Post on 16-Sep-2018
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ajorité des journaux, des radios et des chaînes de télévision appartiennent à des groupes industriels ou financiers intim
ement liés au pouvoir. Au sein d’un périm
ètre idéologique m
inuscule se multiplient les inform
ations prém
âchées, les intervenants permanents, les noto-
riétés indues, les affrontements factices et les renvois
d’ascenseur.En 1932, Paul Nizan publiait Les Chiens de garde pour dénoncer les philosophes et les écrivains de son époque qui, sous couvert de neutralité intellectuelle, s’im
posaient en gardiens de l’ordre établi. Aujourd’hui, les chiens de garde, ce sont ces journa-listes, éditorialistes et experts m
édiatiques devenus évangélistes du m
arché et gardiens de l’ordre social. Sur le m
ode sardonique, Les Nouveaux chiens de
garde dressent l’état des lieux d’une presse volontiers oublieuse des valeurs de pluralism
e, d’indépendance et d’objectivité qu’elle prétend incarner. Avec force et précision, le film
pointe la menace croissante d’une
information pervertie en m
archandise.
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ité ». Refus. Quelques jours plus tard, elle récidive avec le lycée Franklin, le priant d’accorder l’hospitalité à son directeur du savon à barbe, Jean-Pierre Pernaut. Afin de « créer du lien avec le public » et de prom
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e Bouygues, soucieux de « m
ieux intégrer socialem
ent des jeunes issus de zones sensibles », les enseignants sont invités à rogner sur leurs heures de cours pour laisser le grand prêtre du « 13 heures » évangéliser les cer-veaux disponibles des lycéens, considérés com
me de futurs chô-
meurs et donc com
me des
recrues possibles pour la multina-
tionale du BTP.
Mais les enseignants
se cabrent. Ils font savoir à Pernaut que ses « accointances avec l’actuel gouver-nem
ent qui supprime
des postes dans l’Edu-cation nationale », ne le qualifient guère « pour parler de l’inté-gration des jeunes vivant dans les zones sensibles ». La fondation TF1 s’appuie pourtant sur un bilan indiscutable : « trois étudiants em
bau-chés » en seulem
ent quelques années. « Les enseignants qui ont em
pê-ché la rencontre avec une centaine de lycéens vivent dans un autre m
onde, déplore Pernaut. Quand ils disent “on ne veut pas ren-
contrer TF1”, c’est qu’ils n’ont pas com
pris que leur rôle est de form
er les jeunes à l’em-
ploi, ce que permet aussi TF1 »
(La République du Centre, 16.11.11).Les profs nourrissent-ils des préjugés contre l’interview
eur du président de la république, em
ployé de Bouygues depuis 37 ans ? On a posé la ques-tion à Anaïs Perdereau, ensei-
gn
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lycée Franklin, qui s’entête : « Pour nous, il incarne la pensée économ
ique dominante. Les
plans de rigueur, le rembourse-
ment de la dette, l’obsession de la
croissance… » Et l’em
ploi des jeunes, alors ? « On n’est pas là pour faire recruter nos élèves par TF1 ou une autre entreprise. La propagande de Pernaut, c’est soit de la m
alhonnêteté, soit une faute professionnelle. » Feu ! Feu sur le Parti de la presse et de l’argent !
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La « crise » contraint parfois la presse à des contorsions douloureuses. À propos de l’économ
ie allemande et
des réformes ultra-libérales im
po-sées en 2004 par le gouvernem
ent du
social-démocrate
Gerhard Schröder, Le M
onde découvre aujourd’hui que « les inégali-tés se sont accrues » depuis sept ans et qu’« environ 7,4 m
illions de salariés occupent un “m
ini-job” très peu payé » (11.12.11).
À l’époque,
ces réform
es avaient soulevé l’en-thousiasm
e du Monde. Dans un
éditorial intitulé « L’Allemagne bouge », le quo-
tidien expliquait : « Ces mesures m
arquent un incontestable tournant dans l’histoire sociale de l’Allem
agne. Les avantages sociaux sont fortem
ent réduits.
[…].
Gerhard Schröder
veut que l’Allemagne “bouge” : pour le bien
de l’Europe on ne peut que saluer cette ambi-
tion » (25.12.04).
Boîte à idées
Christophe Barbier, directeur de la rédaction de L’Express et éditorialiste sur i-Télé, four-m
ille d’idées pour redresser la France : « Supprim
ons la cin-quièm
e sem
aine de
congés payés. […
] Indemnisons m
oins les prem
iers mois de chôm
age. » La
réduction du
chômage
impose en outre de « faciliter
les licenciements », car « si
licencier ne devient pas plus facile, embau-
cher finira par être impossible ». Les plans de
ri gueur édictés par Nicolas Sarkozy lui parais-sant trop laxiste envers les pauvres, Barbier ré-clam
e encore plus de flexibilité, « qui multiplie
les chances », et encore moins de protection
sociale, car « nous devons retrouver les vertus de la solidarité fam
iliale, et ne plus attendre de “l’État m
amm
a” les soins et consolations que nous devons prodiguer à nos proches » (L’Express, 4.11.11).
Am
nésie
Depuis son éviction du Monde et de LCI, Edw
y Plenel se réinvente en Em
iliano Zapata. Il a échoué dans sa tentative d’introduire
Le M
onde en
Bourse ? Il exhorte aujourd’hui les abonnés de M
ediapart à la «
révolte nécessaire
» contre « la dictature fi-nancière » (10.8.11). Il a fait du M
onde un groupe de presse dont Lagardère
et M
aurice Lévy
(Publicis) étaient
les actionnaires
? Il
dénonce maintenant « l’anorm
ale situation de dépendance, économ
ique et politique, de nos m
édias envers une oligarchie financière imbri-
quée à l’actuel pouvoir présidentiel » (Rue89, 14.12.07). « Alain M
inc est devenu un ami,
et je suis fier d’être son ami », ronronnait-il à
propos de son partenaire à la tête du Monde
(France 2, 6.3.03) ? Il brame à présent que
Minc a toujours été pour lui « un adversaire
potentiel qu’il fallait tenir en marge » (France
Culture, 13.12.07). Le plus insolite, dans ces divagations,
c’est l’indulgence
teintée de
charité qu’elles suscitent dans son nouveau public. Le 4 octobre dernier, après le NPA et le Front de gauche, c’était au tour de l’« Univer-sité critique et citoyenne » de Nîm
es d’inviter Plenel pour une conférence m
oustachue sur la « crise de la dém
ocratie ».
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’affaires. « A
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(30.8.01). Un
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e des grandes idées de P
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[vont recevoir] un poster représentant les
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seront invités à Francfort pour assister à la
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à toucher les billets. »
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Le Journal du dimanche, 9.9.01
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oirs publics des intérêts particuliers. »
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2010.2
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E 2011. Yves Calvi reçoit Laurent
Joffrin sur le plateau de « Mots croisés » (France 2).
Un mois plus tôt, com
mentant l’interview
télévisée de Nicolas Sarkozy par Jean-Pierre Pernaut et Yves Calvi, Laurent Joffrin écrivait : « Jean-Pierre Pernaut et Yves Calvi sont de bons professionnels, chacun dans leur genre, soucieux de vie quotidienne pour le prem
ier, attentif à la clarté et à la pédagogie pour le deuxièm
e. Ils ont posé pour l’essentiel les questions qu’il fallait poser, telles que l’actualité les suggérait » (Le Nouvel Observateur, 28.10.11).
24 NO
VE
MB
RE
. Le Monde indique que « le poli-
tologue Stéphane
Rozès conseille
discrètement
François Hollande ». En 2009, Rozès avait été recruté – en com
pagnie du journaliste Jean-Luc Mano et du
publicitaire Régis Lefebvre – par le gouvernement
monégasque pour com
bler le « déficit d’image » de
la principauté.
14 NO
VE
MB
RE
. Dans son blog « imm
édias » hébergé par le site de L’Express, Renaud Revel, em
ployé de L’Express, caresse le directeur de L’Express, Christophe Barbier : « Longtem
ps, il fut de bon ton de fustiger celles et ceux qui cacheton-naient ici et là : ces stakhanovistes du journalism
e que l’on retrouvait un peu partout, de Christine Ockrent à Serge July, en passant par Alain Duha-m
el ou Jean-Marie Colom
bani. […] La question
n’est pas de savoir si ces derniers sont d’infâmes
“cumulards”, m
ais si le paysage médiatique pos-
sède en son sein des professionnels capables, à l’instar d’un Christophe Barbier, à l’Express, d’un Laurent Joffrin, au Nouvel Observateur ou d’un Franz Olivier Giesbert au Point, d’éclairer intelli-gem
ment les téléspectateurs, sans pour autant
verser dans le café du comm
erce. »
29 OC
TOB
RE
. Alain Finkielkraut reçoit Pierre Rosanvallon (fondateur du club de réflexion so-cial-libéral La République des idées) et Paul Thi-baud (ancien directeur de la revue Esprit) dans son ém
ission « Répliques » sur France Culture, consacrée ce jour-là à « la passion de l’égalité ». Une passion partagée par les trois penseurs, si-gnataires en novem
bre 1995 de la pétition « Ré-form
e » initiée par la revue Esprit en soutien au plan Juppé de destruction de la Sécurité sociale.
20 OC
TOB
RE
. Dans Le Point, Jean-Paul Entho-ven, ancien journaliste au Nouvel Observateur, com
plimente M
ona Ozouf, collaboratrice du Nouvel Observateur, pour son recueil d’articles parus dans Le Nouvel Observateur : « Il faut en prendre acte : le m
onathéisme – qu’on nom
mera ainsi en hom
-m
age à la délicieuse Mona Ozouf – est un culte
exigeant, peu pratiqué, presque démodé […
]. Est “m
onathéiste”, en effet, celui ou celle dont le cœur
bat pour les livres, qui est heureux d’empocher la
liberté qu’ils promettent, qui les célèbre sans com
-plaisance ou les critique sans haine. »
6 OC
TOB
RE
. Dans Le Nouvel Observateur, Re-naud Dély salue le dernier livre d’Hervé Algalarrondo, journaliste au Nouvel Observateur : « Un pam
phlet vif et enlevé qui bouscule quelques idées reçues. »
24 SEP
TEM
BR
E. Dans Le Journal du Dim
anche, Philippe Sollers livre sa « sélection personnelle des livres de la rentrée. Le plus ém
ouvant et délectable : Ô Solitude, de Catherine M
illot […]. Le plus branché
magnétique : Vie électrique, de Jean-Philippe Rossi-
gnol. » Les deux livres sont parus chez Gallimard
dans la collection L’Infini, dirigée par Philippe Sollers.
19 AO
ÛT. Guyonne de M
ontjou, ancienne attachée de presse du sous-m
inistre UMP Alain Joyandet, re-
çoit le politologue libanais Ghassan Salamé dans
l’émission « Tém
oins de passage » sur France Inter. Guyonne de M
ontjou a travaillé au cabinet de Ghassan Salam
é lorsqu’il était ministre de la Culture du Liban.
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Ratification
par les
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embres de l’O
rganisation internationale du travail à Genève (Suisse) de la prem
ière Convention internationale sur le travail dom
estique. 16.6.11
Droit de retrait d’une durée
record (18 jours), à Dunkerque, d’environ 200 salariés de l’Asso-ciation d’action sociale et éduca-tive (350 salariés) suite au suicide d’un éducateur spécia-lisé. 5.12.11
Mort d’un ouvrier intérim
aire de 42 ans écrasé entre les parois m
étalliques et le moteur de la
tour de convoyage de charbon à la centrale therm
ique EDF de
Blénod-lès-Pont-à-Mousson
(Meurthe-et-M
oselle). 6.12.11
Total 3 informations
sociales :Une enquête du journaliste am
éricain Edw
ard Epstein relance la thèse du com
plot contre Dominique Strauss-
Kahn. 27.11.11 - 17.12.11
Le Monde :
2 articles, 1255 mots
RienRien
2 articles, 1255 mots
6 articles, 3 brèves, 5044 mots
Libération :Une brève, 61 m
otsRien
Rien1 brève, 61 m
ots5 articles, 5 brèves, 3624 m
ots
Aujourd’hui : Rien
Une brève, 133 mots
Rien1 brève, 133 m
ots3 articles, 2 brèves, 1451 m
ots
Le Figaro : Rien
RienRien
Rien1 article 1 brève, 758 m
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Total :2 articles, 1 brève, 1316 m
ots 1 brève, 133 m
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2 articles, 2 brèves, 1449 m
ots15 articles, 11 brèves, 10 877 m
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ouvement social de novem
bre 1995 poursuit ses dém
ontages sur Internet (w
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.acrimed.org) et sur papier (la revue
trimestrielle M
édiacritique(s), disponible dans les bonnes librairies ou à com
mander
sur le site).
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, Sur la télévision
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’Agir, 1996.
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IMI, L
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s de garde, R
aisons d
’Agir, 2005.
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IMB
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T, Libération
, de Sartre à R
othschild, Raison
s d’A
gir, 2005.
Directeur de la publication : Brad Schnuppert. Rédaction : Julien Brygo, Olivier Cyran. Direction du bon goût : M
arc Pantanella. Carte du PPA : Yann Bureller. Dessin : Colloghan. Rem
erciements à Bertrand Loutte, Vanessa Schloum
a, Karim
a Younsi, la CRE, Gilles Balbastre. Impression :
Imprim
erie de l’Avesnois, 59440 Avesnes-sur-Helpe. OURS
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alyser l’automobile am
éricaine
sans évoquer General M
otors, Ford et C
hrysler ? C
omm
ent parler du journ
alisme fran
çais sans
citer le nom de certains des trente associés qui se
partagent les jeton
s de présence de son
conseil
d’adm
inistration, qui survivent à toutes les alter-nances, politiques et industrielles ? A
ssurément
leur personnalité ou leur talent sont ordinaires. T
rente autres feraien
t tout aussi bien l’affaire.
Loin
de se faire concurren
ce, ils ne cessen
t de troquer des com
plicités, ajoutant aux contraintes précédem
ment évoquées celles que leurs conni-
vences fon
t égoïstemen
t peser sur toute une
profession, ses princes et ses soutiers.U
n m
ilieu. Id
ées un
iformes et d
échiffreu
rs id
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ues. Jou
rnalistes ou
« intellectu
els ». P
eu nom
breux. Inévitables, volubiles. E
ntre
eux, la co
nn
ivence est d
e règle. Ils se ren-
contren
t, ils se fréquenten
t, ils s’apprécient, ils
s’entreglosen
t. Ils sont d
’accord sur p
resque
tout. Lors d
’un « D
uel » télévisé l’opposant à
Jacques Attali, A
lain M
inc qualifia leur idéo-
logie de « cercle de la raison
». Alain
Tourain
e, co
sign
ataire du
rapp
ort co
mm
and
é par
Édouard B
alladur à Alain
Min
c en 1994, pré-
féra l’expression « cercle du réel et du possible ». Il
fallut p
resqu
e en ven
ir aux m
ains p
ou
r les sép
arer… S
orti de ce con
sensus, il n’y aurait
qu’aventure, d
émagogie, « populism
e ». Pour
eux, le soleil ne se couch
e jamais. D
ès l’aube à la rad
io, le soir à la télévision ; d
ans la p
resse écrite, l’éditorial à flux ten
du : quotidien n
atio-n
al, hebdom
adaire, quotidiens région
aux. […
] Parlan
t des journ
alistes de son
pays, un
syn
dicaliste am
éricain a observé : « Il y a v
ingt an
s, ils déjeunaien
t avec n
ous dans des cafés.
Aujourd
’hui, ils dînen
t avec des in
dustriels. » E
n n
e rencon
trant q
ue des « d
écideurs », en
se d
évoyant d
ans un
e société de cour et d
’ar-gen
t, en se tran
sforman
t en m
achin
e à propa-gan
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e march
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e s’est en
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ne classe et d
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caste. Il a perdu d
es lecteurs et son créd
it. Il a p
récipité l’ap
pauvrissem
ent d
u débat p
ublic. C
ette situation est le propre d
’un systèm
e : les co
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ie n’y chan
gero
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as gran
d-ch
ose. Mais, face à ce que P
aul Nizan
ap
pelait « les con
cepts dociles que rangen
t les caissiers soign
eux de la pensée bourgeoise », la
lucidité est un
e forme d
e résistance.
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e la liberté » con
temporain
e s’est fond
ée contre le
capitalisme de presse. E
lle s’y est dissoute dès lors que le projet d
’entreprise pren
ait le pas sur l’objectif réd
actionn
el et politique qui p
rési-d
ait à sa naissan
ce. Les tran
sformation
s de
Libération
illustrent la situation
générale d
e journ
aux contrain
ts de se nier en
tant qu’en
tre-prise afin
de poursuivre leurs buts, ou de renier
leurs buts pour in
tégrer l’univers d
es entre-
prises. […
] « Il ne faut pas que n
os moyen
s de vivre com
promettent nos raisons de vivre », aver-
tissait le fondateur du M
onde, H
ubert Beuve-
Méry. […
] « Refuser de devenir une industrie »,
selon
le sou
hait d
e Sartre p
ou
r Libération
, expose au m
anque d
e moyen
s et à une d
iffu-sio
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uite ; ch
oisir l’o
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age fatal. D’abord
invo-
quée comm
e un im
pératif de survie, la logique in
dustrielle tran
sforme le journ
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« marq
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’autres
« marques » sur un
march
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au lecteur de circon
stance d
e distin
guer des
titres toujours plus interch
angeables, le jour-
nalism
e se fait mark
eting et le jo
urn
aliste gradé, patron
. « Au N
ouvel Observateur, je suis
le seul à avoir licencié des salariés, s’est rengorgé
Lauren
t Joffrin, directeur de la rédaction
de cet hebdom
adaire. À L
ibération, j’ai résisté à trois
grèves gén
érales. » […] N
aguère m
arginau
x com
parés au textile, à la chim
ie ou à l’automo-
bile, les groupes de comm
unication
compten
t à présen
t au nom
bre des principaux acteurs de
l’économ
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diale. L
a fusion d
e la presse
dan
s l’argent con
dition
ne ses con
tenus p
lus efficacem
ent que toutes les cen
sures directes,
fussent-elles exercées par le propriétaire. […
] L
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ées de résignation
sont passées par là,
cherch
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édiatique
Début novembre, l’annonce par le Prem
ier m
inistre grec d’un référendum sur le nou-
veau plan d’austérité imposé par Bruxelles
déclenche la fureur de la presse française. Le Parisien dénonce un « coup de poker qui risque d’avoir de lourdes répercussions sur la zone euro et sur la France », tandis que Libération s’alarm
e du « chaos » qui ruinerait la planète si les Grecs s’exprim
aient sur le sort qu’on leur inflige (2.11.11). « Im
agine-t-on un peuple ac-ceptant, unanim
e, une purge aussi violente ? », gronde l’éditorialiste du M
onde, qui en déduit que, chez les peuples m
écontents, l’exercice de la souveraineté populaire est « la pire des choses » (2.11.11). Les éditorialistes parisiens ne sont pas soum
is à la menace d’une « purge
violente » : leur souveraineté s’impose donc à
tous, y compris aux Grecs. Une sem
aine plus tard, le référendum
était enterré et le Premier
ministre grec rem
placé par un ancien dirigeant de Goldm
an Sachs.
Brèv
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els que vous salariez.
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ouriant, bron
zé, vêtu d’un
polo, il agrippe un
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il avale une gorgée avan
t de roter – ce qui lui
arrache un
rire très sonore, « à l’am
éricaine ».
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ernité – et avec n
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s, l’accusé dirige G
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nis. Il ferm
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site et l’entrep
rise passe d
e 37 à 40 heures san
s augmen
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e salaire. Mais
il offre aux salariés « en échan
ge la possibilité d’aban
donn
er le costum
e-cravate ». P
arlant d
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dan
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t je l’ai viré. »
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lr], qui pronon
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tion H
achette, et les appeler B
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tats du 11 sep
tembre 2001, in
spiré p
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mes
tous am
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e Jean-M
arie [Colom
ban
i, nd
lr], j’ai ad
ressé ce « message aux salariés du G
roupe » : « Nous som
mes
une en
treprise libre, appartenan
t à un m
onde libre. Vous avez
un rôle à jouer pour que le m
onde libre le reste, pour n
ous, pour nos enfants. C
hacun doit bien peser ce qu’il peut apporter au sein
de sa famille ou dan
s son en
treprise pour gagner ce com
bat. »
LE
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s guer-rières, c’est q
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ue les seules balles auxquelles il s’expose son
t des balles d
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oi favorable aux guerres du G
olfe et du K
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s un pays aussi fort, des m
édias qui peuven
t s’exprimer
aussi libremen
t, c’est aussi que nous avon
s une défen
se qui nous
est propre. Avoir un
groupe qui est dans la D
éfense n
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n’est pas une hon
te, c’est une im
men
se fierté. » Ni T
F1
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s les missiles L
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et, d’ailleurs.
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e prend pas. D
’autant que,
quand P
lenel rédigeait en
core les éditoriaux du Monde, celui
du 16 mars 2003 aurait pu être sign
é par mon
client : « Si la
France peut actuellem
ent jouer le rôle qui est le sien sur la scène internationale, c’est aussi parce que, grâce à Jean-L
uc Lagardère
et à Marcel D
assault, elle possède une véritable industrie de l’ar-
mem
ent. » À l’époque, H
achette
ne possédait pas 15 %
du capital d
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onde et c’est d
on
c libre-
men
t que ce quotidien et P
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parlaient déjà le L
agardère.
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société hippique F
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e Sarkozy pour le « oui » en
mai 2005.
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s, Lagardère m
’a offert une cage
avec un
poulet viv
ant. » M
arrant, n
on ? J’ai
présen
té Nicolas à l’état-m
ajor d’H
achette
à La B
aule, en juin
2005, « non
pas comm
e un
ami, m
ais comm
e un frère ». G
enestar savait
ce qu’il lu
i restait à faire. D’au
tant q
ue je
l’avais remarqué quan
d il s’était d
éfini ain
si, en
1999 : « Je suis journaliste chez H
achette. Je m
’entends bien avec ses dirigeants. Match
n’est pas l’A
cadémie fran
çaise ! C’est le propriétaire
qui choisit. » J’avais aimé cet esp
rit d’in
dé-
pen
dan
ce. Pu
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estar a méco
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té S
arkozy. Il le paie aujourd’h
ui !
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inault) : « Je ne lui ai dem
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e chose [à Gen
estar] : “ Si tu fais quelque chose, prév
iens-m
oi avan
t, afin que, par cour-
toisie, je puisse moi-m
ême en
inform
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i Nicolas S
arkozy.” Ce qu’il n’a pas fait.
C’est ça qui m
’a gêné. »
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plexe, vous savez. Toutefois, j’ai appré-
cié que la présiden
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t : « On
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terview
telle qu’elle est sortie. On
ne con
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e 10 000 euros) à la fille d
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ience est susp
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re 2006