l’action ne se
déroule plus dans la maison.
L’intertitre apporte aussi une information temporelle (« They silence the children while they
work »). La notion de temps « pendant que » est à mettre en lien avec le type de montage
alterné.
La dernière forme est celle à valeur connotative. On décrit la situation familiale (« The
deceased Doctor’s orphans »), qualifie le caractère psychologique de certains personnages à
l’aide d’adjectif (« orphans tearfully view »; « The slattern maid ») et qualifie le caractère
physionomique de certains personnages (« The drink has its effect »).
Il serait intéressant de se questionner sur l’utilisation d’autant d’intertitres ? Il est
possible qu’un tel nombre reflète la volonté de ne laisser aucune zone d’ombre dans la
compréhension du spectateur.
2.6 Composante sonore : subception
Loin d’être muet, ce film nous transmet les sonorités par principe de subception. Le
spectateur reçoit des impressions auditives subliminales données par la force de l’image. Le
cas de la fumée dégagée par la déflagration des coups de révolver, l’explosion de la bombe
sont des cas d’images fortes. De plus, ces sensations sont renforcées par l’exagération du jeu
des acteurs (voir point 2.7). Le fait que les sœurs se cachent les oreilles témoigne du bruit
assourdissant de l’explosion.
2.7 Jeu des acteurs : du sémaphorique au véri-similaire
L’alternance du type de jeu des acteurs témoigne la période charnière dans laquelle se
trouve le cinéma de Griffith. Deux styles de jeux peuvent être dénombrés.
Le premier type est un jeu sémaphorique. Il s’agit d’un jeu proche du théâtre et hérité
de cinéma primitif. L’hyper-expressivité des personnages se traduit par une gestuelle
démesurée. Cette exagération a pour fonction de pallier le manque de sonorité du film et de
garantir la compréhension de spectateur. Le jeu de la domestique qui boit de l’alcool et
déambule tel une personne ivre en est un exemple. On veut faire comprendre que, par son
ivresse, celle-ci ira jusqu’au meurtre.
Deuxièmement, les personnages usent aussi d’un jeu véri-similaire afin de refléter la
réalité du comportement humain. Ce jeu est certes moins expressif mais cependant plus réel.
2.8 Conclusion
Cette courte analyse de «Unseen Enemy » a permis de révéler à quel point Griffith
s’inscrit dans un cinéma frontière. Un cinéma qui tend à s’éloigner de plus en plus de
certaines pratiques primitives pour se consacrer au renouvellement du langage
cinématographique d’un cinéma moderne. Avec le cinéma que Deleuze qualifie d’organique2,
Griffith tente de créer une narration homogène.
2 DELEUZE. G., Cinéma : 1. L’image-mouvement, Les Editions de Minuit, Paris, 1983, P. 47.
Bibliographie
BAKER. A., ELSAESSER. T., Early cinema : Space, frame, narrative, BFI Publishing,
British Film Institute, 1992.
BRION. P., D. W. Griffith, L’Equerre, Centre Georges Pompidou, 1982.
CHERCHI. USAI. P. and BOWNSER. E., The Griffith Project, British Film Institute, Vol. 6,
1999.
DELEUZE. G., Cinéma : 1. L’image-mouvement, Les Editions de Minuit, Paris, 1983.
MOTTET. J. et al. (dir), D. W. Griffith : Colloque international, Ed L’Harmattan, Paris, 1984.
Annexes
Annexes 1 : Découpage plan par plan
1 2 3
4 5 6
7 8 9
10 11 12
13 14 15
16 17 18
19 20 21
22 23 24
25 26 27
28 29 30
31 32 33
34 35 36
37 38 39
40 41 42
43 44 45
46 47 48
49 50 51
52 53 54
55 56 57
58 59 60
61 62 63
64 65 66
67 68 69
70 71 72
73 74 75
76 77 78
79 80 81
82 83 84
85 86 87
88 89 90
91 92 93
94 95 96
97 98 99
100 101 102
103 104 105
106 107 108
109 110 111
112 113 114
115 116 117
118 119 120
121 122 123
124 125 126
127 128 129
130 131