Post on 03-Apr-2018
7/28/2019 30-Alerte aux chiens.pdf
1/103
7/28/2019 30-Alerte aux chiens.pdf
2/103
7/28/2019 30-Alerte aux chiens.pdf
3/103
Ils surgirent du bois. Je courus aussi vite que pos-
sible, mais essayez d'y arriver avec une guitare sur le
dos ! E l le rebondissait sans cesse sur l'a rr ire de mes
cuisses.
C'tait un samedi aprs-midi, et des chiens me pour-
suivaient. Pourquoi y en a-t-il tant qui errent dans
notre ville ? pensai-je en essayant de les semer. Et
surtout, pourquoi en ont-ils toujours aprs moi ?
Les btes froces avaient d se poster la lisire du
bois, guettant mon passage, se rgalant l'avance enm'apercevant : Tiens, regarde qu i vient. C'est le
petit blond, tu sais, Larry Boyd. Allons lui mordre
les mollets !
Je glissai sur la neige. M alheur ! Je les sentis juste
derrire moi, prts m'attaquer. Ils aboyaient furieu-
sement, sans doute pour me faire mourir de terreur.D'ailleurs, la peur me donnait des maux de ventre.
Normalement, je ne crains pas les chiens, et mme je
les aime bien ! Mais je ne supporte pas quand ils
7/28/2019 30-Alerte aux chiens.pdf
4/103
sont en meute et qu'ils me prennent pour du gibier.
salivant, aiguisant leurs crocs pour me dvorer...comme maintenant !
Je trbuchai et m'enfonai jusqu'aux genoux dansune congre. Ils gagnrent du terrain.
Ce n'est pas de jeu, rlai-je intrieurement. Ils ont
quatre pattes, et moi deux. Et ils n'ont pas de guitare
sur le dos, eux !
Comme d'habitude, le molosse noir l 'air dmo-niaque menait la troupe. Les babines retrousses,
grognant rageusement, il arriva si prs de moi que jepus voir ses dents blanches, terriblement pointues.
- la niche, la niche , sales btes ! hurla i-je.
Cet ordre tait d'autant plus stupide qu'ils n'avaient
pas de niche !J'acclrai pour me dgager et drapai. Je repartis de
plus belle, mon cur battant fort. J'tais couvert de
sueur malgr le froid. C'tait la fin de l'hiver, mais il
faisa it mo ins c inq degrs ! Les yeux fixs droitdevant moi, je fis des efforts dsesprs pour courir
plus vite. Pas moyen. Je commenais avoir descrampes.
En fait, je n'en pouvais plus. Je tournai la tte et vis
les monstres qui traversaient les cours et les jardins
en bondissant dans la poudreuse. peine dix mtresnous sparaient !
- Al lez- vous -en ! F ic he z le camp ! hurlai-je. M a i s qu 'est-ce qu' i ls me veulent ? me l amen-
tais-je. Je suis pourtant un gentil garon de douze
ans, tout le monde le dit.
7/28/2019 30-Alerte aux chiens.pdf
5/103
La dernire fois, je m'en tais sorti en me rfugiant
dans une voiture en stationnement, juste au momento ils allaient me sauter dessus. Mais aujourd'hui, le
temps que j'ouvre une portire, ils m'auraient dj
aval !
Heureusement, je n'tais plus trs loin de la maison
de Lily. C'tait ma seule chance de leur chapper.Mais je butai sur une pierre dpassant de la neige !
Nooo oon !La caisse de la guitare passa par-dessus moi et
retomba avec un bruit mou. Je m'talai de tout mon
long, la tte la premire. Et j' at tendi s, rsign :
Cette fois, c'est bien fini. Ils vont m'avoir !
7/28/2019 30-Alerte aux chiens.pdf
6/103
J'tais sonn ! Je n'y voyais plus rien. Je me redres-
sai sur les genoux et secouai mes vtements tout
blancs. Les chiens aboyaient, affams.
- Taisez-vous ! ordonna une voix familire. Partez !Ils cessrent de hurler et se mirent grogner.
- Lily ! fis-je en essuyant mon visage.
Elle lana une boule de neige dans leur direction :
- Al lez-vous-en !
Les grognements se transformrent en un murmure
et les chiens commencrent reculer. Le meneurbaissa la tte et s'loigna lentement, suivi par les
autres.- Lily, mais... ils t'obissent ? m'exclamai-je en me
relevant.
- B i e n sr, Lar ry , tu sais b ien que je su is une
dure !En fait, Lily Vonne n'a pas l'aspect d'une coriace.
Nous avons le mme ge, mais elle parat plus jeune
que moi. Petite, mince et mignonne, elle a les
7/28/2019 30-Alerte aux chiens.pdf
7/103
cheveux mi-longs, avec une frange qui lui couvre lefront. Elle porte autour du cou une chane avec une
pice d'or, un cadeau de son grand-pre. Le plus
incroyable chez el le , ce sont ses yeux . Ils ne sont pas
de la mme couleur ! L'un est bleu, l'autre vert.
-J'espre que la caisse de la guitare est imper-mable, dit-elle en me la tendant. cet instant, la meute s'lana en aboyant aprs un
cureuil.- Je t'ai vu par la fentre, m'expliqua Lily. Pourquoi
en ont-ils toujours aprs toi ?
Je haussai les paules :
- Je me pose la mme question, tu sais. Mais je n'ai
pas de rponse.
Lily marcha devant moi. Nos bottes crissaient sur lesol enneig. Nous traversmes la route et arrivmeschez Li ly.
- Pourquoi es-tu tellement en retard ? s'tonna-t-elle
alors que nous entrions.
- J'ai d aider papa dblayer devant le garage.
J'tais tremp. Des flocons s'taient glisss sous machemise et l'eau coulait le long de mon dos. Je trem-
blais de froid. Je n'avais qu'une envie : me retrouver
bien au chaud dans la maison confortable de mon
amie.
J'enlevai ma parka et la suspendis dans l'entre.
Ar r iv dans le salon, je saluai Mar t in , John et Chr is-tine, nos trois complices. Agenoui ll sur le plancher,
Martin tripotait son ampli. Celui-ci mit un couine-
ment aigu qui nous fit sursauter.
7/28/2019 30-Alerte aux chiens.pdf
8/103
Martin est grand, trs maigre, avec un air espigle,
un sourire coquin et une touffe de cheveux noirs bou-
cls. Il a douze ans comme nous, mais il en parat
huit, surtout avec la casquette argent et noir qu'il ne
quitte jamais. Christ ine est un peu boulotte, et sa che-
velure frise est rouge carotte. Elle a des lunettes cer-
cles de plastique bleu. E nf in , John est b lond, petit etcostaud.
Martin me jeta un coup d'oeil et s'exclama, hilare :- H, v isez un peu la coupe de cheveux de La rry.
Vite, prenons une photo !
videmment, ils clatrent de rire.
Ils se moquent toujours de ma coiffure, de mes
grandes orei lles, et j ' e n passe. Je n'a ime pas trop a.
C'est sans doute pour cette raison qu'ils insistentautant. Ce n'est pas ma faute si j ' a i de beaux cheveux
chtain clair, longs et onduls !
La r ry le po il u ! lana L i l y .
Ils s'esclaffrent.
- Lar ry le po il u, L arr y le po il u ! chantonnrent-ils.
Je fis une grimace et, comme chaque fois qu'ilsscandaient ce stupide surnom, je devins rouge
comme une pivoine.
Enfin, part a, nous sommes de vrais amis et on
rigo le bi en . On a cr un groupe de musique qu i
passe son temps changer de nom. Cette semaine,
c'tait les Gants et, celle d'avant, les Esprits.En tout cas Gants sonnait mieux que Hu r -
leurs , le titre de l'orchestre que nous devions ren-
contrer en finale du concours, au collge. C'tait
7/28/2019 30-Alerte aux chiens.pdf
9/103
celui de Herv Harper, le batteur, et de sa sur
jumel le Mar issa, la chanteuse. Un jour, en classe, jeleur avais demand pourquoi ils ne s'appelaient pas
Marissa et les Hurleurs ?
- T u n'y comprends rien , m'avait rtorqu le frre.
Marissa ne rime avec rien, alors que Harper et Hur-
leurs, oui !
- Et Herv , avec quo i a rime, d'aprs toi ? Avecnavet !
Il m'avait rpondu en partant d'un grand clat de
rire. Quel nul !
Pers onne n' ai ma it les Ha rp er ! Po ur nous , les
Gants, une seule chose comptait : les battre cettefinale.
- Si seulement l'un de nous savait jouer de la basse !gmit John pendant qu'on s'accordait.
- Ou bien de la trompette, ou n'importe quoi d'autre
que de la guitare, dit Chr is tine en sortant la sienne de
son tui.- Trois guitares, a sonne super bien, surtout quand
on met le son fond ! dclara Martin.Christine, lui et moi tions guitaristes. Lily chantait
et John jouait d'un synthtiseur qui possdait dix
rythmes diffrents. a nous faisait une sorte de
batterie.
On s'entrana sur un air des Rolling Stones. Mais
comme John n'arrivait pas trouver le bon tempo,on finit par continuer sans base rythmique.
- A l l e z , on recommence depuis le dbut, dcidai-je
lorsqu'on eut fini.
7/28/2019 30-Alerte aux chiens.pdf
10/103
- M a i s pourquoi ? demanda Li ly . C'tait chouette,
non ?- On n'tait pas ensemble.
- C ' e s t plutt toi qui drail lais, intervint Ma rt in en
m'adressant une grimace.
- En f in , tu sais bien que Lar ry cherche toujours la
perfection, ironisa Christine.
- a, on est pays pour le savoir ! On ne peut jamaisaller au bout d'un morceau !
Je rougis de nouveau. Je voulais juste que a soit un
peu mieux. Et puis ce n'est pas un dfaut d'tre per-
fectionniste, non ?
- Le concours a lieu dans dix jours, fis-je remarquer.
Il est hors de question qu'on ne soit pas au point !
Je dteste tre mal l'aise. C'est ma hantise. Peut-tre mme plus que les brocolis bouillis ! Et ce n'est
pas peu dire !
On reprit donc le morceau. John joua l'introduction
avec son synthtiseur. Martin se chargea du premier
chorus, moi du second. Lily rata la note aigu, mais
sa voix est si douce et si mlodieuse que c'tait bienquand mme.
la f in , j 'aura is bien voulu qu 'on remette a, mais
j ' ta is sr qu' i ls m'auraient hach menu. Je fis donc
comme si c'tait gnial.
On joua deux heures d'affile, et a finit par sonner
juste, je dois avouer.Aprs la rpt i t ion, L i l y suggra qu 'on ai l le se
dtendre dehors. Le soleil tait encore haut. Le man-
teau neigeux tincelait dans la lumire dore.
7/28/2019 30-Alerte aux chiens.pdf
11/103
Nous nous courmes aprs dans le jardin situdevant la maison. Martin balana une norme poi-
gne de neige sur la casquette de John. Une fantas-
tique bataille s'engagea. Nous fmes vite puiss,hors d'haleine. Nous avions mal au ventre force
de rire.
Tiens , si on faisait un bonhomme de neige, pro-posa Lily.
- Bonne ide, il pourrait ressembler Larry, ajoutaChristine.
- Qui a dj vu un bonhomme de neige avec des che-
veux blonds ? plaisanta Lily.
- Dites, a ne vous ferait rien de m'oublier un peu ?grondai-je.
Ils faonnrent de grosses boules pour le corps. Johnessaya de faire monter Mar t in sur le sommet de l'une
d'el les et de faire rouler l'ensemble. M a is la boule se
dfit et Martin retomba lourdement.
Moi, je profitai de ce moment pour aller me prome-
ner dans la rue. Soudain, quelque chose attira mon
attention. La maison d' ct tait en pleine rnova-tion. Devant le perron, des vieilleries attendaient
qu'on les emporte la dcharge.
Curieux, je me penchai l'intrieur de la benne o
taient dposs les objets, et farfouillai dedans.
J'cartai une pile de carreaux de salle de bains, un
rideau chiffonn. Soudain, sous un tapis en jute, jevis une petite armoire pharmacie en mail blanc.- a alors, c'est chouette !
Je la sortis et l'ouvris. Elle tait pleine de flacons et
7/28/2019 30-Alerte aux chiens.pdf
12/103
de tubes en plastique. J'examinai tout a avec atten-
tion quand, brusquement, je tombai sur une boutei lle
orange.- Venez voi r un peu, criai-je mes amis . Venez vo ir
ce que j'ai trouv !
7/28/2019 30-Alerte aux chiens.pdf
13/103
- Venez admirer ma trouvai lle ! les appelai-je en
agitant la bouteille.
Mais ils taient trop occups terminer leur bon-
homme dans le jardin de Lily. Sauf Christine quiessuyait ses verres embus, comme d'habitude. Je la
rejoignis d'un pas dcid.
- M o n t r e , me dem anda -t- el le en remettant les
lunettes sur son nez.
ce moment les autres se retournrent, soudain int-
resss par mon flacon. Tout fier, je leur lus l'tiquette haute voix :
- B R O N Z E + , appliquez cette lotion et vous serez
bronzs en trois minutes.
- O as-tu dnich a ? s'cria Lily, les joues rosiespar la temprature glaciale.
Je montrai la benne du doigt :- Tes vo is ins ont fait le mnage. Ils ont je t cettebouteille alors qu'il reste encore du produit.
7/28/2019 30-Alerte aux chiens.pdf
14/103
- Super, on l'essaie ? proposa Martin avec son sou-rire coquin.
- Oui ! Lundi, on ira en classe tout bronzs, ajoutaChristine. Mlle Shilling en fera une tte ! On lui dira
qu'on est alls en Floride !
- N o n , aux Bahamas ! On fera croire Herv Harper
que les Gants y sont alls pour rpter.
L'clat de rire fut gnral.
- Tu crois que ce truc agit ? s'inquita John, devenusrieux.
- Il n 'y a pas de ra ison, estima L i l y . a ne se vendraitpas sinon !
Et elle attrapa le flacon :
- C'est vrai qu'il en reste. Gnial, on sera tous noirs.
A l lons -y !Nous la suivmes chez elle et jetmes nos manteaux
en tas dans l'entre. Une fois dans le salon, je
commenai rflchir. Et si ce produit est prim ?Si on devient jaune v i f ou vert ? On aura l'a ir fin au
collge ! Je me savais incapable d'aller au collgedans un tat pareil. Je prfrerais rester deux moiscach chez moi, jusqu' ce que a s'en aille.
Dans la salle de ba ins, les autres ne semblaient pas se
poser la moindre question. L i l y dvissa le bouchon etse remplit la main d'un liquide blanc et crmeux.
- H u m ! a sent rudement bon, g loussa-t-elle enl'approchant de son nez.
Elle se l'appliqua sur le cou, les joues et le front.
Elle reprit un peu de produit qu'elle tala sur ses
doigts.
7/28/2019 30-Alerte aux chiens.pdf
15/103
Ensui te, Mar t in s'en mit aussi sur les joues. Christine
fit pa re il et dclara que a procurait une agrablesensation de fracheur. Aprs elle, John vi da presque
tout le flacon et s'enduisit le visage.
Puis ce fut mon tour. Je pris la bouteille, pas trs ras-
sur. J'hsitais. Les autres avaient les yeux fixs sur
moi, attendant que je les imite.
Mais tandis que j 'agitais le BRONZE+ pour fairedescendre quelques gouttes, je dcouvris que l'ti-
quette comportait une phrase que je n'avais pas vue.
Et ce que je lus me fit dresser les cheveux sur la tte !
7/28/2019 30-Alerte aux chiens.pdf
16/103
- Larry, qu'est-ce qui t'arrive ? demanda Lily. Vas-y,
prends-en.
- Mais...
- Est-ce que je suis dj bronze ? gloussa Christine.- Pas encore, rpondit L i ly. Enf in , La rr y, qu'est-ce
que tu as ?
Je me mis bgayer :
-L ' t i qu et te .. . C'est cri t : Da te l imite d'ut i l isa-
tion, 1991 . Et nous sommes en 1997 !
Ils clatrent tous de rire. Dans la petite salle debains, a fit l'effet d'une bombe.
- A l l ez , dit L i l y , impatiente. Mme si c'est un peu
vieux, a ne va pas t'arracher la peau.
- Ne te dgonfle pas, gronda Mar ti n . No us , on l 'a
tous fait. toi maintenant !
- J e sens que ma pea u br onz e d j , a f f i r maChristine.
John et elle se regardaient dans la glace place au-
dessus du lavabo.
7/28/2019 30-Alerte aux chiens.pdf
17/103
- Allez, Larry, dpche-toi, m'ordonna-t-elle en me
saisissant le bras. Les dates de premption, a neveut rien dire.
Ils m'attendaient, et je commenais rougir. Je nevoulais pas qu'ils me prennent pour un lche. Alors,
je secouai la bouteil le, versai quelques gouttes dans
ma paume et m'enduisis soigneusement le visage etle dessus des mains.
Effectivement, c'tait frais et a sentait bon, commel'eau de Cologne de mon pre.Les autres applaudirent.
- Bravo ! fit John en me tapant dans le dos si fort queje fai l l is en lcher le f lacon.
On se bagarra pour s'admirer dans le petit miroir de
l'armoire pharmacie. Dans la bousculade, Martinpoussa John qui atterrit dans la douche.
- En combien de temps a agit ? s'impatienta Chris-
tine en s'examinant.
- a ne marche pas du tout, soupira Lily, due.
- C'est sr, dclarai-je, pensif. D'ailleurs l'tiquette
affirme que l'effet est presque instantan. Mais jevous l'avais dit, ce truc est prim. On n'aurait pas
d...
Le hurlement de Martin me coupa la parole. On se
retourna vers lui.
- Ma figure ! cria-t-il, les traits dforms par la ter-
reur. Elle s'en va en lambeaux.Ses mains leves devant ses yeux, il brandissait en
tremblant un lambeau de sa peau !
7/28/2019 30-Alerte aux chiens.pdf
18/103
- O h !
Un faible gmissement venait de sortir de la bouche
de Martin !Nous regardions ses mains dans un silence horrifi.
- M a peau, ma peau..., murmura-t-i l plaintivement.
Puis, tout coup, il sourit et partit d'un grand clatde rire !
Ce qu'il tenait n'tait pas un morceau de peau, mais
un petit bout de papier mouill.Il riait tellement qu'il le laissa tomber.
- Pauvre idiot, s' ind igna L i l y .
Furieux, nous le poussmes sous la douche et Lilys'apprtait ouvrir l'eau.
- N o n , non, ne faites pas a ! cria- t- il en continuant
pouffer et se dbattre. Stop ! Ce n'tait qu'uneblague.
Lily changea d'avis et recula. Nous jetmes un der-
nier coup d'oeil dans le miroir avant de sortir de la
7/28/2019 30-Alerte aux chiens.pdf
19/103
salle de bains, sans le moindre bronzage ni la
moindre couleur.Le produit n'avait pas agi.
On remit nos manteaux et on courut dehors pourachever notre bonhomme de neige. J'emportai la
bouteille et la lanai de l'autre ct de la rue.
Dans le jardin, je trouvai deux cailloux noirs pourimiter les yeux. Mar t in attrapa la casquette de John et
la plaa sur la tte de notre personnage, qui eut fireallure. C e la ne dura pas longtemps, car John la reprit
tout de suite.- Martin, il te ressemble un peu, ce patapouf, plai-santa-t-il. Mais en plus lgant...
Cette plaisanterie nous amusa beaucoup.
Un brusque coup de vent fouetta notre bonhomme,faisant tomber la tte qui se brisa.
- Maintenant, c'est vraiment to i, Mar t in ! renchrit
John.
Il prit une pleine poigne de neige et la balana sur
Christine, qui rpliqua. Il s'ensuivit une nouvelle
bagarre gnrale. Rapidement, le combat opposadeux camps : Lily et moi contre les trois autres.
Pendant un bon moment, nous les tnmes en respect,
parce que Lily tait trs rapide pour confectionner
des boules. Elle en faisait trois pendant que j'en pr-
parais une.
Bientt, on ne prit mme plus cette peine et ce futune bataille range. On attrapait des brasses de
neige q u 'on se jetait au visage. On se roulait par terre
ou on se pourchassait dans les jardins voisins.
7/28/2019 30-Alerte aux chiens.pdf
20/103
Nous rigolions comme des fous et nous avions chaud
malgr le vent glac.
Soudain, j'eus un malaise. La terre se droba sousmes pieds. Je tombai sur les genoux, ne pouvant
presque plus respirer. Le paysage blanc se mit tin-
celer. J'eus l'impression de m'vanouir.
- M a i s qu'est-ce que j ' a i , qu'est-ce qui m'arr ive ?
m'criai-je.
Je me sentais perdu.
7/28/2019 30-Alerte aux chiens.pdf
21/103
Le Dr Murkin tenait sa seringue hypodermique. Le
mtal brillait dans la lumire. Une petite goutte de
liquide vert s'coulait de la pointe effile.
- Inspire profondment et retiens ton souffle , medit-il doucement. a ne fera pas mal.
Il m'affirmait la mme chose chacune de mes
visites, c'est--dire tous les quinze jours. Je savais
bien que a n'tait pas vrai. C'tait toujours la mme
douleur.
De sa main libre, il me saisit gentiment le bras, le tintserr et se pencha si prs de moi que je pus sentir son
haleine de menthe frache.Je me dtournai, ne supportant pas ce spectacle.
Quand l'a igui lle pntra ma chair, je poussai un petit
cr i .
- a ne fait pas si mal, n'est-ce pas ? me questionnale docteur.- N o n , pas trop, rpondis-je bravement.
J'observais ma mre. Elle se mordait la lvre, le
7/28/2019 30-Alerte aux chiens.pdf
22/103
visage dform par l'angoisse. On aurait cru que
c'tait elle qu'on piquait. Pour finir, le Dr Murkinm'appliqua un coton imbib d'alcool sur le petit trou
laiss par l'aiguille.- a va aller , Lar ry . Tu peux remettre ta chemise.
Puis il se tourna vers maman et lui adressa un sourirerconfortant.
Le Dr Murkin a dans les cinquante ans. Il est trs dis-
tingu avec ses cheveux blancs coiffs en arrire, son
regard bleu et ses lunettes fumes carres. Bi en qu ' i l
mente froidement quand il dit que la piqre est indo-
lore, je pense que c'est un bon mdecin.
- Ce sont encore ses glandes sudoripares qui ne tra-
vaillent pas normalement, annona-t-il ma mre en
gri ffonnant des notes dans mon dossier. Il sur-
chauffe , et a n'est pas bon pour lu i. Pas vra i ,
Larry ?
- Ou i. .. , c'est vrai , bredouil lai- je.
En fait, je ne pouvais pas transpirer. Quand j'avais
trop chaud, je m'vanouissais brusquement. C'est
pour a que je devais voir le Dr Murkin si souvent. Ilme soulageait grce ses injections.
Notre bataille m'avait tellement captiv que je ne
m'tais pas rendu compte quel point j'avais chaud.
- Tu vas mieux , maintenant, mon chri ? s'enquit
maman comme nous sortions de chez le docteur.
- Oui, je suis en pleine forme.A r r i v la porte, je me retournai vers elle et lanai
brle-pourpoint :
- Maman, est-ce que tu me trouves chang ?
7/28/2019 30-Alerte aux chiens.pdf
23/103
- Pardon ? fi t-el le en me regardant de ses grands
yeux noirs.
- Je n'ai pas l'air bronz, par exemple ? continuai-je,
plein d'espoir.Elle m'examina avec soin.
- T u sais, Larry , tu m'inquites, dclara-t-elle avec
douceur. Je veux que tu te reposes quand on sera la
maison, d'accord ?J'acquiesai sans dire un mot. Manifestement, ce
B R O N Z E + tait pr im !
- Tu sais , on ne bronze pas facilement en hiver, fi t
remarquer maman tandis que nous traversions le par-
king enneig.
Lily m'appela aprs le dner :
- Tu te sens mieux ?
- a va, oui.
- T u sais , Herv et Mar issa sont passs aprs ton
dpart.
- V o u s les avez massacrs coups de boules de
neige, j 'espre !- Non, s'esclaffa-t-elle. Nous tions tous fatigus et
tremps. Quand ils sont arrivs, on tremblait dj de
froid.
- Est-ce que Herv a dit quelque chose propos de
son orchestre ?
- Il a achet un manuel de guitare, celui d'ric Clap-ton. Il affirme qu'ils apprennent de nouveaux airs, et
qu'ils vont nous battre plate couture !
- Il ferait mieux de rester la batterie, c'est le pire
7/28/2019 30-Alerte aux chiens.pdf
24/103
guitariste que j 'a ie jama is entendu ! Quand il joue, sa
guitare met des sortes de chuintements. Commentpeut-on la faire couiner comme a !
- Marissa couine aussi quand elle chante. Tu ne l'as
pas remarqu ? a ne l'empche pas de continuer.Nous rmes de bon cur.
- D is -mo i la vrit, repris-je, srieux. Tu crois queles Hurleurs sont bons ?
- Je ne sais pas, rpondit-elle, pensive. Herv bluffetellement qu'il est difficile de le croire. Il prtend
qu' il s pourraient enregistrer un C D . Et que son pre
veut fabriquer une bande de dmonstration pour
l'envoyer aux maisons de disques !
- Eh bien ! On devrait se cacher sous leurs fentres
pour les couter rpter et se rendre compte parnous-mmes !
- Soyons honntes, nous devons reconnatre que
Marissa chante bien. En fait, elle a mme une trsjo l ie vo ix .
Pas aussi jolie que la tienne !
- Bof ! Enfin, je crois qu'on s'amliore. Ce qui nousmanque, c'est un batteur !
- a, je suis bien d'acco rd , parce que l'instrument de
John est loin de jouer toujours au mme rythme quenous !
Nous continumes parler du concours pendant un
moment. Puis je raccrochai et m'assis mon bureaupour faire mes devoirs. J'eus fini vers neuf heures.
Ensuite, j'allai dans la salle de bains avant de mecoucher. Sous la lumire crue du plafonnier, je me
7/28/2019 30-Alerte aux chiens.pdf
25/103
contemplai longuement dans la glace. Elle me ren-
voya l'image d'un garon ple, sans une trace debronzage.
Je pris ma brosse dents, tendis une couche de den-
tifrice. Je m'apprtai la mettre dans ma bouche
quand je m'arrtai. Saisi d'horreur, je laissai tout
tomber dans le lavabo.
- N o n , ce n'est pas poss ible ! m'cr iai -je .
Au dbut, je crus que j 'ava is une tache noire sur ledos de la main. Mais, en y regardant de plus prs, je
me rendis compte que...
C'tait une touffe paisse de poils noirs !
7/28/2019 30-Alerte aux chiens.pdf
26/103
Choqu, je secouai ma main dans tous les sens, au
cas o les poils s'en iraient tout seuls. Bien entendu,
il ne se passa rien.
Avec la gauche, qui tait lisse et normale, je les attra-pai et tirai dessus.
- A e !
Ils taient vrais !
- Mais, qu'est-ce que a veut dire ? m'exclamai-je.
Je m'approchai de la lampe et procdai un examen
plus prcis.Ces poils noirs, brillants, piquants et hrisss mesu-
raient environ un centimtre de long. En les tou-
chant, j 'eus l' impression de toucher un paillasson.
Larry le poilu !
Le surnom idiot que Lily m'avait attribu devenait
une ralit. Je suis sr qu'ils m'appelleront Larryle po i lu jusqu' la fi n de mes jours , pensai-je
tristement.
cette ide, je paniquai. N o n , je ne pouvais pas me
7/28/2019 30-Alerte aux chiens.pdf
27/103
montrer dans cet tat. Je tirai sur les poils de toutes
mes forces. Rien n'y fit. Je ne russis qu' me faire
mal.Soudain, je me sentis faible. Ma bouche tait sche,
et je tremblais de tous mes membres, sans arriver
me matriser.
- Mais que vais-je devenir ?
Un sanglot me monta la gorge. Quel enfer !
J'eus un mal fou me calmer. Essaie d'y voirclair , me dis-je. Je restais l, agripp au rebord du
lavabo. Je le serrais si fort que j ' e n eus des crampes.
Je relevai les manches de mon pyjama et soupirai.
Ouf ! Mes bras taient intacts.
Seul le dos de ma main droite semblait tre conta-
min. Que pouvais-je faire ? ce moment- l, j 'en tend is mes parents monter
l'escalier. Je fermai vite la porte clef.
- Tu es encore debout, La r r y ? me demanda maman.
- Je brosse mes cheveux, rpondis- je.
Je les brossais tous les soirs avant d 'a l ler me coucher.
J'avais beau savoir qu'une fois ma tte sur l'oreillerils seraient en dsordre, c'tait une habitude !
Je les admi ra i. Ils taient si souples. Rien voir avec
cette touffe serre qui avait surgi sur ma main. Elle
me donnait la nause !
En essayant de dissiper ce mala ise, j ' ouvr i s l 'armoire
pharmacie, la recherche d'une crme pilerparmi les tubes et les bouteilles.Il doit bien y en avoir !
Eh non, a n'existait pas chez nous.
7/28/2019 30-Alerte aux chiens.pdf
28/103
C'est alors que j'eus une ide. Je saisis le rasoir de
mon pre et pris du savon barbe, sur l'tagre du
bas.- C'est simple, dis-je voix haute. J 'a i vu papa se
raser des centaines de fois.
Je fis couler l'eau chaude et m'enduisis la main
droite de savon. Puis je pris le rasoir, le trempai
comme le faisait mon pre, et commenai. Ce n'tait
pas vident avec la main gauche ! Mais l'instrumentcoupait bien et j'enlevai tout. Ensuite, je me rinai
sous le liquide chaud et apaisant. Je procdai alors
un examen minutieux de ma peau rase.
Elle tait toute douce...
Il ne restait plus un seul de ces horribles crins noirs.
Ragaillardi, je rangeai le matriel de papa avant defiler dans ma chambre. Fatigu mais satisfait, j 'tei-
gnis la lumire et m'enfonai sous la couette.
Seulement, une question revenait, lancinante : pour
quelle raison ces horribles poils avaient-ils pouss
tout d' un coup ? tait-ce parce que le B R O N Z E +
tait prim ? Mes copains taient-ils aussi atteints ?Je me mis rire en imaginant Martin velu comme un
goril le !
Pourtant, ce n'tait pas drle, c'tait effrayant !
Je caressai ma main redevenue normale. Rien ne
paraissait y repousser. Je billai m'en dcrocher la
mchoire, dj moiti endormi.Soudain, je sentis que a me dmangeait, de partout !
Ce n'est pas vrai, pensai-je, cette affreuse fourrure
me recouvre entirement !
7/28/2019 30-Alerte aux chiens.pdf
29/103
- Tu as bien dormi ? me demanda maman lorsque
j ' a r r i va i dans la cuisine pour prendre mon petitdjeuner. Tu es tout ple...
Nous tions lundi matin, et j'avais pass un ex-crable dimanche cause de ma msaventure desamedi.
Papa leva les yeux de son journal. Un grand bol de
caf fumait devant lui.
- Je ne lu i trouve pas mauvaise mine, murmura- t-i l
en replongeant dans sa lecture.- a va, dis-je pour les rassurer.
Je m'assis sur une chaise. D i x minutes avant, j' t a is
tomb du lit lorsque ma mre m'avait appel. Je
m'tais examin de la tte aux pieds dans la glace de
ma chambre. J'avais pouss un soupir de soulage-
ment en constatant que je n'avais plus un poil, ni noirni d'une autre couleur ! Juste mon petit duvet degaron.
En entrant dans la cuisine, j'tais tellement content
7/28/2019 30-Alerte aux chiens.pdf
30/103
que j'avais eu envie de chanter, d'embrasser mes
parents et de danser !Mais la remarque de maman m'avait refroidi. J'ava-
lai mes crales et mon jus d'orange d'un trait. coutez, il faut que je vous raconte quelque chose.
J'ai fait une grosse btise avant-hier. J'ai trouv une
vieille bouteille de produit bronzer dans une benne,
du BRONZE+, et avec les copains, on s'en estenduits. Seulement le produit tait prim... et...
samedi soir, un pelage noir s'est mis me pousser
sur le dos de la main droite.
C'est ce que j'aurais aim leur avouer. J'avais mme
ouvert la bouche pour commencer. Malheureuse-
ment, je ne pouvais pas prononcer une parole.
Je m'tais soudain senti mal l'aise ! J'tais srqu'ils se seraient inquits. Ou alors ils m'auraient
trait d'imbcile avant de me traner chez le Dr Mur-
kin. Et lui aussi m'aurait dit que je n'tais qu'un
inconscient. Donc je prfrai me taire.
- Tu es vraiment bien sage, ce mat in , constata ma
mre en mangeant son uf.- C'est que... je n 'a i pas grand-chose dire, c'est
tout, murmurai-je.
Avant d'aller au collge, je passai prendre Lily. Elle
m'attendait devant chez elle, le col de son manteau
relev. Ses cheveux blonds taient dissimuls sousun bonnet de ski, en laine rouge et bleu.- Tu as raison d'tre couverte, dis-je en trottinant
ses cts.
7/28/2019 30-Alerte aux chiens.pdf
31/103
- M a m a n m 'a prvenue qu ' i l al lait faire encoremoins cinq aujourd'hui.
Juste au-dessus des maisons, le rouge soleil matinalbrillait dans le ciel tout ple. Le vent soufflait si fort
que nous dmes nous courber pour avancer. La neige
tait recouverte d'une crote de glace qui craquaitsous nos bottes.
Je pris une profonde inspiration. J'avais dcid de
poser Lily la question qui me brlait les lvres. Jeme lanai d'une voix hsitante :
- Lily... dis-moi... euh ! Est-ce que, par hasard, des
poils n'auraient pas pouss sur tes mains, avant-hiersoi r ?
Elle s'arrta et me regarda dans les yeux, la mine
grave.- Oui, avoua-t-elle dans un chuchotement.
7/28/2019 30-Alerte aux chiens.pdf
32/103
- Q u o i ? m ' ex c l am ai - j e , mo n cur s 'a r r tan t
presque de battre. Des poils ont pouss sur tes
mains ?Lily acquiesa d'un air sinistre. Elle s'approcha de
moi, ses yeux bleu et vert me scrutant par-dessous
son bonnet.
Elle murmurait presque inintell igiblement. Quand
elle parlait, de la bue s'levait de sa bouche :
- J ' e n avais sur les doigts... et sur les bras, lesjambes, le dos !
Je laissai chapper un cri touff.
- Puis, poursuivit-elle en continuant me fixer, ma
figure s'est change en celle d'un loup ! Et je me suis
mise courir dans les bois en hurlant la lune !
Tiens, comme a.Elle rejeta sa tte en arrire et poussa une longue
plainte lugubre.
- Je me suis trouve nez nez avec trois personnes,
7/28/2019 30-Alerte aux chiens.pdf
33/103
et je les ai manges. Tu sais pourquoi ? Parce que je
suis un loup-garou !
E l le grogna et claqua des dents... Pui s elle partit d 'ungrand clat de rire !
Une fois de plus, je rougis. Lily me donna une tape
vigoureuse dans le dos, qui me fit presque perdre
l'quilibre. Elle en fut encore plus hilare !- Larry, tu ne m'as pas crue, quand mme ?
- Tu me prends pour un imbcile ? videmment queje ne t 'a i pas crue.Mais, pour tre honnte, jusqu'au moment o elle
avait voulu se faire passer pour un loup-garou,
j 'avais tout aval !Il fallait que je me rende l'vidence : elle s'tait
moque de moi, une fois de plus !- Lar ry le po il u, Lar ry le po il u ! chantonna-t-elle.
- Arrte, tu veux, tu n'es pas drle. Pas du tout !
- Et toi, tu crois que tu es drle ?Elle continua me traiter de Larry le poilu ! Si bienqu'au coin de sa rue j'essayai de la distancer.
Seulement, je glissai sur une plaque de verglas. M o nsac dos m'chappa et atterrit dans la neige.
Pendant que je le ramassais, Lily se planta devant
moi .- C ' e s t vrai ? reprit-el le, srieuse. Des poils ont
pouss sur ta main ?Je fis semblant de ne pas entendre. Elle se pencha
vers moi et insista :- C'est vrai ? C'est pour a que tu m'as pos cette
question ?
7/28/2019 30-Alerte aux chiens.pdf
34/103
- Mais non, mais non, mentis-je tout en me relevant.
Elle se remit rire.
- Et toi, tu es vraiment un loup-garou ? lanai-je en
faisant semblant de plaisanter.- Non, je suis un vampire.
elle aussi, j 'aurais aim dire la vrit ! Ma is j ' ta is
certain qu'elle ne tiendrait pas sa langue et que mon
histoire ferait le tour de l'cole en un rien de temps.
Tout le monde se mettrait chanter : Lar ry le
poilu ! Larry le poilu !
D'un autre ct, a m'ennuyait de lui mentir, c'tait
ma meilleure copine, quand mme. Je ne savais pas
quoi faire !
Lorsque nous arrivmes la grille du collge, elle
affichait un sourire trange que je ne lui connaissais
pas.
- Bon, dit Mlle Shilling, notre professeur de franais.
Je suppose que vous tes prts me faire les comptes
rendus des ouvrages que je vous ai donns lire ?
Une sorte de brouhaha se propagea immdiatementdans la classe, fait de bruit de chaises repousses, d 'ou-
verture et de fermeture de pupitres, de papiers froisss.
Cet exercice qui consistait rsumer le livre que l' on
avait lu rendait gnralement tout le monde nerveux.
Surtout si vous dtestez qu'on ait les yeux braqus
sur vous. Comme moi ! Si je prenais un mot pour unautre ou si j'oubliais une phrase, ils se mettaient tous
rire et je devenais, videmment, rouge comme une
brique !
7/28/2019 30-Alerte aux chiens.pdf
35/103
La veille, j'avais rpt mon sujet devant la glace dema chambre et je ne m'en tais pas mal tir. Malgr
cela, j'apprhendais mon tour.
Herv, c'est toi qui commences, annona M l l eShi l l ing.
- Ce n'est pas bien de faire passer les plus forts en
premier, se vanta Herv, le sourire en biais.Certains se mirent ricaner, d'autres le hurent.
En ral it , Herv ne plaisantait pas : i l se croyait
vraiment le meilleur en tout.
Il alla vers le tableau, sr de lui.
C' tai t un garon grassouil let, assez grand, avec des
cheveux bruns et pais. Sa face ronde tait couvertede taches de rousseur. Il tait toujours content de lui,
affichant un air suprieur, du genre : Vous n'tesque de misrables insectes. En gnral, il portait
des vieux jeans dlavs avec des poches aux genoux,
un T-shirt manches longues et une veste noire en
tissu bril lant.Il tenait la main le livre qu'il avait choisi : un texte
sur les grands moments du football.Je rlai intrieurement. Je savais l'avance comment
il alla it dbuter son expos : Je recommande ce
livre tous ceux qui aiment... chaque fois, c'tait
la mme chanson barbante. Ce qui ne l'empchait
pas d'avoir de trs bonnes notes. Je n'arrivais pas
comprendre ce que Mlle Shill ing lui trouvait, ceprtentieux.
Herv s'claircit la voix et lui sourit. Puis il se tourna
vers nous et pronona fort et distinctement :
7/28/2019 30-Alerte aux chiens.pdf
36/103
- Je recommande ce livre tous ceux qui aiment le
football !Je vous l'avais bien dit !
Je billai sans que personne s'en aperoive.
-C'est un bouquin trs excitant, continua Herv,
imperturbable. L'intrigue...
Je n'coutai pas le reste, prfrant me rpter mon
expos.
Quelques minutes plus tard, Mlle Shill ing me fitsigne :- Larry, c'est toi.
Je pris une profonde inspiration et me levai. Reste
calme, Lar ry , m'encourageai-je. Tu connais tout par
cur, tu l'as rcit au moins dix fois. Ne t'en fais
pas ! Je m'avanai vers l 'estrade. J'tais mi-chemin
quand Herv me fit un croche-pied. J'avais bien
remarqu sa grimace habituelle, mais pas sa jambe !
Surpris, je poussai un cr i , trbuchai et m' talai sur le
plancher.
Toute la classe clata de rire. Mon cur battait serompre. Je m'apprtai me remettre debout, mais je
m'arrtai tout net quand je vis mes mains !
Elles taient couvertes de poils noirs et brillants !
7/28/2019 30-Alerte aux chiens.pdf
37/103
- Larry ? a va, Larry ?
J'entendais vaguement Mlle Shilling qui me parlait,
derrire son bureau.
J'tais tellement abasourdi que je ne pouvais pasrpondre.
- Larry, tu n'es pas bless ?
J'tais incapable de parler, de bouger, et mme de
penser ! Recroquevill sur le sol, je ne faisais que
fixer mes mains avec horreur.
Au-dessus de mo i , les autres continuaient rire. Entemps normal , j' au ra is rougi de con fusion, mais l, je
n'tais pas mal l'aise. J'tais simplement mort de
peur !
Toujours sur le sol, je jetais des coups d'oeil autour
de moi. Personne ne me dsignait avec horreur.
- Eh ! Lar ry est rouge comme une tomate ! lanaquelqu'un dans le fond.
Toute la classe rit de plus belle.
Je devins carlate. Seulement, ce n'tait pas l mon
7/28/2019 30-Alerte aux chiens.pdf
38/103
problme. Je ne pouvais pas me montrer devant eux,
velu comme un singe. Plutt mourir !
Sans rflchir plus longtemps, j'enfonai les mains
dans mes poches et filai vers la sortie.- Larry, o vas-tu ? Qu'est-ce qu'il y a ? s'inquita
Ml le Shi l l ing.
- R i e n , rien... Je reviens tout de suite, balbutiai-je.
- Tu es certain que tu n'es pas malade ?
- N o n , non , je reviens dans une minute.
Je savais bien qu'ils m'observaient. Je m'en fichais.
Il fallait que je sorte au plus vite... et que je trouve
une solution pour cacher ces poils monstrueux.
Lorsque j 'arrivai la porte, j 'entendis Mlle Shil l ing
dire Herv :
- En f in , tu aurais pu le blesser ! Combien de fo is
faut-il te rpter la mme chose ?
- Mais, Mademoiselle, s'indigna le faux jeton, je ne
l'ai pas fait exprs.Je me glissai dans le long couloir. Aprs avoir vrifi
que j'tais seul, je sortis les mains de mes poches.
J'avais vaguement espr qu'elles seraient redeve-nues normales. Eh non ! Elles taient couvertes d'un
pais pelage noir d'au moins deux centimtres
d'paisseur. Il avait atteint aussi mes paumes. Et
mme entre les phalanges. Comment avait-il pu
pousser si vite ?
Je frottai mes mains l'une contre l'autre pour essayerde faire partir cette maudite fourrure. En vain...
-Non... non... Ce n'est pas vrai ! me dsesprai-je.
Je pleurais sans m'en rendre compte, totalement
7/28/2019 30-Alerte aux chiens.pdf
39/103
impuissant ! Impossib le de retourner en classe
dans cet tat, pensai-je. Ils s'en apercevront. Et
chaque fois que quelqu'un me verra, il chantera :
La rr y le poi lu , Lar ry le poi lu ! Rappelle-toi le jou r
o des poils ont pouss sur tes mains !
Il fallait que je file d'ici, que je rentre la maison.
Mais je n'avais pas le droit de quitter les cours enpleine journe. En plus, M l l e Schi ll ing m'attendait
pour que je lui fasse mon compte rendu de lecture !Je restais l, fig par la peur, le dos contre le mur,
contemplant mes mains velues.
Brusquement, je sentis que je n'tais pas seul dans le
hall. En levant les yeux, je vis M. Fosburg, le provi-
seur. Il portait une pile de cahiers de texte. Il s'tait
arrt en face de moi et fixait mes poils !
7/28/2019 30-Alerte aux chiens.pdf
40/103
Je cachai rapidement mes mains derrire mon dos.
Trop tard, M. Fosburg les avait dj vues. Il m'exa-minait curieusement.
Je frissonnai. Qu'allait- i l dire ? Qu'allait- i l faire ?
- T u as fro id ? me demanda-t-i l . Faut -i l monter le
chauffage, Larry ?
- E u h !...
Pourquoi ces questions ? Je m'appuya i contre le mur.
Les crins traversrent mon paisse chemise, mon
T-shirt et me piqurent la peau.- Tu as donc froid au point de porter des gants ?
continua M. Fosburg.
- Des... des gants, balbutiai-je ! Oui... en effet, il fait
un peu frais.
Il pensait que je portais des gants ! Je commenai
me sentir mieux. Je viens d'aller les chercher, mentis-je.
Il me considra pensivement avant de s'loigner.
- J 'en parle rai au gard ien ! lana- t-i l.
7/28/2019 30-Alerte aux chiens.pdf
41/103
Je poussai un soupir de soulagement quand il tourna
au coin du couloir. C'tait moins une , me dis-je.
En attendant, il m'avait donn une ide ! Je courus
jusqu' mon casier. J 'ouvr is le cadenas, non sanspeine, car ce n'tait pas vident de faire la combinai-
son avec mes doigts poilus. Lorsque j'y parvins, je
pris mes gants de cuir noir dans la poche de maparka.
Une minute plus tard, j' ta is de retour en classe. L i l y
tait sur l'estrade en train de rsumer son livre. Elleme jeta un coup d'oeil interrogateur tandis que je me
glissais ma place.Quand mon amie eut fini, Mlle Shill ing me fit venir
au tableau.
- a va mieux, L ar ry ? me demanda-t-elle .
- Ou i , euh... a va bien . J'avais seulement un peufroid aux mains !Des lves se moqurent de mes gants, mais a
m' tai t gal. Personne ne pouvait voi r ce qu ' i l scachaient.
J' insp irai profondment et commenai mon expos :
- J 'a i lu un livre de Br uno Co v il le. Et je conseil le tous ceux qui aiment les histoires de science-fiction
de le lire...
Aprs les cours, je filai tte baisse jusqu' mon
casier, sans regarder personne.Je portais mes gants depuis le matin et j'avais beau-
coup trop chaud aux mains. Au fi l des heures, j 'a va is
eu l ' impression qu' i ls rapet issaient . Seulement
7/28/2019 30-Alerte aux chiens.pdf
42/103
j 'ava is trop peur de les enlever pour vrif ier si les
poils continuaient pousser !
J'enfilai ma parka et glissai mon sac sur une paule.
Il fallait que je quitte le collge au plus vite. peine tais-je sorti que L i l y m'interpella. En me
retournant, je la vis qui me rejoignait en courant. Elle
portait un sweat jaune beaucoup trop grand.
Je pressai le pas :- On se voi t plus tard, je suis dj en retard, lu i
criai-je.Ma is elle arr iva ma hauteur et se planta face mo i :
- Quoi ? Tu ne viens pas la rptition ?
J'tais si inquiet que j'en avais oubli notre rendez-
vous.
-C'est chez moi, comme d'habitude, tu te sou-
viens ? me dit-elle.Comme je continuais avancer, el le marcha
reculons devant moi.
Je me mis bgayer :
- Je... je ne peux pas aujourd'hui. Je ne me sens pas
bien !
a, en revanche, c'tait vrai.- Qu'est-ce qui t'arrive ? Tu as t bizarre toute la
journe...
- Je suis un peu malade, dsol pour la rptition. On
pourrait la remettre demain ?
- Sans doute...Elle ajouta quelque chose que je ne compris pas et
me laissa.
7/28/2019 30-Alerte aux chiens.pdf
43/103
Je fonai d'une traite jusque chez moi. Je ne pensais
qu' ces poils horribles, noirs et piquants.
Je pntrai dans la maison comme un ouragan et lais-
sai tomber mon sac sur le plancher. Je m'apprtais gagner ma chambre quand ma mre m'appela.
Elle tait assise dans le salon avec notre chatte
Javotte sur les genoux. Elle se tenait prs de lagrande fentre et tlphonait. Elle posa sa main sur lecombin et parut tonne :
- Comment se fait-il que tu rentres si tt ? Tu n'avaispas une rptition ?
- Non, non, mentis-je. Et puis, j'ai plein de devoirs
faire.
Je n'en tais plus un mensonge prs !
Tout comme le matin, je n'osais pas lui avouer lavrit, lui raconter que j'tais en train de me trans-
former en singe cause de ce B R O N Z E + . M a i s , sans
doute parce que j'tais puis par toutes ces mo-
tions, finalement je me mis parler :
- Tu ne me croiras pas, Maman, commenai-je d'une
voix touffe. Avec les copains, on a trouv unevieille bouteille de produit pour bronzer. On s'en est
mis sur la figure, le cou, les mains... Je sais bien que
c'tait idiot. Et... aujourd'hui, l'cole, je me suis
rendu compte que mes mains taient couvertes de
longs poils noirs. Je ne savais plus o me mettre.
J'ai... j 'ai vraiment peur, tu sais !Je haletais, attendant la raction de maman.
Qu'allait-elle dire ? Pourrait-elle m'aider ?
7/28/2019 30-Alerte aux chiens.pdf
44/103
Ma mre marmonna quelque chose d'inaudible. Je
vis alors que ce n'tait pas moi qu'elle s'adressait.
E l le continuait sa conversation tlphonique, l 'appa -
reil coll contre son oreille, comme si de rien n'tait.Elle tait tellement concentre sur sa discussion
qu'elle n'avait pas cout un mot de mon histoire !
Je ne pus m'empcher de me plaindre sans que cela
attire son attention. Du, je fonai au premier tage
et fermai la porte de ma chambre clef.
Javotte m'avait suivi et s'tait perche sur le rebordde la fentre, son endroit favori. J'ar rachai mes gants
et les jetai sur une chaise. Javotte se retourna versmoi, ses yeux jaunes brillant de plaisir.
Je la pris dans mes bras et m'assis avec elle sur ce
rebord.
- Javotte, tu es ma seule amie ! lui confiai-je en luicaressant le dos.
Au l ieu de ronronner, elle hrissa ses poils et sauta
sur le plancher. Elle s'loigna un peu avant de tour-
7/28/2019 30-Alerte aux chiens.pdf
45/103
ner la tte et de me fixer. En une seconde, je compris
ce qui avait provoqu sa raction. Je lui tendis mes
mains :- Ce sont mes drles de pattes qu i t'ont fait peur,
dis-je tristement.
J'eus l' impression qu'elle acquiesait.
- Tu sais, moi aussi , elles me terrorisent ! cont i-
nuai-je.
Je filai dans la salle de bains et entrepris de me raserune nouvelle fois.Les crins taient devenus pais, durs et drus, comme
les soies d'une brosse habits. Ils rsistaient. Le plus
pnible fut de passer entre les doigts. L, ils taient
difficiles atteindre. Rsultat, je m'entaillai le des-
sus d'une main et la paume de l'autre.
Le lendemain matin, mardi, je me rveillai en nage.
Mes parents dormaient encore.
La nuit n'avait pas t reposante. Je venais de rver
de poils. J'tais attabl la cuisine, devant une
assiette de spaghettis. Mais lorsque j'en tournai unpaquet autour de ma fourchette, ils se transformrent
en poils noirs, longs comme des cheveux. Il y en
avait plein mon assiette. J'en approchais une grosse
bouche de mes lvres, et...Q u e l ho r r ib le ca uc he ma r ! J ' e n ava is m a l
l 'estomac.J 'a ll umai la lumire et me plantai devant mon miro ir.
- Chouette ! criai-je, joyeux.
Mes mains taient parfaitement lisses. Elles me fai-
7/28/2019 30-Alerte aux chiens.pdf
46/103
saient seulement un peu mal, aux endroits o je
m'tais coup. Pendant un bon moment, je les tour-
nais devant moi comme des marionnettes.
Puis je m'inspectai de la tte aux pieds. Je ne vis pasl'ombre d'une fourrure bizarre. J'tais tellement
content d'tre redevenu normal !
Maintenant, je n'avais plus rien craindre. Je pou-vais aller en classe l'esprit tranquille. Je me sentais
heureux. Par scurit, j'allais quand mme garder
mes gants dans mes poches !
Aprs le petit djeuner, j'enfilai mon manteau, attra-
pai mon sac et sortis.
Tout en courant sur le trottoir, j'vitais les tas que la
neige avait forms.J'tais bien , tellement mieux que la ve il le ! M a l -
heureusement, ce fut de courte dure. peine
avais-je tourn au coin de la rue que j'aperus la
meute.Les chiens foncrent droit sur moi en grognant.
7/28/2019 30-Alerte aux chiens.pdf
47/103
M o n sang se figea. Le s monstres se prcipitaient vers
moi, attirs comme des aimants par mon petit corps.
Ils aboyaient avec fureur.
J'avais l ' impression que mes jambes taient enplomb. Je russis quand mme faire volte-face et
m'lanai.
J'essayais de les semer en traversant les cours et les
jardins... S ' i ls m'attrapent, ils m'avalent tout cru !
pensai-je. C'est sans doute parce qu'ils sentent
l'odeur de Javotte qu'ils n'arrtent pas de me couriraprs. Elle me porte malchance. Mais qui appar-
tiennent ces cabots vi ci eu x ? C om me nt se fait -i l
qu'on les laisse ainsi en libert ?
Un coup de klaxon furibond retentit. Des freins cris-
srent sur la chausse. Une voiture drapa dans ma
direction... J'tais tellement effray que j'en avaisoubli les autos. Je marmonnai de vagues excuses au
conducteur tout en continuant dtaler.
Aprs trois cents mtres, un point de ct doulou-
7/28/2019 30-Alerte aux chiens.pdf
48/103
reux me fora ralentir. Je jetai un rapide coup d'oeil
derrire moi. La meute me poursuivait toujours. Elletraversait la rue et se rapprochait dangereusement.
- Hep ! Larry !Lily et John se tenaient sur le trottoir d'en face.
- Fi chons le camp, leur cria i-je en les rejoignant,
hors d'haleine. Attention...
Mes deux amis ne bougrent pas d'un centimtre.
Lily se retourna, fit face aux chiens, comme la der-
nire fois. John s'avana tranquillement vers eux.Nous les regardmes approcher, immobiles. Voyant
que nous tions dtermins, ils ralentirent. Ils s'arr-
trent, ne sachant visiblement plus quoi faire. Ils
taient essouffls et haletaient bruyamment, les
langues pendantes.
- la niche ! ordonna Lily, la main leve en signe de
menace.
Le molosse noir gmit tristement et pencha la tte.
- A l l e z , al lez, ouste ! avions-nous cri ensemble.
La douleur de mon point de ct s'estompa. Je mesentis mieux en me rendant compte que les chiens ne
nous attaqueraient pas. Ils prfraient sans doute ne
pas se mesurer trois adversaires. Ils nous tournrent
le dos et s'en allrent en trottinant.
John se mit soudain rire, montrant du doigt un ani-
mal tout maigre, dcharn, au pelage fonc et fris :
- Eh ! les gars, vous avez vu celui-l ! Il ressemblea... qui ? demandai-je.
- Vous ne trouvez pas que c'est Martin tout crach ?
7/28/2019 30-Alerte aux chiens.pdf
49/103
- Tout fait ! s'esclaffa Lily.
Nous rmes de bon cur. C'est vrai, il avait les che-
veux friss de Martin et les mmes grands yeux
expressifs.- A l lons -y ! Sinon on sera en retard aux cours, dit
Lily en donnant un coup de pied dans un amas de
neige molle.
Nous partmes d'un pas dcid vers le collge.
- Comm ent se fait -il que ces chiens s 'en prennent
toujours toi ? s'tonna John.- J e crois bien qu 'i ls sentent l 'odeur de Javotte,
rpondis-je.- En tout cas, on ne devrait pas les laisser en libert,
ajouta Lily qui marchait devant.
- a, c'est sr ! approuvai-je.
Une violente bourrasque souffla. La casquette deJohn faillit s'envoler.
- Vi vement le printemps ! murmura-t-i l en l'en fon -
ant sur sa tte.
Nous retrouvmes Christine devant le collge. Sescheveux roux tourbillonnaient dans le vent.
- On rpte cet aprs-midi ? demanda-t-elle tout en
croquant dans une barre de crales.
- Rptition chez mo i , confi rma Li ly . I l faut qu 'on
travaille. On ne va quand mme pas laisser Hervgagner cette finale, non ?
- propos de travail, o tais-tu, hier ? voulut savoirChristine.
-J'tais chez moi, un peu patraque...
Du coup, je pensai au B R O N Z E + . Me s amis taient-
7/28/2019 30-Alerte aux chiens.pdf
50/103
ils contamins par ce produit infernal ? Il fallait que
je le sache !- Dites... euh ! lanai-je d'un ton dtach. Vous vous
souvenez de cette crme pour bronzer ?Christine se mit rire :
- a n'a pas march. Tu avais raison, Larry. Ce pro-
duit tait prim.- Il m 'a mme fait pl ir, renchrit John.
- O n est tous b la ncs com me . . . ne ige ! C 'ta i t
compltement bidon ! ajouta Lily.A ucun d'eux n'avait fait de remarque au sujet de
poils suspects. Ils sont aussi velus et mal l'aise
que moi, pensai-je. C'est pour a qu'ils ne veulent
pas voquer le sujet. Ou alors... je suis le seul. Ce
serait trop atroce. Je dois en tre sr.
J'inspirai profondment, ouvris la bouche pour par-ler..., mais ils avaient dj chang de sujet de conver-
sation. Ils discutaient de notre orchestre.
- Christine, tu peux apporter ton ampli la maison ?
demanda Lily. Martin viendra avec le sien, mais iln'a pas assez de prises pour les trois guitares.
J'allais les interroger, quand un coup de vent releva
la capuche de ma parka. Je l'attrapai pour la remettre
sa place. Au passage, je touchai mon cou et... pous-
sai une exclamation de surprise !
Paniqu, je sentis sous la main ma nuque tapisse
d'une paisse fourrure !
7/28/2019 30-Alerte aux chiens.pdf
51/103
- Larry, qu'est-ce que tu as ? s'cria Lily, effraye.
- Euh !... euh ! bredouillai-je, incapable de parler.
-Regarde ton charpe, me signala John en tirant
dessus. On dirait qu'elle est l'envers.C'tait une charpe de laine rugueuse. Maman
m'obligeait la porter parce que ma grand-tante
Hilda l'avait tricote pour moi !
J'avais compltement oubli que je l'avais mise. En
passant ma main dessus, j 'avais cru un instant que...
- Larry, tu vas bien ? s'inquita Lily. Tu as l'air mortde peur.
- Ou i , ou i, a va . M o n cache-col tait trop serr,
c'est tout.
Je devins rouge brique. Il avait bien fallu que je
rponde quelque chose. Je ne pouvais quand mme
pas leur avouer que j'avais cru toucher ces poils demalheur. coute-moi bien, Larry, me dis-je. Arrte
d'tre obsd par cette histoire, sinon tu vas devenir
fou, c'est sr ! Je me mis frissonner.
7/28/2019 30-Alerte aux chiens.pdf
52/103
- A l l e z , rentrons en cours, ordonnai-je en m 'emmi -touflant dans ma parka.
Le jeudi suivant, je filais aux toilettes pour me pei-
gner avant que la cloche ne sonne. J'eus une pense
horr ib le : Et si mes cheveux tombaient brusque-
ment ? Si ces affreux cr ins no irs prena ient leurplace ? Si un beau matin je me rveillais avec lecorps couvert de cette immonde fourrure ?
Je m'examinai longuement dans la glace.
Haut le cur, Larry ! finis-je par me dire pour
m'encourager. Et je tendis un doigt lisse vers mon
image. Tout va bien ! Ce stupide produit ne te tor-turera plus.
Cela faisait dj cinq jours que nous l'avions utiliset, depuis, j'avais pris au moins trois bains et deux
douches. J'tais persuad que c'tait du pass. Ce
n'tait plus la peine de me tracasser.
Je jetai un dernier coup d'il mes cheveux. Ils
taient un peu trop longs, c'est vrai. Mais je les
aimais comme a, spars par une raie, tombant avecsouplesse sur mes oreilles...
Je filai en classe.
Tout se passa trs bien pendant cette journe. Enf in . . .
jusqu' ce que M l l e Sh i l l ing nous rende nos devoirsde franais.
En lisant les commentaires du professeur, je tombaisur un cheveu... noir ! Qu'est-ce que a veut dire,me demandai-je. C'est moi ou Mlle Shill ing ?
Je l'examinai sans oser le toucher. Je commenais
7/28/2019 30-Alerte aux chiens.pdf
53/103
me sentir ma l. Je ne pouvais pas m'empcher de
repenser cette histoire de po il s, mme si j 'avais jurde l'oublier !
J'en eus des frissons d'angoisse.
Cet pisode m'avait perturb et je n'coutai pas un
mot jusqu' la fin du cours. Quand la cloche retentit,
je fus soulag. C'tait l'heure du sport. Un peud'exercice allait me faire du bien.
-Aujourd'hui, basket, nous annona le professeur
alors que nous entrions dans le gymnase. Allez vous
mettre en short. Et vite !
Gnralement, je n'aime pas trop le basket. C'est
puisant, il faut tout le temps courir sur le terrain. En
plus, je n'tais pas dou pour marquer des paniers.
J'tais mme le plus mauvais tireur du collge !
Mais aujourd'hui ce sport me sembla idal pour
dtendre mes nerfs.
Je suivis les autres dans le vestiaire. Arriv mon
casier, je sortis un short et un T-shirt.
l'autre bout de la salle, Herv criait tue-tte :- On va gagner ! On va gagner !
Un lve lui balana une serviette la figure pour le
faire taire. a, c'es t bien fait, pensai -je. Quel
idiot ! Je m'assis sur le banc pour me changer. J'tais en
train de retirer mon pantalon quand je m'arrtai net,laissant chapper un cri plaintif.
Mes genoux taient couverts d'une paisse fourrure
noire !
7/28/2019 30-Alerte aux chiens.pdf
54/103
- Pourquoi as-tu gard ton jean pendant la partie de
basket ? me demanda John le lendemain.
Nous marchions sur le trottoir boueux, transportant
nos instruments jusqu' chez Lily.
- A lo rs ? insista-t-i l en changeant son synthtiseurde main.
- J'avais un peu f ro id aux jambes. Je ne sais pas
pourquoi le prof en a fait toute une histoire.
- Tu sais, il a failli en avaler son sifflet quand il t'a vu
marquer un panier depuis le centre du terrain !
Je me mis rire. J'tais tellement choqu cause demes genoux que je m'tais dpass. J'avais jou
comme jamais !
Tu devrais toujours garder ton pantalon, avait
plaisant le professeur.
Je n'avais pas trouv a drle.
En fin d'aprs-midi, j 'tais rentr chez moi en cou-
rant. Je m'tais enferm dans la salle de bains pour
raser ces maudits poils. Quand j'eus fini, ma peau
7/28/2019 30-Alerte aux chiens.pdf
55/103
tait douloureuse et rouge. Mais au moins elle tait
de nouveau lisse !Ensuite j'tais rest dans ma chambre, allong sur
mon l i t , m' interrogeant sur ce qu' i l m'arr ivait . Pourquoi ces poils ont pouss sur mes genoux ? Je
n'ai pas vers de B R O N Z E + dessus. Ou alors le pro-
duit a travers ma peau pour passer dans le sang. Il
s'est peut-tre rpandu dans mon corps ? Je vais metransformer en une sorte d'immonde crature velue !
En King Kong ! Ces questions m'obsdaient encore le lendemain,
pendant que John et moi traversions la rue. Nous
arrivions la maison de Lily.
Le soleil brillait au-dessus des deux rables dnuds
qui encadraient le jardin. L'hiver touchant sa fin,
l'air tait chaud. La neige avait presque entirement
fondu, dcouvrant l'herbe par endroits.John frappa la porte. Lily nous ouvrit aprs quel-
ques instants. Elle rptait dj depuis un moment
avec Christine.- O est Martin ? s'tonna Lily en fermant derrire
nous.- On l'a attendu chez moi. Il n'est pas venu, rpon-
dis-je en essuyant mes baskets sur le paillasson. Il
n'est pas l ?
- N o n , et i l n'tait pas en classe aujourd'hui, ajouta
Christ ine. J 'a i essay de lu i tlphoner, mais sa lignedoit tre en drangement. Il n'y a mme pas de
sonnerie.
- I l faut qu 'on soit srieux, quand mme, protesta
7/28/2019 30-Alerte aux chiens.pdf
56/103
Lily en se mordant la lvre. Est-ce que tu as discut
avec Herv, ce matin ? Il t'a parl du cadeau de sonpre ?
- Ou i , c'est un nouveau synthtiseur, acquiesai-jetout en ouvrant mon tui guitare. Il a dit qu'il valait
un orchestre entier !
- a ne va pas arranger nos affaires. On aura l'air de
quoi avec nos trois guitares et notre synthtiseurminable ? se plaignit Lily.
- Mon synth n'est pas minable ! s'indigna John.
- C ' e s t tout juste si tu ne le remontes pas avec une
manivelle ! renchrit Lily.
- D'accord, il est petit, mais il peut donner dix ryth-mes, protesta-t-il en le branchant.
- Si on rptait au lieu de dire des btises ? intervint
Christine en promenant ses doigts sur le manche de
sa guitare rouge. Par quoi on commence ?- Comment veux- tu q u ' on rpte sans M a r t i n ?
m'exclamai-je. Faisons un saut chez lui.- Ou i , bonne ide ! approuva L i ly . Ma i s il vaudrait
mieux qu'on y aille juste tous les deux. Si Martinarrive , John et Chris tine seront l pour l'accuei lli r. Et
puis, ils pourront commencer s'entraner.
- Bon, si quelqu'un doit rester ici, je veux bien, sersigna John.
J'enfilai ma parka, et Lily son manteau. Nous sor-
tmes rapidement. Dans sa prcipitation, mon amieenfona sa botte dans une norme flaque de neige
fondue.
- Je dteste cette priode de l'anne, quand tout se
7/28/2019 30-Alerte aux chiens.pdf
57/103
transforme en boue, se plaignit-elle. On n'entend que
l'eau qui coule des toits, des arbres, de partout !
C'est assourdissant, tu ne trouves pas ?
L i l y tait trange par fois. Un jour, elle m'avait confiqu'elle crivait des pomes sur la nature, mais elle ne
m'en a jamais montr.
Nous avancions dans la gadoue. Au solei l , je
commenai avoir chaud. J'ouvris ma parka.
Au coin de la rue, nous apermes la maison de M a r -
tin, une btisse carre en briques, perche au sommet
d'une petite colline. Deux enfants essayaient de faire
de la luge. Les pauvres, ils n'avanaient pas beau-
coup dans cette boue !Ds que nous fmes arrivs sur le perron, Lily sonna.
- E h ! Mar ti n, appelai-je. C'est nous ! Ouvre !Pas de rponse. Pas un bruit non plus, sauf celui de
l'eau dgoulinant dans la gouttire.
- Mar t in ! insistai-je.
Nous sonnmes encore. Rien faire.
- Il n'y a personne, constata Li ly .
Nous essaymes de regarder par la fentre en noushissant sur la pointe des pieds.
- a a l 'a i r sombre l ' intr ieur, nota L i l y en
secouant la tte.
Je frappai la porte, le plus fort possible. Elle
s'ouvrit toute seule.
- Il y a quelqu 'un ? demanda L i l y en la poussant.Votre porte n'est pas verrouille !
Toujours pas de rponse. a devenait inquitant.
Nous fmes quelques pas dans l'entre.
7/28/2019 30-Alerte aux chiens.pdf
58/103
- Mar t in , tu es l ? cr ia Li l y .
En pntrant dans le salon, je poussai une exclama-
tion de surprise ! J'tais tellement stupfait que jerestai muet.
7/28/2019 30-Alerte aux chiens.pdf
59/103
Effars, nous restions plants dans le salon. Lily me
saisit le bras.
La pice tait vide. Il n'y avait plus de meubles, de
rideaux aux fentres, de tableaux aux murs. Mmeles tapis avaient t enlevs !
- Mais o sont-ils passs ? parvins-je articuler.
Nous fmes un tour dans la cuis ine. Tout tait par ti. Il
ne restait que la trace noire l'endroit o le rfrigra-
teur se trouvait il y a encore deux jours !
- Ils ont dmnag ! s 'exc lama L i l y . Je n'a rri ve pas y croire.
Nous inspectmes la maison. Elle tait totalement
abandonne. C'tait assez effrayant de voir ces
pices dsertes.
-Pourquoi Martin ne nous a-t- i l pas avertis qu'i ldevait partir ?
L i l y secoua tristement la tte, incapable de rpondre.
- Ils ont d s'en aller prcipitamment ! finit-elle par
conclure.
7/28/2019 30-Alerte aux chiens.pdf
60/103
- Mais pourquoi dmnager aussi brusquement ?
J'adore la course pied. Sauf, bien sr, quand je suispoursuivi par une meute de chiens agressifs. J'aime
bien sentir mon cur battre, mes muscles fonction-
ner comme les rouages d'une machine bien huile.
Ce samedi matin, mo n pre et moi fais ions notre j og -
ging habituel. Nous trottinions autour du lac, sur un
ch em in qu ' i l apprcie beaucou p. C' es t un co i nagrable, joli, et surtout tranquille.
Nous ne parlions pas, nous contentant de respirer
pleins poumons l'air frais et de jouir du paysage.
Cependant, j'avais envie de me confier lui. De lui
raconter cette histoire de produit diabolique, de poils
hirsutes !Je gardais les yeux fixs sur l' ho ri zo n. Des corbeaux
volaient dans le ciel bleu, se perchant de temps
autre sur des branches dnudes. Ils croassaient
bruyamment, comme s'ils discutaient. Le lac brillaitsous le soleil. Des plaques de glace flottaient sur
l 'eau bleu-vert.Je pris mo n courage deux mains et commenai lui
raconter mon histoire. Papa diminua l'allure pour
mieux m'couter. Lorsque j'eus fini de lui parler du
BRONZE+, i l me fit un signe de tte pour me mon-
trer qu'il comprenait. Il dclara d'une voix un peu
hache par les foules :-Dsol, a n'a pas march. Tu n'es pas du tout
bronz, Larry !
- Non, a n'a pas agi parce que le liquide tait trop
7/28/2019 30-Alerte aux chiens.pdf
61/103
vieux. a faisait un bon moment que la date limite
d'utilisation tait dpasse !
Je pris une grande inspiration pour lui parler de la
suite. C'tait le plus difficile.
- Ma is , Papa, il m'est arriv une drle de chose
aprs. Des poils se sont mis pousser, poursuivis-je,
craignant sa raction. D' abord sur le dessus d'une de
mes mains, puis sur les deux, enfin sur mes genoux.
Papa s'arrta net. Il se tourna vers moi, troubl :- Des quoi ?
- D e s poils noi rs, rptai-je, essouffl. De grosses
touffes, drues et piquantes.
Il avala sa salive avec difficult. Il me fixa. tait-ce
de surprise, de peur ou d'incomprhension ? J'tais
incapable de le dire !Soudain, il me saisit par le bras et commena
m'entraner :
- Viens vite, Larry. Pressons-nous.
- Enfin... Papa, bredouillai-je, essayant de le retenir.
- Al lons-y, ordonna-t -il , les dents serres.
Il me tirait si fort qu'il me souleva pratiquement deterre.
- Ma is . . . ma is qu'est-ce qui se passe ? m' exc la -
mai-je d'une petite voix suraigu.
Il ne rpondit pas. Il me poussa de plus en plus vite
sur le sentier. Son visage tait dform par une pro-
fonde horreur.- Papa, o m'emmnes-tu ? O ?
7/28/2019 30-Alerte aux chiens.pdf
62/103
Le Dr M ur k in leva son aiguil le hypodermique devantla lumire.
- Tourne-toi, Larry, dit-il gentiment. Rassure-toi, tu
n'auras pas mal.Quand l'aigu il le pera ma peau, je ressentis videm-
ment une douleur. Je fermai les yeux et retins ma res-
piration jusqu' ce que le docteur la retire.
- Je sais que la dernire in ject ion remonte une
semaine. Mais, puisque tu tais l, autant te faire ta
piqre , conclut -i l en me frottant le bras avec un cotonimbib d'alcool.
Mon pre tait assis sur une chaise pliante appuye
contre le mur du cabinet. Il tait tendu, les bras croi-
ss sur la poitrine.
-Vous savez..., ces... ces poils, bgayai-je. C'est
sans doute cette lotion...- Non, Larry, je ne pense pas, estima le Dr Murkin.
Vois-tu, ce genre de produit agit uniquement sur les
pigments de la peau. II...
7/28/2019 30-Alerte aux chiens.pdf
63/103
- M a i s c'tait une trs viei ll e bouteille ! insistai-je.
Peut-tre qu'en se dgradant les composants sont
devenus acides... ou bien... je ne sais pas, moi...Il fit un geste de la main signifiant : a suffit !
Puis il alla son bureau.
- Dsol, Larry, reprit -il en crivant des notes. Ce
n'est pas cette lotion, crois-moi...Il se retourna vers moi, me considrant derrire ses
lunettes :- J e t'ai examin de la tte aux pieds. Tu as pass
tous les tests. Je n'ai rien vu d'anormal. Pour moi, tu
es en parfaite sant.
Mon pre parut soulag.
-Mais. . . mais ces poi ls ? m'exclamai- je.
- Attendons, nous verrons bien, rpliqua le Dr Mur-kin en fixant papa.
- Qu'est-ce que a veut dire, attendons ? Vous
n'allez pas me donner de mdicaments pour emp-
cher que a recommence ?
-Peut-tre que a n'arrivera plus, rpondit-i l en
refermant mon dossier.Il me fit descendre de la table d'examen et me tendit
mes habits.- Ne t'en fa is pas, Lar ry . a va aller, maintenant.
- M e r c i , Docteur, bredouil la papa en se levant.
Il lui sourit, mais je vis bien que son sourire tait
forc. Il tait toujours anxieux.
Dans la voiture, nous restmes muets pendant une
bonne partie du trajet.
7/28/2019 30-Alerte aux chiens.pdf
64/103
- Tu te sens mieux ? me demanda-t- il enf in , sans
quitter la route des yeux.
- Pas vraiment, rpondis-je d'un ton sinistre.- Qu'est-ce que tu as ? Le docteur t'a examin et il a
dit que tout allait bien, s'impatienta-t-il.
- Oui, mais ces poils ? Tu penses qu'il ne m'a pas
cru ?- N o n , au contraire, je suis sr qu 'i l t ' a cru .
- Alors, pourquoi ne fait-il rien pour m'aider ?Je me mis pleurer.Mon pre se tut durant plusieurs minutes. Il regardait
droit devant, mordant sa lvre infrieure. Finale-
ment, il dclara trs calmement :
- Quelquefois, le mieux est d'attendre.
Notre groupe se retrouva chez Lily aprs le djeuner.On avait fait des progrs, mais Martin nous man-
quait. Nous tions trs peins qu'il ait dmnag
sans nous prvenir. La mre de Lily avait appel desamies qui connaissaient bien les parents de Martin
pour essayer d'en savoir plus. Ce dmnagement lesavait surprises autant que nous. Personne ne savait o
ils taient passs.Martin n'tant plus l, avec deux guitares au lieu de
trois, on entendait mieux la voix de Lily. Malheu-reusement, ce jour -l je n 'arr iva is pas joue r juste la
chanson des Beatles que nous rptions. Je n'taispas en mesure et je me trompais tout le temps !
Je savais pourquoi a n'allait pas : je n'arrtais pas
de penser au Dr Murk in . Je ne comprenais pas pour-
7/28/2019 30-Alerte aux chiens.pdf
65/103
quo i i l ne croyait pas mo n histoire de B R O N Z E + . Je
me sentais la fois abandonn et furieux.
Pendant que nous recommencions pour la vingtimefois le morceau des Beatles, j' obse rvais mes copains.
Ils ne semblaient pas avoir de problmes, ou plutt
ne pas avoir le mme que le mien . Ce lu i dont j' ava is
tellement honte. Quand j' avai s vou lu en parler Li l y ,
elle s'tait moque de moi et avait cri : Salut, le
poilu ! Peu importe, j'tais dcid revenir lacharge...
J'attendis que nous ayons fini la rptition. Christine
tait en train de ranger sa guitare dans son tui. Lily
se tenait prs du canap, tripotant nerveusement son
mdaillon. John tait all la cuisine se chercher un
soda dans le rfrigrateur. Quand il revint dans lesalon, je me lanai :
- J'ai une question vous poser.
Il dcapsula la canette et un grand jet de soda l'cla-
boussa. Christine clata de rire.- I l te faut un manuel pour ouvr ir une canette, se
moqua Li ly.- T u es trs drle, gronda John en s'essuyant le
visage.
- Tu ne devrais boire que du lait, renchrit Christine
en refermant sa caisse. Au moins, a ne gicle pas.
Il lui tira la langue. Puis ils se mirent tous les deux
se chahuter.
- J 'a i une question vous poser, rptai-je, su ffi sam-
ment fort pour les faire taire. Vous vous souvenez du
B R O N Z E + ? Est-ce que l 'un d'entre vous a des poi ls
7/28/2019 30-Alerte aux chiens.pdf
66/103
qui auraient pouss sur son corps, aprs ?
Je devins tout rouge.
- Tu veux dire des poils trs laids ? s'cria John.
Il pouffa tellement que le soda lui sortit par le nez et
manqua de l'touffer. Chr istine lui donna de grandes
tapes dans le dos. Ds qu'il put parler de nouveau, il
me montra du doigt :- La... Larry le poilu !
- Je suis srieux. Je ne plaisante pas ! protestai-je.Ils rirent de plus belle.
Je me tournai vers Lily qui tait reste prs du divan.
Elle faisait une drle de tte et ne s'amusait pas dutout. Elle baissa mme les yeux quand elle constata
que je la regardais.
- Tu n'es qu'un loup-garou ! m'affirma John. Tu saismieux hurler que jouer de la guitare !
- J'espre qu'on ne va pas chanter au moment de la
pleine lune, ironisa Christine.
Et ils s'esclaffrent, contents d'eux.
- C'tait juste une blague, dis-je.
J'aurais voulu disparatre sous le tapis. Leur ractionprouvait que John et Christ ine n'taient pas contami-
ns ! Je suis le seul , me lamentai-je.
De son ct, Lily continuait se taire, impassible.
Elle commena ranger les partitions tales sur le
plancher. Son silence m'intrigua. Elle adorait me
taquiner et me faire rougir. Partageait-elle monsecret ?
Je fis exprs de rassembler lentement mes affaires,
attendant que Christine et John aient quitt la mai-
7/28/2019 30-Alerte aux chiens.pdf
67/103
son. Je su ivis L i l y ju squ' au perron. L, je me tournai
vers elle :
-Li ly, dis-moi la vrit, f is- je en observant sonvisage. Tu as vu... ces horribles poils sur toi ?
-Je... je ne veux pas en parler, f init-elle par lcher
aprs avoir hsit un moment.
Puis elle me claqua la porte au nez.
Je restai fig . Pourquoi ma question l'avait-elle trou-
ble ce point ? Si elle tait contamine, pourquoirefusait-elle d'en discuter ? Peut-tre tait-elle aussi
mal l'a ise que mo i ? Ou alors c'est pour mo iqu'elle se faisait du souci ? Elle devait trouver ma
conduite stupide. Voil ce qui la drangeait.
Dsempar, je continuais errer dans les rues. Le
soleil tait encore haut dans le ciel, mais il commen-ait faire frais. Un vent fort m'arriva droit dans le
nez. Je voulus enfoncer davantage ma casquette.
M a i s je n' y parvins pas. Comme si elle avait soudainrtrci. Je la retirai pour l'examiner. J'avais d trop
serrer la sangle arrire.
Non, ce n'tait pas a !
Je caressai mon front. Un frisson d'horreur me par-
courut. Je compris pourquoi ma casquette tait trop
petite ! M o n front tait entirement recouvert decette fourrure paisse et piquante !
7/28/2019 30-Alerte aux chiens.pdf
68/103
J'entrai en coup de vent dans la cuisine par la porte
de derrire.
- Maman, au secours !
Malheureusement, ma mre n'tait pas l. Personne,il n'y avait personne !
J'inspectai la maison toute vitesse. Il fallait pour-
tant que mes parents me voient comme a. Ils
seraient bien obligs de me croire. La fourrure
paisse qui me barrait le front tait bien la preuve
que j'avais dit la vrit.- Papa, Maman ?
Non ! Ils taient sortis. Ils avaient juste laiss un mot
sur la table du salon : N O U S S O M M E S PA RT IS
F A I R E D E S C O U R S E S . N O U S R E V E N O N S
D A N S U N E H E U R E .
Je balanai ma casquette avec un cri de fureur. Jedfis ma parka et la laissai tomber sur le plancher.
Les battements de mon cur s'acclrrent quand je
me vis dans la grande glace de l'entre. Je ressem-
7/28/2019 30-Alerte aux chiens.pdf
69/103
biais un mutant de bande dessine. Mon front tait
travers d'un large ruban de fourrure. On aurait ditun bandeau de skieur. Seulement, il tait accroch
ma peau. Je le touchai d'une main tremblante.J'avais envie de pleurer et de hurler la fo is . Ma poi-
trine se soulevait comme un soufflet de forge.
J'aurais voulu empoigner ces ignobles poils et les
arracher. Ce spectacle dgotant tait trop insuppor-
table. Finalement, il valait mieux que mes parents neme dcouvrent pas dans cet tat. Je fonai au premier
tage pour me raser une fois de plus.
Je coupais et coupais encore. J'avais ma l , mais celam'tait gal ! L'essentiel tait de me dbarrasser de
cette horreur, qu'elle disparaisse dans le siphon du
lavabo.Tou t en pestant, j ' e u s une ide : r et rouver le
B R O N Z E + et le montrer au docteur. Si je lui
apporte le flacon, il me croira peut-tre, pensai-je. Ilpourra le faire analyser et on trouvera bien pourquoi
a fait cet effet. Ensuite, il me donnera un traitement
pour me gurir. Allons-y ! Mais o avais-je jet ce produit diabolique ?
Je fermai les yeux et fis un effort pour m'en souvenir.
Aprs l 'avoir trouv, nous avions tous couru chez
Lily, pour nous en mettre. Puis nous avions fait lesfous dans la neige. Avais-je remis la fiole dans la
benne ordures ? La seule chose qui comptait taitde la rcuprer !
Je griffonnai en vitesse un mot pour mes parents :
J'ai oubli quelque chose chez Lily, je reviens tout
7/28/2019 30-Alerte aux chiens.pdf
70/103
de suite. J'attrapai ma parka et filai dehors.
Les nuages cachaient maintenant le soleil et le cieltait tout gris. Je mis ma capuche sur mon front
encore brlant cause du rasage. J'tais nerveux, et
les trois cents mtres entre chez moi et la maison de
Lily me parurent des kilomtres !
Il ne fallait pas qu'elle me prenne en train de fouiller
dans la benne. Sinon elle ne manquerait pas de meposer des questions. Je n'avais aucune intent ion de la
renseigner. Au lieu de me dire la vrit, elle m'avait
ferm la porte au nez.
En m'approchant, je vis de la lumire dans sa salle
manger. Ils taient srement table. Parfait ! J'avais
le temps d'inspecter les dtritus, de trouver la bou-
teille et de m'en aller avant d'tre surpris.Mais, en arrivant sur les lieux, je m'arrtai net : la
benne ordures n' ta it pl us l ! L e s boueurs
l'avaient emmene. Dcourag, je soupirai, prt
tomber genoux.
Comm ent vais-je prouver au Dr M u r k i n que ce
produit est bien le coupable ? me lamentai-je.Je scrutai les alentours. Le vent froid me fouettait le
visage. Il souleva des feuilles mortes et humides.
Cette ambiance lugubre me fit frissonner.
A lo rs que j 'a l la is repartir chez moi , je me souvins
que je n'avais pas remis le B R O N Z E + sa place ! Je
l'avais jet au loin, de l'autre ct de la rue. Dans lesbuissons !
- Youpi ! triomphai-je.
Ou i , il tait forcment l ! Je passai comm e une
7/28/2019 30-Alerte aux chiens.pdf
71/103
flche devant chez Lily, regardant les fentres pour
tre sr que personne ne puisse m'apercevoir. Je
m'avanai dans le petit bois, glissant sur la mousse
dtrempe. Les branches dnudes s'entrecho-quaient sous l'effet des rafales.
O avait atterri ce flacon ?Il ne pouvait pas tre trs
loin. Peut-tre derrire les premiers arbres, c'est--
dire... l'endroit o je me trouvais. O u i , mais o pr-cisment ? Il faisait sombre. Je cognai dans un objet
gisant sous un tas de feuilles.
Un objet dur ! Je m'accroupis et fouillai.
Ce n'tait qu'un morceau de bois mort.
Aprs avoir franchi un rideau d'herbes fol les, je mar-
quai un temps d'arrt.Le flacon tait forcment tomb par ici. Je scrutai
dsesprment l'obscurit.
Je me baissai de nouveau, ttonnai et ne ramassai
qu'une pierre. Je l'envoyai promener d'un coup de
pied. Je fis un tour complet sur moi-mme, balayant
le sol du regard.
- Mais enfin, o se cache cette fichue bouteille ?Soudain, j 'entendis le craquement d'une brindille.
J'ouvris toutes grandes mes oreilles et perus le frot-
tement d'un corps sur un buisson... Puis une autre
brindille brise ! J'eus du mal avaler ma salive.
Je n'tais plus seul !
- Qui est l ? appelai-je d'une voix angoisse.
7/28/2019 30-Alerte aux chiens.pdf
72/103
- Mais qui est l ? rptai-je.Pas de rponse.
Transi de froid, je restais sans bouger, comme une
statue, attentif au moindre son.J'entendis alors des pas rapides et une respiration
lourde.
- Qui tes-vous ? demandai-je.
Baissant les yeux, je reprai le BRONZE+. I l taitjuste devant moi , reposant sur un tas de fougres. Jeme penchai rapidement et m'en emparai. Mais il
m'chappa. Je me redressai d'un bond, affol. Une
forme noire s'avanait pesamment entre les arbres.
Haletant, la langue pendante, un grand chien brun
apparut. Malgr l'obscurit, je distinguai sa fourrure
crpue et pele pendant sur ses flancs. Je fis un pasen arrire :- Tu es perdu, gros toutou ? lui dis-je, plutt effray.
L 'an imal incl ina la tte en geignant tristement. J' in s-
pectai les alentours pour m'assurer qu'il ne faisait
7/28/2019 30-Alerte aux chiens.pdf
73/103
pas partie de la meute qui adorait me pourchasser.
Non, il tait seul !
- Brave toutou, lui dis-je , mfiant. Brave petit.Il me dvisagea, haletant toujours. Sa queue remua,
puis retomba tristement.
Je me baissai lentement, en continuant le surveiller.
J'attrapai la bouteille glace. Je la soulevai devant
moi, essayant de voir si elle contenait encore du
liquide. Il faisait trop noir. Je me souvins alors quenous n'avions pas utilis toute la lotion. Il devait en
rester suffisamment pour que le Dr Murkin puisse
faire des analyses.
Les arbres frissonnaient sous les bourrasques. Les
branches s'entrechoquaient dans un grincement
inquitant. Le chien poussa un autre cr i plaint if etmalheureux.
- Au revoir ! lu i dis-je en reculant.
Il s'broua et continua me fixer.
- A l l e z , rentre chez toi. V it e.
Il ne bougea pas, mit un nouveau gmissement, puis
agita sa queue.Je reculai encore, tenant fermement la fiole. Seule-
ment, en me retournant, j'aperus... la meute. Silen-cieux, les monstres sortaient de dessous les arbres. Il
y en eut d'abord cinq ou six, leurs pupilles tincelant
de colre, et, derrire eux, il en arrivait encore
autant... Ils s'approchaient lentement, montrant leurscrocs, grognant.
Je restai un moment paralys de terreur.
Un cri m'chappa. Je fis volte-face et me mis cou-
7/28/2019 30-Alerte aux chiens.pdf
74/103
rir. Je trbuchai sur une branche morte et m'affalai
de tout mon long. Le BRONZE+ me gl issa des
mains ! Il alla s'craser sur une pierre. Horreur, leflacon clata en mille morceaux. Le peu de liquide
marron restant se rpandit sur le sol.
J'tais tomb lourdement. Une douleur sourde irra-
dia mon corps. Tchant de la surmonter, je me remis
sur pied pour faire face mes agresseurs.
Au l ieu de me sauter dessus, i ls m'vitrent etfilrent dans une autre d irect io n, aboyant aprs
un pauvre lapin mort de peur. Je l'avais chapp
belle !
Le cur battant, les membres encore douloureux, je
fixais les clats de verre parpills. J'en ramassai un
et l'examinai soigneusement.- Et maintenant, qu'est-ce que je vais faire ?
Les chiens continuaient hurler au loin.
Ma seule pice conviction avait disparu. Je n'avais
plus rien montrer au Dr Mu rk i n . Plus rien ! Je jeta i
les dbris au loin. Il ne me restait plus qu' rentrer
la maison.
Aprs le dner, mon pre et ma mre partirent une
runion de parents d'lves. Je montai directement
dans ma chambre pour faire mes devoirs.
Comme je n'avais pas envie d'tre seul, je pris
Javotte sur mes genoux et la caressai. Mais ellen'tait pas d'humeur se faire dorloter. Elle me
fusi lla de ses tranges yeux jaunes, me gri ffa la main ,
puis sauta par terre et s'enfuit.
7/28/2019 30-Alerte aux chiens.pdf
75/103
J'essayai ensuite de joindre Lily. J'attendis un long
moment, mais personne ne rpondit.
Dehors, le vent hurlait, faisant trembler les vitres.J'avais peur. Un frisson me parcourut le dos. Je dci-
dai de lire un peu. Pench sur mon li vre, je ne parv ins
pas me concentrer. Les mots et les pages deve-naient flous. Je pris ma guitare et la branchai sur
l 'ampli. M'exercer allait me calmer et m'aider
chasser ces penses qui me torturaient.Aprs avoir rgl le son au maximum, j 'entamai un
blues. C omme j' t ai s seul la ma ison , je ne risquais
pas de dranger quelqu'un. Au bout de deux
minutes, je me rendis compte que quelque chose
n'allait pas. Je me trompais de notes, et mme de
corde ! Que se passe-t -il encore ? J 'a i jou cet air des
milliers de fois. Je pourrais mme l'interprter endormant.
Je jetai un coup d'il sur mes mains et compris tout
de suite . Les horr ib les poil s taient revenus ! Jepoussai un cr i . Mes doigts, mes paumes taient enti-
rement recouverts d'une fourrure noire et paisse.
Je laissai tomber l'instrument sur le sol et me levai.
Les paules me dmangeaient aussi. En tremblant, je
dfis mes boutons de chemise et remontai mes
manches.Nooon ! Mes bras taient atteints.
Je restai l, immobile, les jambes flageolantes. Jefaillis m'vanouir ! J'avais la gorge serre et sche.
J'en eus la nause.
7/28/2019 30-Alerte aux chiens.pdf
76/103
Je me prcipitai dans la salle de bains pour vrifier.
Me penchant au-dessus du lavabo, je contemplai le
dsastre, les yeux rivs sur la glace. M o n visage, mes
joues, mon menton... tout tait envahi ! Les poilspoussaient avec la rapidit de l'clair.
Ils se rpandaient maintenant sur mon corps, une
vitesse incroyable !Que pouvais-je faire pour empcher ce phnomne ?Y avait-il seulement quelque chose faire ?
7/28/2019 30-Alerte aux chiens.pdf
77/103
Le lundi matin, je partis au collge bien avant les
cours pour attendre Lily.
Aprs des heures d'efforts, j ' ta is parvenu rasercette fourrure. Je m'tais habill avec un sweat
manches trs